SIMENON SIMENON. LA DONNA ROSSA SI TROVA ALLA CHIUSA N°1?
L'abbandono provvisorio di Maigret da parte di Simenon, e l'uscita simultanea di un "proto-Maigret"
SIMENON SIMENON. IS THE REDHEAD WOMAN TO BE FOUND AT LOCK N°1?
Simenon's temporary abandonment of Maigret and the simultaneous publication of a "proto-Maigret"
Entre deux voyages pour une série de reportages qui seront
publiés sous le titre de "Europe 33" et "Peuples qui ont faim", dans le mois d'avril 1933, Simenon a
fait escale à Marsilly. Il prend le temps d'y écrire ce qu'il pense
être son dernier roman de la série Maigret: L'écluse no 1. Il se sent
mûr pour une nouvelle étape, et il est décidé à lâcher son encombrant
commissaire (nous en avons parlé plus en détail dans notre billet du 2
décembre 2014). A ce moment-là, ont déjà paru 17 titres Maigret chez
Fayard, 3 recueils de nouvelles policières (Les treize coupables, Les
treize énigmes, Les treize mystères), et les premiers "romans durs": Le
relais d'Alsace, Le passager du Polarlys, Les fiançailles de M. Hire et
Le coup de lune. Il en est parmi les critiques littéraires de l'époque
pour regretter qu'il abandonne la veine policière, comme un certain
Marcel Fautrad, qui écrivait en février 1935, dans la revue littéraire
Les Primaires, un article titré "Maigret contre Simenon": "Aujourd'hui
il est un homme fini. Maigret a vidé le brillant Simenon. […]. Au lieu
de se contenter d'une place honnête dans un genre honnête, Simenon à
bout de course a voulu bluffer. Il a joué une nouvelle carte. Il a
perdu.". Mais tout le monde n'était pas de cet avis, et d'autres
critiques avaient salué la parution de ces premiers "non-Maigret".
Ainsi, dans Comoedia du 23 mai 1933, l'un disait à propos de Les
fiançailles de M. Hire: "Un roman puissant, fort, vrai. Il y a là […]
une psychologie juste, rigoureuse, nuancée, et une ambiance qui vous
prend. […] Simenon est un écrivain. Un vrai." C'est dire si Simenon se
sentait conforté dans sa décision d'aborder la "littérature tout court",
et il allait abandonner pendant près de deux ans son héros, écrire
nombre d'autres romans, et surtout signer un contrat avec Gallimard,
Fayard étant jugé trop "populaire"…
Au temps où Simenon se
faisait la main avec ses romans sous pseudonymes, sa production
surabondante ne pouvait s'écouler chez un seul éditeur. C'est pourquoi
il fournissait de la copie non seulement à Fayard, mais aussi à Ferenczi
et à Tallandier. Ce dernier proposait, entre autres, une collection de
romans d'aventure, pour laquelle "Georges Sim" s'en donnait à cœur joie,
ouvrant son dictionnaire Larousse pour y puiser les thèmes de grands
voyages et d'exotisme, du Congo à la Chine en passant par l'Amérique du
Sud… Une autre collection était celle des romans d'amour, et le
romancier s'y fendit également de quelques "perles", dont En robe de
mariée, qui fut le premier roman de Simenon édité en Italie sous le
titre de Nicoletta e Dina, mais aussi L'homme à la cigarette, dans
lequel il faisait le portrait d'un policier qui était comme le dernier
avatar "prémaigretien"… Mais c'est aussi chez Tallandier, dans la
collection "criminels et policiers", que parut en février 1932 La maison
de l'inquiétude, le premier de ce qu'on appelle les "proto-Maigret",
dont le manuscrit avait été refusé par Fayard… Dans la même collection
furent publiés en 1933 deux autres romans signés Georges Sim: en
juillet, Le château des sables rouges, une enquête de Sancette, un roman
que Simenon considérait comme l'un de ses meilleurs populaires;
auparavant, en avril, le même éditeur avait fait paraître La femme
rousse, un autre "proto-Maigret" (vous pouvez lire une analyse de ce
roman ici: http://www.trussel.com/maig/momrou.htm). Et nous pouvons nous
poser la même question que nous avions déjà soulevée à la fin de notre
billet du 26 février dernier, à propos de deux autres "proto-Maigret":
ceux qui ont acheté en avril 33 La femme rousse ont-ils fait le
rapprochement avec les romans de la collection Maigret chez Fayard ? Ce
personnage de Maigret qu'ils voyaient dans ce roman était-il le même,
pour eux, que celui dont ils lisaient les enquêtes dans L'ombre chinoise
ou Liberty bar ?
Dans Les Primaires (la revue évoquée plus
haut) de juin 1933, paraissait une recension de La femme rousse, dans
laquelle on lisait: "Georges Sim a un nom qui ressemble beaucoup à celui
de Georges Simenon, et un talent qui ressemble encore plus à celui de
l'auteur du Chien jaune. Et de plus, coïncidence étrange, on retrouve
dans La femme rousse l'inspecteur Maigret, qui avait disparu depuis un
an des romans de Simenon. L'inspecteur Maigret n'a pas maigri. Il a
toujours sa carrure, sa placidité bonhomme, sa pipe et son flair. Bref,
en lisant La femme rousse, vous aurez l'impression de lire un roman de
Simenon." L'auteur de ce texte était-il au courant que ce roman avait
été écrit bien avant ceux de la collection Maigret… ?
Murielle Wenger