martedì 20 febbraio 2018

SIMENON SIMENON. LE COUP DE POKER DU ROMANCIER

Le Bal anthropométrique: une victoire assurée ?... 

SIMENON SIMENON. Il PIANO AZZARDATO DEL ROMANZIERE 
Il Ballo antropometricouna vittoria assicurata?... 
SIMENON SIMENON. THE NOVELIST'S GAMBLE 
The Anthropometric Ball: an assured victory?... 


Nuit du 20 au 21 février 1931. C'est un jeune homme d'à peine 28 ans qui défraye la chronique du Tout-Paris, venu se presser en masse dans un cabaret de la rue Vavin, pour participer à l'événement médiatique de l'année. Qu'est-ce qu'on y fête ? Pour beaucoup, peu importe: il suffit de se montrer, pour pouvoir raconter ensuite qu'on y était… 
Pour le héros du jour – ou plutôt de la soirée et de la nuit – c'est autre chose. L'auteur de romans populaires, Georges Sim, est en train de devenir Simenon. Il y a quelques mois, il a réussi à convaincre l'un de ses éditeurs de publier une nouvelle collection policière. Cela n'a pas été sans mal, car Fayard, c'est de lui qu'il s'agit, a émis de sérieux doutes sur le personnage central de cette collection: un banal fonctionnaire, commissaire de police à la PJ de Paris, un peu lourdaud, qui collectionne les bières et les verres de vin blanc ou de calvados plutôt que les conquêtes féminines, et qui emploie des méthodes assez inattendues pour résoudre ses enquêtes, à des lieues des détectives anglo-saxons alors à la mode…  
Non content de proposer à Fayard ce Maigret atypique, Simenon s'est aussi mis en tête de révolutionner le style éditorial: fini les couvertures illustrées de dessins plus ou moins originaux, il veut des photographies avec des mises en scène soignées. Passe encore, et l'éditeur accepte. Mais le futur romancier en veut davantage. Persuadé qu'il est en train d'inaugurer un nouveau genre, il veut aussi le faire avec tambours et trompettes. Loin des ambiances feutrées de rentrée littéraire, avec critiques élogieuses – ou non – dans les revues bien notées. Dans cette époque frénétique de l'entre-deux-guerres, il faut révolutionner la promotion…  
Simenon va donc "inventer" le marketing littéraire. Pas celui qui se joue dans les salons, mais celui qui utilise les ressources publicitaires les plus modernes. Il faut jeter à la face du monde ce défi du héros nouveau, et pour cela, imaginer un événement à la hauteur, qui rassemble tout ce qui compte à Paris. Non pas un cocktail bien-pensant, mais une fête déjantée, tapageuse, et surtout annoncée tous azimuts: affiches, annonces à la radio, dans la presse, dans les actualités cinématographiques; envoi d'invitations reproduisant des fiches anthropométriques; cartes postales représentant le commissaire; convocation de la Fox Movietone pour filmer l'événement.  
Un pari un peu fou, mais un pari que Simenon va gagner: le Bal anthropométrique va faire parler de lui dans tous les journaux, les échotiers vont s'en donner à cœur joie, même si certains le feront d'une plume plutôt railleuse… Mais l'essentiel est atteint: on parle du jeune Simenon, cet ancien "Sim" qui vient de retrouver son patronyme. Quant à Maigret, c'est une autre histoire… Bien sûr, Simenon a passé la soirée et la nuit à signer des exemplaires de Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien. Bien sûr, près de 90 ans plus tard, on parle encore de ce "cas d'école de marketing" que fut ce bal. Mais sur le moment, Simenon était-il si certain que les retombées du Bal allaient dépasser le simple événement mondain, et permettre à son héros de connaître le succès ?  
Il savait bien qu'il lançait là un coup de poker. Comme il l'expliqua plus tard à Carlo Rim, ce fut pour lui "une drôle de nuit […] parce qu'en un seul coup je jouais toutes mes cartes." Certes, le nom de Simenon et celui de Maigret étaient sur toutes les lèvres, mais cela pouvait retomber comme un soufflé. Certes, le jeune romancier avait encore des atouts dans sa manche, et déjà il imaginait de nouvelles enquêtes pour son commissaire. Mais aurait-il l'énergie nécessaire pour tenir sur la longueur ? Certes, il devait se rendre compte qu'il venait d'inventer un personnage particulier, mais celui-ci aurait-il l'heur de plaire au public des lecteurs ?  
Entre doutes et confiance en soi, le chemin était encore long… Symptomatiquement, alors que Simenon le mémorialiste évoque souvent la naissance de Maigret, dans ses textes autobiographiques, on n'y trouve pas mention de ce Bal, sauf par une brève allusion dans les Mémoires intimes, lorsqu'il raconte son voyage en Europe de 1952, au cours duquel, après la réception officielle au Quai des Orfèvres, on reconstitua ce fameux Bal, mais dans une version bien sage… Plus symptomatiquement encore, dans sa dictée Point-Virgule, Simenon, évoquant la séance de signatures qu'il fit à Deauville le 15 août 1931, a ces mots: "J'ai parlé par ailleurs de la naissance de Maigret. C'est à Deauville […] qu'il a reçu comme sa consécration:" En effet, il aura fallu attendre plusieurs mois pour que ses premiers Maigret commencent à se vendre vraiment, et bientôt arrivera le véritable succès avec les traductions, puis les adaptations cinématographiques.  
Alors, le coup de poker du Bal, une réussite ? Après coup, on peut dire que oui, mais sur le moment, c'était loin d'être joué, et il aura fallu, finalement, le talent du romancier pour imposer sur la durée la présence de son héros dans une longue saga… 

Murielle Wenger 

lunedì 19 febbraio 2018

SIMENON SIMENON. MAIGRET: OBSERVER AND WITNESS IN COURT

On two novels with detailed portraits of Maigret in court 

SIMENON SIMENON. UN OBSERVATEUR ET UN TEMOIN AU TRIBUNAL 
A propos de deux romans qui donnent des portraits détaillés de Maigret à la cour 
SIMENON SIMENON. UN OSSERVATORE E UN TESTIMONE IN TRIBUNALE
A proposito di due romanzi che forniscono dei ritratti dettagliati di Maigret dal giudice


Maigret testifies in court numerous times. “Had he not come here two hundred, three hundred times? Even more?” But only twice does he spend so much time there that the reader comes away knowing so much more about the man and the ‘method’ (he never had). In Maigret at the Coroner’s (1949) and Maigret in Court (1959), both cases are shortfour days and one day respectively, but the judicial activity continues practically throughout the entire book in the first and almost half in the second. 
If superficially similar, the two novels display dramatic differences. In the first, Maigret is a passive observer at a coroner’s murder inquest in Tucson, Arizona, a rural place he picked in order to study the American justice system. For example, the French detective is surprised to learn the American police chief is simply “an elected citizen who personally chooses his associates, and he also “couldn’t believe” that “six jurors would make decisions about accident or crime in just a few hours.” In contrast, in the second novel, Maigret is aactive witness for the prosecution in a double murder trial right at home in urban Paris, France. The atmosphère is different there, for “one was all of a sudden plunged into a  depersonalized space” in front of “an impersonal apparatus.” 
Still, the courtroom settings are tellingly similar. The scenario in Tucson resembled a real courtroom with a pulpit for the witness, an authentic jury box, and a bench for the coroner, just the way it was in Paris. There is constant oppressive heat in both courtrooms, causing the participants to squirm and sweat and thirstand that intense physicality highlights and aggravates their emotional stress. For “concerned and concentrating Maigret, appearing in court “always posed the very worst part, the dreariest of his functions, and he felt the same anxiety every time he was there. 
Both books repeatedly emphasize the similarities of the Court to the Church. For example, while waiting in court to testifygrown-up Maigret felt “the same turmoil” he used to feel as a youth while waiting to follow the priest serving daily mass. In court, “everyone was playing his role as if they were strangers, celebrants at a ceremony as ancient and ritualistic as mass.” The black and red robes “again built up a sense of ceremony with unchanged rituals where the individual was nothing.” So, Maigret “would have preferred to ignore it, or in any case, stand clear of those last rites he never really became accustomed to. 
Notably, dialogue is more prominent in these two novels than it is in other Maigrets, at least as I recallIndeed, Simenon makes good theater of the spoken testimony in court, sustaining both action and mystery in ostensibly open-and-shut cases and also leaving their outcomes uncertain at the end. In Tucson, although Maigret picks the killer out of five accused men, he leaves town, but “he never knew the verdict.” In Paris, the Chief Inspector’s testimony surprisingly concludes the primary trial and generates two subsequent trials in the future. So, projecting he will be “called as a witness yet again,” Maigret wonders, when required to tell the truth, the whole truth, and nothing but the truth,” if he would “really tell it all? Couldn’t he….” 

David P Simmons