sabato 3 marzo 2018

SIMENON SIMENON. UN MAIGRET BRITANNIQUE

A propos de la série avec Rupert Davies 

SIMENON SIMENON. UN MAIGRET BRITANNICO 
A proposito della serie con Rupert Davies 
SIMENON SIMENON. A BRITISH MAIGRET 
About the series with Rupert Davies 




En mars 1960, Simenon fait un voyage à Londres. Le but ? Signer un contrat avec la BBC pour l'adaptation des Maigret en série télévisée. C'était la première fois qu'on allait donner au commissaire un espace important sur le petit écran. Quelques adaptations sporadiques, plutôt dans le style des "dramatiques théâtrales", avaient déjà été faites auparavant, dans les années '50.  
Simenon, toujours très attentif à préserver ses droits, avait tenu à certaines clauses, qu'il énumère dans ses Mémoires intimes: "Vente dans les pays de langue anglaise uniquement, les Etats-Unis exclus. Droit d'utilisation des films, doublés ou sous-titrés, dans tous les autres pays, par moi seul et à mon seul profit." Le contrat fut signé, néanmoins, une clause avait échappé à Simenon, clause qui "prévoit qu'à l'expiration du contrat toutes les copies et les négatifs des cinquante-deux films seront détruits […], de sorte qu'il ne reste rien aujourd'hui de ces cinquante-deux Maigret", assure le romancier, toujours dans ses Mémoires intimes. Aujourd'hui encore, on ne sait pas si cette clause a réellement été appliquée. Plusieurs internautes maigretphiles ont déjà tenté d'écrire à la BBC pour savoir ce qu'il en est de ces copies, mais sans jamais obtenir de réponses claires… Ce qui est sûr, cependant, c'est qu'en Allemagne la série eut un immense succès, et que la chaîne allemande ZDF, ellegardé des copies de la version doublée, ce qui a permis l'édition récente d'une série de coffrets de DVD de 46 épisodes restaurés sur les 52 d'origine.  
Pour incarner le commissaire, la BBC choisit un acteur gallois, Rupert Davies, et, toujours dans ses Mémoires intimes, le romancier écrit, à propos de cet interprète, qu'il est "peut-être le meilleur commissaire". On connaît la façon de faire de Simenon par rapport à tous les acteurs qui ont incarné Maigret, les encensant au début, quitte à revenir sur ses déclarations plus tard… Quoi qu'il en soit, Simenon revit plusieurs fois Davies: en 1962, lorsqu'en sa compagnie, il présida le bal annuel des fabricants de pipes à Londres; et en 1966, lors de l'inauguration de la statue de Maigret à Delfzijl.  
Le 1er juillet 1964 parut, dans un journal australien, sous la plume d'un correspondant de Londres, une interview de Rupert Davies à propos de Maigret. Davies y racontait sa première rencontre avec Simenon, lorsque, en compagnie du producteur Andrew Osborn, il rendit visite au romancier dans sa demeure d'Echandens: "Lorsque nous arrivâmes au château, il nous entretint pendant des heures, nous donnant des conseils sur Maigret et nous expliquant les facettes de sa personnalité". A un moment donné, pendant la discussion, Rupert Davies, plongé dans ses réflexions à propos d'un détail que Simenon expliquait, quitta sa chaise et se mit à regarder par la fenêtre. "My God!", s'exclama Simenon, "that's just what Maigret would do." Davies avait apporté un roman de Maigret, et avant son départ, il demanda un autographe à Simenon. Alors, le romancier lui en offrit un exemplaire tout neuf, dans lequel il écrivit: "To Rupert, my accomplice. After 30 years of writing about Maigret I have now found the actor I have long sought." 
A l'instar de la série, presque contemporaine, avec Gino Cervi, les scènes d'extérieur furent tournées en grande partie à Paris, et comme l'époque du tournage n'était pas très éloignée de celle de la rédaction des romans, cela donnait un certain cachet d'authenticité à la sériePour les intérieurs, c'est la décoratrice Eileen Diss qui se chargea de rendre le tout très "Frenchy": comme le raconte un autre article du même journal australien, elle accompagna Andrew Osborn à chaque fois qu'il se rendait à Paris pour les repérages, et elle en profitait pour acheter "les centaines d'objets qui donnait de l'authenticité aux décors des studios londoniens. Cela allait des meubles, bibelots, portraits de famille, typiques d'un intérieur français, jusqu'aux marques, bouteilles et affiches de bistrots, ce qui faisait dire «ça c'est la France»." 
Simenon visionna-t-il certains de ces épisodes ? Si on devait l'en croire, il ne regardait jamais les adaptations de ses œuvres, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Mais nombre de ses déclarations tendent à prouver le contraire, les commentaires qu'il a faits ne peuvent l'avoir été qu'après visionnement de ces adaptations… Quoi qu'il en soit, malgré que cette série ait une touche typiquement anglaise, et que ce soit "Maigret tel que vu par des Anglais", elle eut un succès certain. Un point à retenir aujourd'hui, alors que d'aucuns reprochent à la nouvelle série avec Rowan Atkinson d'être trop anglaise… Ou peut-être faut-il se dire que ce Maigret alias Davies eut un succès surtout dans les pays non francophones, parce que, à notre connaissance du moins, elle ne fut pas diffusée en France. D'ailleurs, à peine quelques années plus tard, allait débuter à la télévision française une autre série iconique, celle avec Jean Richard… 

Murielle Wenger 

venerdì 2 marzo 2018

SIMENON SIMENON. MAIGRET ET LA VIEILLE DAME ON THE SMALL SCREEN: IN ETRETAT OR ELSEWHERE?

About two television adaptations of Simenon's novel 

SIMENON SIMENON. MAIGRET ET LA VIEILLE DAME SUR LE PETIT ECRAN: A ETRETAT OU AILLEURS ? 
A propos de deux adaptations télévisées du roman de Simenon 
SIMENON SIEMNON. MAIGRET ET LA VIEILLE DAME SUL PICCOLO SCHERMO: A ETRETAT O ALTROVE? 
A proposito di due adattamenti televisivi del romanzo di Simenon 
It is a measure of the international popularity of the Maigret stories that television adaptations have been made in a range of languages for audiences throughout Europe and beyond. Three versions of Maigret et la vieille dame have appeared, featuring Rupert Davies (The Old Lady, BBC, 1960), Jean Richard (Maigret et la dame d’Etretat, Antenne 2, 1979) and Bruno Crémer (Maigret et la vieille dame, France 2, 1995) respectively in the role of the commissaire. Whereas The Old Lady was filmed mainly in the studio, the Richard and Crémer versions were both shot on location; this article will review the degree to which each of these telefilms realises the Etretat setting of Simenon’s novel. 
Stéphane Bertin, the director of Maigret et la dame d’Etretat, featuring Jean Richard, insists throughout that the action is unfolding in the same geographical setting as the novel, even going so far as to add a reference to Etretat, absent in Simenon’s original, in the title of the episode. The telefilm opens with views of the cliffs and streets of Etretat before moving to the burial of the murdered maid Rose Trochu in a scene filmed at the cliffside church of Varengeville near Dieppe, which substitutes for the church of Yport. There are numerous shots of Etretat’s pebble beach, the arches in the chalk cliffs on either side of the town and the famous “aiguille creuse”, a fifty-five-metre-high obelisk rising from the sea, along with sequences filmed in nearby Fécamp and at the petrol terminal at Antifer between Le Havre and Etretat, the latter scene being a further addition to Simenon’s text.  
By contrast, in David Delrieux’s, adaptation of Maigret et la vieille dame, starring Bruno Crémer, Etretat is completely absent. The overall impression is of a seaside setting: as Maigret dismounts from the train, the viewer sees children with shrimping nets, there is a Hôtel des Falaises, Madame Besson explains that her father had been a fisherman and there are nets drying outside Rose’s family home. It may appear curious, then, that the viewer never sees the sea, a fact which becomes less curious when the end-of-programme credits suggest that the episode was filmed in the landlocked Czech Republic! Delrieux’s aim seems to be to create the ambiance of a seaside resort in the south-west of France rather than Normandy – Arlette Sudre lives in Bordeaux rather than Paris, Inspector Castaing’s car has a Gironde registration plate, Madame Besson’s calvados becomes cognac and Rose’s father’s cider is transformed into red wine.  
In addition to this difference in physical location between the two telefilms, there is a further contrast in the historical setting. While Maigret et la dame d’Etretat with Jean Richard is broadly contemporaneous to its 1970s production, Maigret et la vieille dame with Bruno Crémer has an early 1950s “look”. There is a further contrast in the differing approaches of the respective production teams. Maigret et la dame d’Etretat draws on a number of techniques associated with the Nouvelle Vague movement, with in-the-street filming, handheld cameras and non-professional extras. Maigret et la vieille dame, on the other hand, is closer to the so-called cinéma de qualité approach, with the recreation of a historical and social ambiance through the careful (and often expensive!) choice of costumes and props to create a reconstituted version of early-1950s France as it might be imagined by the modern television viewer; and it should, of course, be noted that this is a subjective interpretation of an epoch rather than a necessarily historically accurate depiction.  
In conclusion, although both TV adaptations follow quite closely the storyline of Simenon’s narrative, neither seeks to reproduce the setting of the novel in all details. While Maigret et la dame d’Etretat insists on the Etretat location, the narrative unfolds in a different historical period; if Maigret et la vieille dame has a historical context closer to Simenon’s 1950 novel, the geographical specificity of Etretat and the Normandy coast is completely removed. The degree to which such factors influence a viewer’s appreciation of each adaptation of Simenon’s text will depend on the relative importance he or she attributes to their historical and geographical resemblance or otherwise to the literary point of departure; and in an overall appreciation of each telefilm, these are only two factors amongst many, including the quality of the screenplay and scriptwriting, the casting and performance of the actors, and other considerations such as the camera work and soundtrack. Both adaptations remain accessible in DVD format and readers of this blog are encouraged to make their own judgement and, above all, enjoy these dramatic tributes to Simenon’s creativity. 

William Alder 

giovedì 1 marzo 2018

SIMENON SIMENON. SIMENON, MAIGRET ET L'ALCOOL /1

Les rapports du romancier avec l'alcool 

SIMENON SIMENON. SIMENONMAIGRET E L'ALCOL /1 
Il rapporto del romanziere con l'alcol  
SIMENON SIMENON. SIMENON, MAIGRET AND ALCOHOL /1 
The novelist's relationship with alcohol 

Sur le site de Steve Trussel, «Simenon and his inspector Maigret», se trouve un article fort intéressant, intitulé «Les bières de Maigret», écrit par Murielle Wenger. Je retiens tout spécialement deux passages de ce textele premier où elle rappelle que «Depuis déjà avant le séjour du commissaire à Vichy, le docteur Pardon l’a mis en garde contre les excès, lui suggérant de boire un peu moins.»; le deuxième est le relevé statistique que Wenger a fait en rapportant la consommation de verres de bières roman par roman sur une échelle, démontrant ainsi qu’il n’y a pas de roman sans bière mais que , au contraire, cinq à six bières par jour sont fréquents, allant même jusqu'à dix bières dans certains romans. Encore faut-il remarquer que Murielle Wenger n’a relevé ici que la bière et ne parle pas du vin avec le repas ou le verre de prunelle qui se trouve sur le buffet chez lui à la maison.  
La relation de Maigret avec l’alcool n’est pas surprenante pour qui connaît la biographie de son auteur Georges Simenon. Ce dernier a été, lui-même, tout du long de sa vie, un solide buveur, et certains auteurs n’hésitent pas à employer à son égard le terme d’alcoolique. Jeune reporter déjà, il fréquente «La Caque, un groupe de poètes, rapins et autres jeunes artistes. Ces Compagnons de l’Apocalypse se réunissent pour des beuveries (qu’ils nomment séances orgiaco-mystiques) dans un grenier situé derrière l’église Saint-Pholien, impasse de la Houpe à Liège.» (texte repris du site Repérages). C’est d’ailleurs dans cette ambiance enfumée et entouré des effluves d’alcool qu’il rencontrera la jeune fille, peintre, qui deviendra plus tard son épouse, à savoir Régine Renchon. Pourtant cela ne représente en rien l’exemple reçu à la maison, car son père est un homme tranquille qui aime rester chez lui avec son journal et sa pipe.  
Plus tard, à Paris, Simenon mène grand train et devient un «buveur social»; pas étonnant puisque il y retrouve son ami de La Caque, Luc Lafnet, et quelques jeunes artistes, peintres, poètes et autres de ce même gabarit, se réunissant dans des mansardes jusqu’à des heures indues. Ensuite les voyages sur les rivières sont des années plus calmes, encore que, pendant le calfatage de son bateau à Delfzijl, il ne se prive pas d’aller boire régulièrement son petit genièvre; voici comment Simenon lui-même nous le raconte: «Je me revois, par un matin ensoleillé, dans un café qui s’appelait, je crois, Le Pavillon… Ai-je bu un, deux, ou même trois petits genièvres colorés de quelques gouttes de bitter ? Toujours est-il qu’après une heure …je commençais à voir se dessiner la masse puissante et impassible d’un monsieur qui… ferait un commissaire acceptable.» (La naissance du commissaire Maigret; Ed. Rencontre 1966). 
Mais la période la plus sombre se situe certainement à Cannes. En effet, «…au printemps 1955, Simenon débarque en France, venant des Etats-Unis, mais n’envisage plus de vivre à nouveau à Paris, la capitale ayant à ses yeux perdu tous ses charmes et de plus il recherche maintenant la tranquillité. C’est dans le midi de la France, à Mougins, puis sur les hauteurs de Cannes qu’il pose ses valises dans une villa de rêve qui porte le nom de «Golden Gate». En ces lieux au climat idéal tout devrait aller pour le mieux. Pourtant ce n’est pas le cas. Depuis les premiers troubles psychologiques de Denyse mais aussi les problèmes d’alcoolisme du couple, le romancier a besoin de la boisson comme stimulant lorsqu’il écrit.» (texte repris de Bernard Alavoine). 
Vu ce qui précède, il est logique d’admettre que l’auteur a transmis à son personnage le plus constant des traits ou habitudes se rapportant à sa propre façon de vivre. Mais avant de chercher à prouver que Maigret est, ou n’est pas, un alcoolique, il faut définir ce que c’est que l’alcoolisme. Pour ce faire, je reprends ici la définition telle qu’on la trouve dans le Larousse Médical: «Alcoolisme: Ensemble des troubles immédiats ou lointains résultant de l’intoxication, aigue ou chronique par l’alcool. L’alcoolisme chronique est dû à l’ingestion habituelle et immodérée des vins ou des boissons alcooliques quelles qu’elles soient.». La définition d’alcoolisme chronique selon l’Organisation Mondiale de la Santé est même plus large et ne parle pas de consommation immodérée mais de consommation régulière et chronique, plus ou moins excessive.  
Comme on l’a vu auparavant, dans l’étude de Murielle Wenger, Maigret a une
consommation de bière régulière et chroniqueet puisque son ami, le docteur Pardon, lui a conseillé de boire un peu moins, on peut admettre que sa consommation est plus ou moins excessive. De ce fait, la consommation d’alcool de Maigret correspond tout à fait à la définition d’alcoolisme telle que décrite par l’OMS. Mais peut-on dire que Maigret est un alcoolique pour autant? La consommation du commissaire ne serait-elle pas plutôt du type buveur social ? Le verre de bière avec les collègues après le travail ou la fameuse bière avec sandwich lors des interrogatoires ? On trouve la réponse à cette question dans La Médecine des Familles«Déjeuners de travail, pots entre amis, dîners en famille… Bien souvent l’alcoolisation se fait au quotidien et le buveur pense être * dans la norme*. Il est ainsi important de rappeler les seuils d’une consommation modérée: chez l’homme 3 verres d’alcool par jour maximum (soit 36 g d’alcool pur) et chez la femme 2 verres par jour (soit 24 g). Que l’on opte pour une flûte de champagne, une chope de bière ou un verre de vin, on consomme à peu près la même quantité d’alcool: 10 g par verre. Ainsi le repère d’unité d’alcool correspond à un verre.». Pourquoi le docteur Pardon conseille-t-il à Maigret d’y aller doucement avec la boisson ? Tout simplement parce que l'alcool se propage à travers le corps par l'intermédiaire du sang, et boire même modérément peut avoir toutes sortes d'effets négatifs sur l'ensemble du corps. Mais qu’en est-il de Maigret ? Trop ou pas trop d’alcool ? Nous le verrons dans un prochain article. 

Philippe Proost