domenica 25 giugno 2017



MANGER AVEC MAIGRET 
Chaque semaine, partagez un repas avec le commissaire 

Maigret revient… et devient gourmet… 
Le retour de Maigret dans les romans de la période Gallimard marque aussi une étape sur le chemin de la gastronomie maigretienne. Sont-ce les privations de la guerre (rappelons que les romans en question ont été écrits entre 1939 et 1943) qui poussent Simenon à permettre à son commissaire de se retrouver plus souvent devant de plantureux repas ? Ou l'auteur a-t-il entre temps fait quelque apprentissage plus poussé de la gastronomie ? Quoi qu'il en soit, nous allons voir Maigret savourer force menus dans les six romans de cette période. Dans Les caves du Majestic, après avoir commencé par un banal cassoulet de conserve dans un bistro de la rue de Ponthieu, voilà notre commissaire attablé à La Coupole, pour la grande scène lors de laquelle il arrête Ramuel: "Qu'est-ce que je vous dois, garçon ? … J'ai un steak, un machin du chariot, une côte de bœuf, quoi, trois pommes frites et trois demis…" Dans La maison du juge, Maigret s'ennuie tellement à Luçon que la première occasion est bonne pour filer à L'Aiguillon, et - quelle chance ! - la cuisine de l'Hôtel du Port est plutôt bien garnie: huîtres, moules, crevettes, poisson et gigot pour le dîner du premier soir; mouclade pour le déjeuner du deuxième jour; soupe, plies, côtelette de porc et chou pour le dîner du même jour; quant à son escapade à Versailles, elle se couronne par la dégustation… d'une choucroute ! Dans Cécile est morte, on assiste au repas que Maigret partage avec un criminologiste américain, chez Mélanie et son fameux coq au vin, précédé de cèpes à la bordelaise; ce qui ne l'empêche pas de terminer son enquête, toujours avec le même convive, dans une brasserie, où ils vont manger… devinez quoi ?... une choucroute ! 

MANGIARE CON MAIGRET  
Ogni settimana, condividete un pranzo con il commissario 

Maigret ritorna… e diventa bongustaio… 
Il ritorno di Maigret nei romanzi del periodo Gallimard, segna anche una tappa sul cammino della gastronomia maigrettiana. Sono le stesse privazione della guerra (ricordiamo che i romanzi in questione sono stati scritti tra il 1939 e il 1943) che spingono Simenon a permettere al suo commissario di ritrovarsi davanti a dei piatti più gustosi? Oppure l’autore nel frattempo ha acquisito qualche nozione più approfondita in merito alla gastronomia? Sia quel che sia, scopriamo un Maigret assaporare spesso dei menù nei sei romanzi di questo periodo. Ne I sotterranei del Majestic, dopo aver iniziato con un semplice cassoulet in scatola in un bistrò della rue de Ponthieu, ecco il commissario a tavola a La Coupole per la granda scena in cui arresta Ramuel «Quanto vi devo, garçon…?... Ho preso una bistecca, qualcosa nel carrellobeh una costatata di manzo, tre patate fritte e tre mezzi litri di birra…». Ne La casa del giudice, Maigret si annoia talmente a Luçon che la prima occasione è quella buona per filarsela a L'Aiguillon - che fortuna! – alla cucina dell’tel Du Port è piuttosto ben guarnita: ostriche, mitili, gamberetti, pesce e cosciotto per la cena della prima sera; cozze alla panna per il pranzo del secondo giorno; zuppa, passera di mare, braciola di maiale e cavolo per la cena dello stesso giorno; quanto alla sua incursione a Versailles si conclude con la degustazione … di una zuppa di crauti! In Cécile e morta si assiste ad un pasto che Maigret condivide con un criminologo americano chez Mélanie: il suo famoso pollo al vino, preceduto di funghi porcini alla bordelese, cosa che non gli impedisce di terminare la sua inchiesta, sempre con lo stesso commensale in un brasserie dove vanno a mangiare… Indovinate cosa?... una zuppa di crauti! 


EATING WITH MAIGRET 
Every week share a meal with the chief inspector 

Maigret comes back… and becomes a gourmet… 
Maigret's return in the Gallimard novels is a milestone on the road of the maigretian gastronomy. Is war deprivation (let's remember that these novels were written between 1939 and 1943) the reason why Simenon allows his chief inspector to be more often in front of copious meals? Or did the author meanwhile learn more about gastronomy? Anyway, we'll see Maigret savouring many menus in the six novels of this period. In The Cellars of the Majestic, after having begun with a commonplace canned cassoulet in a bistro in rue de Ponthieu, here's our chief inspector sitting at a table in La Coupole, for the great scene in which he arrests Ramuel: "What do I owe you, waiter ? … I had a steak, something from the trolley, well a prime rib, French fries and three demis…" In The Judge's House Maigret is so much bored in Luçon that he takes the first opportunity to escape to L'Aiguillon, and – how lucky ! – the cooking of the Hôtel du Port is rather luxurious: oysters, mussels, shrimps, fish and roast for the first day dinner; mussels with cream for the second day lunch; soup, plaice, pork chop and cabbage for the same day dinner; as for his getaway to Versailles, it is crowned by the tasting of… a sauerkraut ! In Cecile is dead, we are witnessing the meal Maigret is sharing with an American criminologist, at Mélanie's and her famous coq au vin, preceded by ceps à la bordelaise; which doesn't prevent him to finish his investigation, still with the same guest, in a brasserie, where they're going to eat… guess what?... a sauerkraut! 

LES BONNES RECETTES DE MME MAIGRET 
Madame Maigret écrit à son amie Madame Pardon et lui transmet ses secrets de cuisine 

Recette des côtelettes de porc à la normande 
Chère Francine, 
Jules s'est enfin décidé: nous passerons nos vacances à Bayeux. Je me réjouis de revoir la Normandie, et pour se mettre dans l'ambiance, je te propose aujourd'hui ma recette des côtelettes de porc à la normandePour quatre personnes, il te faut quatre belles côtelettes de porc, que tu assaisonneras de sel, poivre et poivre de Cayenne. Fais blondir du beurre dans une poêle, fais-y revenir les côtelettes des deux côtés, puis retire-les. Dans la même poêle, fais rissoler un gros oignon et quelques feuilles de sauge, puis ajoute les côtelettes et laisse-les cuire à feu doux une petite demi-heure. Pendant ce temps, coupe six pommes en quartiers, fais-les revenir dans du beurre, et assaisonne-les d'un peu de poivre. Quand tout est cuit, dresse les côtelettes et les pommes dans un plat de service chauffé. Déglace la poêle ayant servi à la cuisson des côtelettes avec 3 décilitres de cidre, et verse le jus sur les côtelettes. Bon appétit! 
Louise 


LE BUONE RICETTE DI MME MAIGRET 
La signora Maigret scrive alla sua amica la signora Pardon e lei trasmette i suoi segreti di cucina 

Ricetta di cotolette di maiale alla normanna  
Cara Francine, 
Jules alla fine si é deciso: passeremo le nostre vacanze a Bayeux. Io sono felice di rividere la Normandia e per entrare nell’ambiente, ti propongo oggi la mia ricetta di cotolette di maiale alla normanna. Per quattro persone ti occorrono quattro belle cotolette di maiale, cui aggiungerai sale, pepe e pepe della Cayenna. Fai sciogliere del burro in una padella, fai cuocere le cotolette dalle due parti poi le ritiri. Nella stessa padella fai rosolare una grossa cipolla e qualche foglia di salvia, poi aggiungi le cotolette e lascia cuocere a fuoco lento per quasi mezz’ora. Nel frattempo taglia sei mele in fette, falle sbollentare nel burro e aggiungi un po’ di pepe. Quando tutto è cotto, sistema le cotolette e le mele in un piatto di portata ben caldo. Sgrassa la padella ch è servita alla cottura, con 3 decilitri di sidro e versa il succo sulle cotolette. Buon appetito! 
Louise 

MME MAIGRET'S GOOD RECIPES 
Mme Maigret writes to her friend Mme Pardon and gives her cooking secrets  

Recipe of pork chops "Normandy way" 
Dear Francine, 
At last Jules has decided: we're going to spend holidays at Bayeux. I'm looking forward to see Normandy again, and, to get into the mood, today I propose my recipe of pork chops "Normandy way". For four persons, you'll need four big pork chops; season them with salt, pepper and cayenne pepper. Blond butter in a pan, fry the chops on both sides, then remove them. In the same pan you'll brown an onion and some sage leaves, then add the chops and let them simmer on low heat for about half an hour. Meanwhile, you'll cut six apples in slices, then fry them in butter, and season with some pepper. When the whole is cooked, put the chops and the apples in a warmed serving dish. Deglaze the pan used for the cooking of the chops with 3 deciliters of cider, and pour the juice over the chops. Enjoy your meal! 
Louise 

sabato 24 giugno 2017

SIMENON SIMENON. MORSANG, UNE BASE DE LANCEMENT POUR MAIGRET…


Quelques réflexions sur la rédaction des premiers romans "Maigret" 

SIMENON SIMENON. MORSANG, UNA BASE DI LANCIO PER MAIGRET… 
Alcune riflessioni sulla redazione dei primi romanzi "Maigret" 
SIMENON SIMENON. MORSANG, A LAUNCH PAD FOR MAIGRET 
Some reflections on the writing of the first "Maigret" novels


Au printemps 1930, Simenon, après son périple sur les canaux du Nord, est venu amarrer son bateau l'Ostrogoth près de Morsang-sur-Seine. C'est là, du moins selon certains simenologues, qu'il écrit son premier roman sous patronyme, Pietr le Letton (qui, selon d'autres, aurait connu une rédaction, au moins partielle, à Delfzijl selon la légende établie par Simenon lui-même, et peut-être aussi à Stavoren). Sans nous attarder sur ce problème – que les plus éminents simenoniens ne sont pas encore arrivés à résoudre, et qui, en réalité, risque de rester insoluble – nous aimerions évoquer aujourd'hui l'écriture des deux romans suivants de la saga maigretienne, à savoir Le charretier de la Providence et Monsieur Gallet, décédé 
Nous avons parlé, dans un billet du 16 juillet 2016, de l'entrevue entre Simenon et Fayard, et nous avions relevé combien il était difficile de savoir ce que les deux hommes s'étaient dit exactement, et ce que Fayard avait exigé en échange de son accord à publier la nouvelle collection. Simenon lui-même, en racontant l'événement a posterioriavait proposé des variantes sur cette conversation, mais aussi sur le nombre de manuscrits qu'il avait montrés à son éditeur.  
Une chose cependant semble pouvoir être établie avec une certaine certitude: la première entrevue entre Simenon et Fayard à propos de Pietr le Letton doit avoir eu lieu au plus tard au printemps de cette année 1930, puisque le contrat d'édition du roman est daté du 26 mai. On sait que Fayard, encore mal convaincu à ce moment-là, proposa au romancier une prudente première diffusion en feuilleton dans l'hebdomadaire qu'il venait de fonder, Ric et RacAutrement dit, si le contrat date du mois de mai, on peut sans peine imaginer que Simenon, suite à cette entrevue, ait continué dès l'été à écrire les Maigret suivants, soit à la demande de Fayard, soit de son propre chef pour convaincre celui-ci. 
Quoi qu'il en soit, les spécialistes de l'œuvre simenonienne s'accordent pour dire qu'au cours de cet été 1930, Simenon s'est consacré à l'écriture de deux Maigret (et peut-être aussi de quelques romans populaires sous pseudonymes), les deux cités au début de ce billet. Quant à savoir lequel des deux en premier… En l'absence des manuscrits, disparus, et, à notre connaissance, la possession par le Fonds Simenon de la seule enveloppe jaune de Le charretier de la Providence, nous ne savons trop sur quels indices les simenologues se sont basés pour décider de l'ordre de rédaction de ces deux romans. Certes, lors du Bal anthropométrique, c'est Monsieur Gallet, décédé qui fut choisi pour lancer la collection, mais cela ne nous dit pas encore qu'il ait été écrit avant Le charretier de la Providence, puisquaussi bien le deuxième roman du Bal fut Le pendu de Saint-Pholien, dont les spécialistes estiment actuellement qu'il fut composé plus tard, soit en automne 1930… La date de rédaction ne semble donc pas avoir été un critère déterminant pour ce choix, comme nous l'avons déjà évoqué dans un billet du 2 mars 2016 
Difficile aussi de s'appuyer sur les dires de Simenon lui-même, qui, comme nous l'avons déjà vu, n'était pas très constant dans ses souvenirs… Dans ses textes autobiographiques (Dictées et Mémoires intimes), Simenon évoque à peine ces deux romans: Le charretier de la Providence seulement pour raconter comment, en 1931, il était allé chercher un clochard du quartier Maubert pour figurer le charretier sur la couverture photographique originale du roman; quant à Monsieur Gallet, décédé, il n'est même pas mentionné… D'ailleurs, lorsque dans sa première dictée (Un homme comme un autreil parle des débuts de Maigret, il fait une curieuse confusion: "Les trois romans qui suivirent [Pietr le Letton], Les demoiselles de Concarneau, Le pendu de Saint-Pholien et je ne sais plus lequel, me parurent dignes d'être publiés"… Même oubli dans une interview pour le journal 24heures, où Simenon dit: "J'ai commencé par Pietr le Letton, qui fut suivi de deux autres romans, Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien, J'ai envoyé les trois manuscrits à Fayard."  
On remarquera comment Le charretier de la Providence disparaît ici dans les oubliettes de la mémoire simenonienne; comme si, dans l'euphorie de la victoire obtenue lors du Bal anthropométrique, ce roman, publié au mois de mars 1931, avait presque passé inaperçu; à moins que Simenon, pris à ce moment-là par l'écriture "forcenée" des romans suivants, ne se soit que peu inquiété du succès de son troisième roman paru… Une hypothèse parmi d'autres, comme celles que nous avions évoquées dans un billet du 18 mars 2017. 
Il nous reste à dire deux mots sur Morsangpour revenir tout de même au titre de ce billet! Ce bord de Seine est un des hauts lieux simenoniens, décor de bien des romans, Maigret et "romans durs", et un endroit que le romancier a beaucoup apprécié: un certaine nonchalance du bord de l'eau (on pense à une chanson de Gabin), l'atmosphère des guinguettes, la pêche à la ligne, la bouteille de vin blanc qui se rafraîchit dans le courant, tout concourt à en faire le "second berceau" de Maigret, après les brumes des canaux nordiques…  

Murielle Wenger