sabato 12 novembre 2016

SIMENON SIMENON. CHANGEMENT D'ADRESSE A L'ÉCLUSE N° 1


Le domicile de Maigret, une fin chez Fayard et les incohérences du texte 

SIMENON SIMENON. CAMBIAMENTO DI INDIRIZZO ALLA CHIUSA N° 1 
La residenza di Maigret, una fine da Fayard e le incoerenze del testo 
SIMENON SIMENON. CHANGE OF ADDRESS AT LOCK N°. 1 
Maigret's residence, an end at Fayard, and the inconsistencies in the text 



La scène a dû se passer au courant de l'été 1933. Simenon se trouve dans le bureau de Fayard, et la discussion est plutôt orageuse. L'éditeur vient de faire paraître le dix-huitième Maigret de la collection, L'écluse no 1. Le romancier a déjà réussi à lui faire publier cinq romans en dehors de cette collection: Le passager du Polarlys et Le relais d'Alsace, qui étaient encore très proches de la veine policièreLes fiançailles de M. Hire, le premier authentique "roman dur"; Le coup de lunepremier roman inspiré à Simenon par ses voyages autour du monde, tandis que La maison du canal reprend dans sa trame des souvenirs de jeunesse du romancier.  
Immergé dans cette nouvelle veine d'inspiration, Simenon est bien décidé à laisser tomber son commissaire, et cette décision fait l'objet de l'entrevue en question. On ne connaît pas la teneur exacte des mots échangés, mais, en compulsant ce qui en a été écrit dans les biographies, et ce que Simenon lui-même en a raconté dans ses écrits et ses interviews, on peut reconstituer le dialogue à peu près comme ceci: 
- J'abandonne la série Maigret. Maintenant, je me sens capable d'écrire des romans sans cadavres et sans policiers. 
- Le succès vous monte à la tête et vous vous imaginez que vous allez le retrouver en écrivant autre chose que des romans policiers.  
- Je n'ai plus besoin d'un fil conducteur. Je pense pouvoir écrire maintenant un vrai roman. 
- Vous êtes comme Conan Doyle qui voulait tuer Sherlock Holmes. Il a essayé d'écrire d'autres romans, et ça a été un désastre. Voilà ce qui vous attend. Croyez-moi, continuez dans le domaine pour lequel vous êtes fait: la littérature grand public ! 
Mais Fayard a beau insister, Simenon tient bon, et il se met à écrire une nouvelle série de "romans durs". Ce n'est que parce qu'un journal lui demandera de remettre en activité son commissaire, et sur l'insistance des lecteurs, que le romancier acceptera, en jurant qu'on ne l'y reprendra plus, d'écrire un dix-neuvième opus pour la série. Et, en parallèle, il signera son premier contrat avec Gallimard, bien décidé à changer d'écurie en même temps qu'il passe à une nouvelle étape. Air connu… 
Reste un point à éclaircir pour les simenoniens. Dans le roman L'écluse no 1, Maigret est sur le point de partir à la retraite, façon symbolique pour son créateur d'illustrer sa volonté de le mettre au rancart. Au chapitre 6, on le voit rentrer chez lui, où Mme Maigret est en train de préparer le déménagement dans leur maison de campagne. L'adresse de leur domicile à Paris est cité deux fois dans ce chapitre (c'est le seul endroit d'ailleurs dans tout le roman). Or, il se fait que dans l'édition originale de ce roman, la première citation donne "boulevard Richard-Lenoir", et la seconde "boulevard Edgar-Quinet". 
Michel Lemoine, dans son ouvrage Paris chez Simenonpose l'hypothèse suivante: "lorsqu'il a rédigé ce roman de Maigret, Simenon avait abandonné le commissaire depuis près d'un an; n'est-il pas concevable, dès lors, qu'après ce laps de temps, le romancier ait eu une défaillance de mémoire concernant le domicile exact de Maigret ? Peut-être se sera-t-il souvenu d'un boulevard, d'un prénom, d'un patronyme et aura-t-il choisi Edgar-Quinet, proche de Richard-Lenoir quand au nombre de syllabes et quant à la rime interne Edgar-Richard. Il est en outre vraisemblable que Simenon n'accordait alors guère d'importance à l'adresse du héros qui lui avait donné la célébrité puisqu'il se croyait fermement décidé, à l'époque, à l'abandonner définitivement." Et Lemoine d'ajouter cette pertinente remarque: "Ceci n'explique toutefois pas les deux adresses figurant dans le même chapitre de l'édition originale. On aimerait, devant une telle bévue, pouvoir consulter le manuscrit du roman, mais celui-ci semble bien irrémédiablement perdu." 
Ajoutons, pour l'anecdote, que dans le volume des Œuvres complètes chez Rencontre, l'éditeur, s'étant aperçu de cette erreur, l'a corrigée, mais dans le mauvais sens: les deux mentions sont "Edgar-Quinet", ce qui fait que dans les éditions ultérieures, ainsi que dans certaines traductions, on trouve cette étrange adresse attribuée au domicile de Maigret, ce qui n'a pas manqué de soulever bien des interrogations de la part des lecteurs attentifs… Dans les éditions Tout Simenon, puis Tout Maigret parues chez Omnibus, la correction a cette fois été faite en restituant l'adresse du boulevard Richard-Lenoir.  
Une dernière pièce est à verser au dossier. Ce roman a connu une édition en préoriginale dans le journal Paris-Soir, entre le 23 mai et le 16 juin 1933. Nous avons eu la curiosité de chercher, sur le site des archives de la Bibliothèque nationale française (http://gallica.bnf.fr), les anciens numéros de ce journal, et de contrôler quelles étaient les mentions de l'adresse du domicile de Maigret. Nous y trouvons, comme dans l'édition originale du roman, une première adresse, qui est boulevard Richard-Lenoir, et la seconde adresse est "Boulevard Edgard-Quinet" [sic!], orthographié avec un "d" à la fin de Edgar. Cette faute d'orthographe nous donnerait à penser que l'erreur est peut-être finalement à mettre sur le compte du typographe… Comment savoir en effet si l'édition originale a eu pour base le manuscrit de Simenon, ou la version donnée dans le journal ? Une question qui ne trouvera sa réponse que le jour où, peut-être, on retrouvera ce manuscrit… 

Murielle Wenger

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