martedì 17 aprile 2018

SIMENON SIMENON. LE GENIE DES TITRES

Quelques réflexions à propos du choix des titres des romans Maigret 

SIMENON SIMENON. IL GENIO DEI TITOLI 
Alcune riflessioni sulla scelta dei titoli dei romanzi Maigret 
SIMENON SIMENON. THE GENIUS OF TITLES 
Some thoughts on the choice of titles for the Maigret novels 


Les trois morts de BergeracA marée basseLes débuts de Maigret, La visiteuse de Maigret. Ces titres ne vous disent rien ? Ou ils vous évoquent vaguement quelque chose ?  
Peut-être l'avez-vous deviné: il s'agit de titres pour des romans de la saga maigretienne, que Simenon avait écrit en option sur les enveloppes jaunes. Les trois morts de Bergerac est finalement devenu Le fou de BergeracA marée basse était une option pour La maison du jugeLes débuts de Maigret s'est transformé en La première enquête de Maigret, et La visiteuse de Maigret a été abandonné au profit de Maigret et Monsieur Charles. 
Grâce à ces fameuses enveloppes jaunes, on peut apprendre beaucoup sur le travail du romancier. Pas seulement des renseignements sur des personnages et des lieux, mais aussi comment il hésitait sur certains choix, dont celui du titre à donner à un roman. Ce titre est un élément important, parce que le lire sur une couverture peut avoir une influence sur la décision du lecteur à acheter le roman. L'aspect de la couverture, son illustration, le résumé au dos font partie des premiers indices qu'utilise le potentiel acheteur dans son choix, et le titre également. Celui-ci doit être accrocheur, avec un zeste de mystère pour titiller la curiosité, et en même temps, évoquer quelque chose. C'est particulièrement vrai pour les romans qui font partie d'une série, comme le sont ceux de la saga maigretienne.  
On sait que les dix-neuf premiers romans de la série, ceux publiés par Fayard, ne comportent pas le nom du héros dans leur titre, au contraire de ceux publiés par les Presses de la Cité. On raconte que c'est Sven Nielsen qui a proposé à Simenon d'introduire le mot "Maigret" dans le titre des romans, et probablement l'éditeur voyait-il déjà plus loin, imaginant que le romancier allait produire une véritable série de romans ayant le commissaire pour héros, et cet aspect sériel serait souligné par la présence du patronyme du héros dans le titre. De plus, le nom de Maigret, accolé et en même temps opposé à celui de Simenon, pouvait permettre de jolies illustrations pour les couvertures, qui en devenaient d'autant plus reconnaissables et incitatives pour le lecteur. La série photographique de l'illustrateur Yantchevsky, parues dans les années '50 (et qu'on peut voir ici: https://biblio.enquetes-de-maigret.com/maigret-chez-yantchevsky/) est là pour en témoigner.  
Simenon a dû comprendre assez facilement l'argument "publicitaire" de faire paraître le nom du commissaire sur les couvertures, mais a-t-il pensé au fait que c'était une contrainte supplémentaire pour lui, le romancier ? Les titres des romans Maigret de la période Fayard (et ceux de la période Gallimard) avaient pour eux cette once de mystère qui pouvait inciter à la lecture. Introduire le mot "Maigret" dans le titre, s'il avait l'avantage de permettre une reconnaissance plus rapide de ce à quoi on avait affaire (une nouvelle enquête du commissaire bien connu), avait en même temps le désavantage de limiter le côté mystérieux, mais surtout cela devenait plus difficile de garder une certaine originalité. Avec le mot "Maigret", le choix devenait plus limité: on pouvait soit accoler un substantif à ce patronyme (sous la forme "Le/La… de Maigret" ou "Maigret et le/la…), soit un verbe. Ce qui, forcément, finissait par confiner à une certaine banalité. Et Simenon en était conscient: la preuve nous en est donnée à la fois par les enveloppes jaunes, sur lesquelles on peut lire les hésitations quant au titre (un exemple: pour Maigret et le tueur, le romancier a hésité entre "Maigret fait coup double, Maigret se méfie, Maigret et l'homme tranquille, Un coup double de Maigret, Maigret et le forcené") et à la fois par les lettres qu'il échangeait avec son éditeur.  
Si l'idée d'introduire le nom du héros sur la couverture a donné l'occasion aux illustrateurs de faire de très jolies séries pour les romans, peut-être que Simenon lui-même a dû trouver que c'était au détriment de son imagination. En effet, le romancier n'avait-il pas le génie des titres, lui qui avait forgé son inventivité lors de ses années d'apprentissage en littérature alimentaire ? Il suffit pour s'en convaincre de voir la liste des titres des romans durs, qui ont gardé, beaucoup plus que les romans Maigret, leur part de mystère et d'attractivité.  
Mais cette "banalisation" des titres de la saga maigretienne a peut-être son avantage: grâce à cette "polyvalence des titres, qui a pour conséquence de les rendre interchangeables", comme l'écrit Claudine Gothot-Mersch (in Le travail de l'écrivain à la lumière des dossiers et manuscrits du Fonds Simenon), ceux-ci en deviennent d'autant plus faciles à traduire, ce qui permet aux éditions dans les autres langues de modifier à volonté le titre original, pour l'adapter à la sérialité d'une collection (en adjoignant par exemple le patronyme de Maigret aux titres des traductions des romans Fayard), ou de choisir un autre thème du roman pour l'illustrer dans le titre.  
Il en est certains pour regretter cette divergence entre le titre original en français et sa traduction, surtout parce que celle-ci rend parfois difficile l'identification de l'un à l'autre; mais peut-être faut-il se dire que la formule même du "titre sériel" autorise cette divergence, et que l'on finit toujours par s'y retrouver, ne serait-ce que parce que, le nom de Maigret apparaissant le plus souvent sur les couvertures des romans traduits, on saura tout de même de quoi il s'agit… Et puis, une fois la déception passée (pour celui qui croira avoir découvert un inédit, alors qu'en réalité il ne s'agit que d'un titre différent pour un roman déjà connu…), le collectionneur maigretphile impénitent succombera au plaisir de comprendre pourquoi tel titre est devenu tel autre dans une traduction… 

Murielle Wenger 

lunedì 16 aprile 2018

SIMENON SIMENON. THE SEVERAL FACES OF VOYEURISM / 1

On the voyeur as a looker in "Across the Street" 

SIMENON SIMENON. LES DIFFERENTS VISAGES DVOYEURYSME / 1 
Le voyeur comme un spectateur dans "La Fenêtre des Rouet "
SIMENON SIMENON.  I VARI ASPETTI DEL VOIERISMO /1
Il voyeur come uno spettatore ne "La Finestra dei Rouet"


The writing of Across the Street followed Mr. Hire’s Engagement by 10 years, yet both focus on voyeurism in similar ways. Two successive posts will deal with the visual and then the auditory components of this practice in the later novel. 
Near forty, unemployed and unwed, Dominique spends most of her time all alone in the only room she actually uses,” her bedroom. Indeed, “in order to feel a little bit at home, she routinely locks its door, thereby physically isolating herself from contact with the outside world. But she never closes the shutters on its window fully, always leaving at least a “crack open whereby she takes the covers off the houses across the street.” Because inhabitants over there leave their shutters wide open, Dominique “sees everything.” It is as if she is really in their rooms, as though “it would suffice to extend one’s hand to touch them.” Fortunately for her, the people she watches are unaware of her existence.” She can see them, but they cannot see her. 
Through her almost constant examination, enhanced by her fertile imagination, Dominique “knows everything. She never hears their voices […] but she observes them coming and going from morning to night, studying their gestures and lip movements: it is a long wordless history whose smallest incidents she understands.” And Simenon gives her a lot to observe and understand: young Antoinette lets her sickly husband perish, battles with her nasty in-laws, and takes up new lovers, all occurring under Dominique’s watchful eye. As the drama and tension within the household escalates, so does Dominique’s vicarious involvement. “Not yet an old maid,” she is “tormented” by “envy,” but she also enjoys “morbid pleasure.” What she sees grows increasingly exciting, “boiling and running over with all its frightening rawness.” Identifying progressively with adventuresome Antoinette, Dominique “forgets to breathe,” not wanting to miss a thing. In fact, she becomes so obsessed that Simenon puts her directly on Antoinette’s tail around Paris. This way, Dominique gets to watch Antoinette’s behavior vis-à-vis her lovers (the last, a mulatto), both in their sensual presence and distressing absence, through windows of bars and hotels in addition to her bedroom window. While Dominique is “tapping into a more vibrant, forbidden life,” she also experiences growing “torture,” requiring “liberation. 
Dominique ordinarily communicates with Antoinette through her imagination and by talking to herself. When the two women begin to make eye contact, Dominique still remains “an ordinary woman,” an unknown. But, in time, as Dominique “watches over” Antoinette, she becomes a familiar observer to whom the latter returns a “mocking smile.” When finally seen at her window and recognized for what she is, Dominique knows the Antoinette laughing contemptuously at her feels her voyeur is “a maniac.” Whereas Dominique feels “invisible bonds united” them and incapable of breaking the charm tying them together, Antoinette has managed to do just that. Up until now, lonely Dominique “could not imagine there was nothing more,” but she realizes existence without Antoinette means a “vacuum of emptiness. Making it clear “she is on her own,” Simenon provides her with a logical, final solution. 

David P Simmons