martedì 23 ottobre 2018

SIMENON SIMENON. SIMENON, DU CINEMA A ATHENES

Compte-rendu du colloque international Simenon et le cinéma 

SIMENON SIMENON.SIMENON, CINEMA AD ATENE 
Rapporto del simposio internazionale su Simenon e il cinema 
SIMENON SIMENON. SIMENON, CINEMA IN ATHENS 
Report of the international symposium about Simenon and cinema 



Les 4 et 5 octobre s’est tenu à l’Institut français d’Athènes un colloque international sur le thème « Simenon et le cinéma : du roman au film, un pari risqué ? ». Ce colloque qui réunissait 14 participants venus de Grèce, de France, de Roumanie et de Suisse, était organisé par Bernard Alavoine pour l’université de Picardie Jules Verne et Dimitri Roboly pour l’université nationale et capodistrienne d’Athènes. Le centre d’études Georges Simenon de l’université de Liège était associé au projet et publiera les actes en 2019 dans la revue TRACES. 
Le thème du colloque portait notamment sur les difficultés à adapter Simenon alors que la critique a souvent évoqué « l’écriture cinématographique » du romancier. Il y a en effet un paradoxe Simenon : tout semble évident au début de l’entreprise, et puis les difficultés surviennent. Comment traduire le style de Simenon, « l’atmosphère » bien particulière de ses romans ? Les interventions ont permis d’aborder des aspects encore inédits de l’œuvre en la comparant à des chefs-d’œuvre du 7ème art.  
Après une présentation de Bernard Alavoine qui soulignait les risques à adapter Simenon et remettait en question l’idée que son écriture a souvent été qualifiée de cinématographique, Alain Boillat (Lausanne) nous a éclairés sur l’adaptation d’En cas de malheur par Aurenche, Bost et Autant-Lara en s’appuyant sur des documents exceptionnels du réalisateur, conservés à la cinémathèque suisse. Fatima Seddaoui (Toulouse) et Adriana Camalia Tuglea (Constanta – Roumanie) ont revisité deux adaptations de Maigret, la première au cinéma et la seconde pour la télévision : L’Affaire Saint-Fiacre et Au Rendez-vous des Terre-Neuvas. Dimitri Roboly (Athènes) s’est emparé des deux adaptations de L’Aîné des Ferchaux pour le cinéma, puis pour la télévision avec Jean-Paul Belmondo : quarante ans après le film de Melville, l’acteur endossait dans le téléfilm de Bernard Stora le rôle tenu par Charles Vanel. Les quatre adaptations de Pierre Granier-Deferre dans les années 70 et 80 ont retenu l’attention de Thierry Oswald (Limoges) qui a trouvé une grande cohérence thématique et esthétique dans ces films qui traduisent une réalité sociale déliquescente et un pays qui va à vau-l’eau. 
La belle adaptation de Betty par Claude Chabrol a fait l’objet de deux communications : François-Jean Authier (Paris 3) a suivi l’errance et la déchéance de Betty dans sa fidélité au roman tandis que Lisa Mamakouka a discerné une tonalité « durassienne » dans les deux œuvres. Avant la projection du film Monsieur Hire de Patrice Leconte, Marie-Thérèse Olivier-Saidi (Paris) et Christine Calvet (Toulouse) ont montré comment, de Duvivier à Leconte, les réalisateurs ont essayé de traduire la « petite humanité » de Simenon. Kostas Kalfopoulos (du magazine Polar) s’est intéressé à l’univers de Béla Tarr dans L’Homme de Londres et notamment à la photographie en noir et blanc qui traduit la densité des atmosphères même si les phrases concises de Simenon s’accordent mal aux plans-séquences poussés à l’extrême du réalisateur.  
Sandrine Marcillaud-Authier (Paris 3) a vu dans l’adaptation de La Chambre bleue d’Amalric le même défi de dire et de filmer l’indicible ; elle a souligné notamment la sobriété de la réalisation et une réappropriation du roman qui respecte la fin ouverte imaginée par Simenon. Enfin, dans une perspective plus générale, Ioanna Papaspyridou (Athènes) a évoqué les héroïnes de Simenon au cinéma : de Brigitte Bardot à Simone Signoret, de Romy Schneider à Marie Trintignant, comment ces actrices sont-elles parvenues à rendre la psychologie du personnage imaginé par Simenon ?  
La présence de John Simenon, fils du romancier, mais surtout producteur de nombreuses adaptations de Simenon, a largement contribué à la réussite de ces deux journées : ses nombreuses interventions au cours du colloque et lors de la table ronde ont passionné un public d’étudiants et d’abonnés de l’Institut français réunis dans l’amphithéâtre Théo Angelopoulos. John Simenon a notamment expliqué son rôle dans le choix des projets d’adaptation qui lui sont soumis, sa façon d’exercer son droit moral, non pas d’une manière arbitraire, mais dans la continuité dont celui-ci a été exercé précédemment par son père.  
Le colloque a permis, de façon très modeste, de faire le point sur ce problème de l’adaptation en s’intéressant notamment au travail des scénaristes de ces dernières années. Ce fut aussi l’occasion de constater l’intérêt des chercheurs et des lecteurs pour Georges Simenon, notamment en Grèce, le pays qui nous accueillait. 

Bernard Alavoine 

lunedì 22 ottobre 2018

SIMENON SIMENON. THE “GREAT NOSTALGIA”

 Some insights into the childlessness of the Maigret couple, Jules and Louise 


SIMENON SIMENON. LA “GRANDE NOSTALGIE”
Quelques aperçus sur l’état sans enfants du couple Maigret, Jules et Louise 
SIMENON SIMENON. "LA GRANDE NOSTALGIA"
Qualche osservazione sullo stato senza figli della coppia Maigret... Jules e Louise




The Colette subplot in Maigret’s Christmas, the plight of the little girl bedridden with a casted broken leg in an apartment across the street from the Maigrets on Christmas Day, is at once heartwarming and heartrending. It focuses on the couple being childless. Indeed, shortly after Simenon wrote Maigret’s Christmas (5/17/1950 to 5/20/1950), he had Maigret write a snippet about the ‘parenting’ matter in Maigret’s Memoirs (9/19/1950 to 9/27/1950). He describes the way things evolved for Colette after her adoptive aunt went to jail for her crimes and her father seemed to be on his way to recovery from his alcoholism and homelessness. Maigret’s statement about his wife presents a brief sequel that injects more happiness and sadness into the childlessness story. Here is my translation: 
She takes a particular interest, for reasons I do not have to highlight, in those who have children, and it would be a mistake to think that the unlawful, wrongdoers, or criminals do not have them. 
We had one in our home, a little girl whose mother I sent to prison for the rest of her days, but we were aware the father would take her back as soon he became a normal man again. 
She continues to come to see us. She is a young woman now, and my wife is quite proud to make the rounds of shops with her in the afternoon.” 
To be precise, the “mother” referred to in this passage is the child’s aunt—her actual mother is dead. Her father is a homeless drunkard who may reform. 
25 years after these two works, in an interview with Francis Lacassin reported in the December 1975 Magazine littéraire, Simenon provided an interesting, explicit explanation of why he made the Maigrets childless. Here is my translation: 
Look, people often wondered why Maigret did not have a child when he wanted one so much. That was his great longing. Well, it is because, when I began the Maigrets—I must have written at least 30 before having a child myself—my first wife did not want a child. Before marrying me, she made me swear, I would not make her have one. For which I have suffered very much because I adore children… like Maigret. 
Well, I was incapable of showing Maigret going home and finding one or two kids. What was he going to say to them, how was he going to react to their cries, how would he give them their bottle at night if Madame Maigret was not feeling well? I did not know. Consequently, I had to create a couple that could not have a child. That’s the reason.” 
To be precise once more, two Maigret novels indicate the couple did have a child who died at childbirth or soon thereafter. Two ‘inaccuracies’ in 103 works? Not bad at all! 

David P Simmons

domenica 21 ottobre 2018

LES AMIS DE MAIGRET

 De Lucas à Joseph, en passant par Pardon… 
 Da Lucas a Joseph, passando via Pardon...
• From Lucas to Joseph, via Pardon… 


JOSEPH

Nous allons terminer cette série de portraits par celui du vieux garçon de bureau, l'huissier qui trône dans sa cage vitrée au fond du couloir de la PJ, et qui a pour tâche d'introduire les visiteurs dans le bureau de Maigret. Dans la saga, ce personnage n'a pas toujours porté le même prénom: il s'est d'abord appelé Jean, et ce n'est qu'à partir de la période des Presses de la Cité qu'il est prénommé Joseph. Quel que soit son prénom, l'huissier ou garçon de bureau apparaît dans 40 romans et 5 nouvelles. Même si son apparition dans chaque roman est assez courte, le vieux Joseph aux cheveux blancs est un personnage que Maigret aime bien retrouver chaque matin en arrivant au bureau. Joseph est un personnage qui a été peu exploité dans les adaptations, inexistant dans certaines séries, quasi anonyme dans la série avec Bruno Crémer, un peu plus développé dans la série avec Gino Cervi. C'est dans la série avec Jean Richard que Joseph est le plus présent, et il est interprété principalement par Bernard Lajarrige. 


JOSEPH

Andiamo a terminare questa serie di ritratti con quello del vecchio guardiano degli uffici, l’usciere che troneggia nella gabbia vetrata in fondo al corridoio della Polizia Giudiziaria, e che ha il compito di introdurre i visitatori nell’ufficio di Maigret. Nella serie in realtà questo personaggio non porta sempre lo stesso nome: prima si chiamava Jean, ed è solo a partire dal periodo di Presses de la Cité che è stato chiamato Joseph. Quale che sia il suo nome, l’usciere o il guardiano dell’ufficio, appare in 40 romanzi e 5 racconti. Anche se la sua apparizione in ciascun romanzo è assai limitata, il vecchio Jospeh dai capelli bianchi è un personaggio che Maigret ha il piacere di ritrovare ogni mattina, arrivando in ufficio. Joseph è un personaggio che è stato poco rappresentato negli adattamenti, addirittura inesistente in alcune serie, quasi anonimo nella serie con Bruno Crémer, un po’ più presente in quella con Gino Cervi. E’nella serie con Jean Richard che Jospeh realizza il maggior numero di presenze, e viene interpretato soprattutto da Bernard Lajarrige. 


JOSEPH


We'll end this series of portraits with the old office boy, the orderly who seats in his glass booth at the head of the hallway in the PJ, and whose tasks is to introduce visitors in Maigret's office. In the saga this character did not always have the same first name: he was first called Jean, and he became Joseph since the Presses de la Cité period. Whatever his first name, the orderly or office boy appears in 40 novels and 5 short stories. Even if his appearance in each novel is rather brief, old white-haired Joseph is a character whom Maigret likes to find every morning when coming to his office. Joseph is a character who has been little used in adaptations, nonexistent in some series, almost anonymous in the series with Bruno Crémer, and a little more developed in the series with Gino Cervi. It's in the series with Jean Richard that Joseph is the most present, and he's mainly played by Bernard Lajarrige.  

by Murielle Wenger

sabato 20 ottobre 2018

SIMENON SIMENON. MAIGRET REVIENT… AVEC CECILE

A propos du contexte d'écriture des romans "Maigret" parus chez Gallimard 

SIMENON SIMENON. MAIGRET TORNA… CON CECILE 
Sul contesto di scrittura dei romanzi "Maigret" pubblicati da Gallimard 
SIMENON SIMENON. MAIGRET COMES BACK... WITH CECILE 
About the writing context of the "Maigret" novels published by Gallimard 


Le 14 octobre 1967 était inaugurée la première série télévisée française consacrée au commissaireLes Enquêtes du commissaire Maigret, avec Jean Richard dans le rôle titre. Pour étrenner cette série, le réalisateur, Claude Barma, choisit d'adapter un roman de la période Gallimard, Cécile est morte. Ce choix se justifiait amplement. En effet, ce roman est rempli de détails et d'éléments qui en font un texte caractéristique de l'univers maigretien: une enquête qui débute dans le brouillard de l'automne, une galerie de personnages hauts en couleurs, une bonne énigme, et de nombreuses notations sur la "méthode" particulière que le commissaire emploie dans ses enquêtes.  
D'ailleurs, non seulement ce roman avait aussi été choisi pour inaugurer la série avec Gino Cervi (l'épisode Un ombra su Maigret), mais encore, lorsque le roman fut publié pour la première fois par Gallimard dans le recueil Maigret revient…, il fut choisi pour figurer le premier dans le recueil, alors qu'en réalité, il n'était que le troisième dans l'ordre de rédaction. Cécile est morte avait été rédigé en décembre 1940, soit après Les Caves du Majestic (décembre 1939) et La Maison du juge (janvier 1940). Ce choix n'avait probablement rien d'un hasard. Les lignes qui ouvrent le roman et qui mentionnent aussi bien le pardessus à col de velours du commissaire, que la salle d'attente de la PJ, puis l'affaire de la bande des Polonais, et le rapport dans le bureau du directeur de la PJ, tout cela marquait bien le "retour" de Maigret après un relativement long intermède.  
On se rappelle en effet que le dernier roman de la série Fayard avait été publié en 1934. Depuis lors, n'étaient parues que des nouvelles mettant en scène le commissaire, et encore celles-ci n'avaient-elles été publiées que dans des journaux. La disette des lecteurs en fait de romans maigretiens se faisait sentir… Simenon, lui, avait voulu passer à d'autres exercices. Se sentant mûr pour aborder la littérature sans un meneur de jeu, sans la rampe sécurisante du roman policier, il avait quitté Fayard et publié déjà un bon nombre de romans durs chez Gallimard. Avec succès, certes, mais peut-être pas autant qu'il l'espérait… En effet, la vente des romans durs n'atteignait jamais les sommets obtenus avec les MaigretPeut-être est-ce aussi pour cela qu'il accepta d'écrire des nouvelles sur Maigret, non seulement pour répondre à l'attente des journaux qui l'avaient sollicité, mais aussi en vue de la publication d'un recueil de ces nouvelles chez Gallimard. L'éditeur, d'ailleurs, applaudissait des deux mains, heureux "de voir le commissaire Maigret à la NRF. Cette création qui a fait votre succès est aussi populaire que Sherlock Holmes et il est certain que beaucoup de lecteurs regrettaient sa disparition" (lettre de Gallimard citée par Michel Carly dans son excellent essai Les Secrets des «Maigret»). Cependant, bien que les nouvelles aient été écrites entre 1936 et 1938, le recueil en question ne vit pas immédiatement le jour (il ne fut publié qu'en 1944).  
Peut-être la donne avait-elle un peu changé avec l'arrivée de la guerre. L'année 1939, même si ce fut celle où Simenon connut pour la première fois les joies de la paternité, marqua le début d'une période de perturbation pour le romancier. L'entrée en guerre fit que Simenon se replia sur soi, sur sa famille et son écriture, grâce à laquelle il pouvait, plus que jamais, échapper à la réalité. Mais les contraintes étaient là, il fallait les subir tout de même, et en particulier il s'agissait de s'assurer d'une certaine sécurité financière, en prévision des restrictions qui s'annonçaient. C'est une des raisons qui fit que Simenon reprit son personnage de commissaire dans un roman, parce qu'il savait qu'un roman avec Maigret permettrait des rentrées supérieures à celles des autres romans. Ce n'était "pas de gaieté de cœur" qu'il dut admettre cette réalité, mais les faits étaient là… En novembre 1939, il annonça donc à Gallimard qu'il allait écrire un roman mettant en scène son héros policier. Ce fut d'abord Les Caves du Majestic, puis La Maison du juge, et enfin Cécile est morte. Tous les trois parurent d'abord en feuilleton dans les journaux de l'époque (une autre bonne source de revenus…), et, en 1942 fut publié le recueil Maigret revient…, qui regroupait les trois récits.  
L'aspect pécuniaire, avons-nous dit, fut une des raisons de la reprise de Maigret. Mais, comme nous l'avons déjà écrit à plusieurs reprises, à notre avis ce n'était pas la seule. Il suffit en effet d'ouvrir n'importe lequel des romans Maigret publiés dans la période Gallimard pour se rendre compte qu'il est évident que le romancier avait éprouvé du plaisir à retrouver son personnage et à le remettre en scène. Et puis, se plonger dans le petit monde rassurant de Maigret lui permettait d'échapper, au moins pour un temps, au contexte pénible de la guerre… 

Murielle Wenger