domenica 17 febbraio 2019

LES ADVERSAIRES DE MAIGRET

Portraits de quelques criminels dans la saga 

SIMENON SIMENON. GLI AVVERSARI DI MAIGRET 
Ritratti di alcuni criminali nella saga 
SIMENON SIMENON. MAIGRET'S OPPONENTS 
Portraits of some criminals in the saga 


Maigret et la raison des fous 

Dans la saga, certains thèmes reviennent plus souvent que d'autres, parce qu'ils reflètent les interrogations du romancier, qui les a confiées à son héros: la responsabilité de l'Homme, les limites de la justice. Simenon s'est aussi beaucoup intéressé à la folie, et à son impact possible sur les causes d'un meurtre. A partir de quel moment peut-on dire qu'un homme est fou ? Est-ce que sa folie peut expliquer un meurtre ? Et s'il est vraiment fou, est-il responsable de ses actes ? Autant de questions que Maigret va se poser face à plusieurs personnages criminels. Par exemple, Hubert Vernoux dans Maigret a peur. Le commissaire, quoiqu'un peu sceptique au départ à propos de la théorie d'Alain Vernoux sur la logique des fous, finit par y adhérer. Hubert Vernoux, ayant commis un premier meurtre par accident, choisit une voie selon sa propre logique, celle d'une certaine folie («je répète volontiers que les gens sensés ne tuent pas» dit Maigret au juge Chabot): il camoufle son premier crime en en commettant deux autres. Et pour donner raison au point de vue de Maigret, Hubert Vernoux finit par avoir une crise de delirium tremens. Ce qui, à défaut d'excuser ses crimes, en fait comprendre les raisons… 


Maigret e la ragione dei folli 

Nella serie, certi temi ricorrono più spesso di altri, perché riflettono le domande del romanziere, che le conferisce al suo eroe: la responsabilità dell’Uomo, i limiti della giustizia. Simenon si è interessato anche molto alla follia, e alla sua probabile influenza sulle motivazioni di un omicidio. A partire da che momento si può affermare che un uomo sia folle ? E questa follia può spiegare un omicidio ? E se è davvero folle, l’assassino è responsabile delle sue azioni ? Tutte domande che Maigret si pone di fronte a parecchi personaggi criminali. Per esempio Hubert Vernoux in Maigret ha pauraIl commissario, per quanto all’inizio sia un po’ scettico a proposito della teoria di d'Alain Vernoux sulla la logica dei folli, finisce per aderirvi. Hubert Vernoux avendo commesso il primo omicidio per un incidente, sceglie una via secondo la propria logica, quella di una certa follia («ripeto volentieri che le persone sensate non uccidono» dice Maigret al giudice Chabot): camuffa il suo primo crimine commettendone altri. E per dare ragione al punto di vista di Maigret, Hubert Vernoux finisce per avere una crisi di delirium tremens. Questo, se non scusa i suoi crimini, ne spiega in qualche modo le ragioni…  


Maigret and the reason of mad people 

In the saga some themes come up more often than others, because they reflect the novelist's questionings, who entrusted them to his hero: mankind's responsibility, the limits of justice. Simenon was very much interested in madness, and in its possible impact on the reasons for murder. At what point can we say that a man is mad? Does his madness explain the murder? And if he is really insane, is he responsible for his actionsSo many questions that Maigret will ask himself in front of several criminal characters. For example, Hubert Vernoux in Maigret is Afraid. The Chief Inspector, though a little sceptical at first about Alain Vernoux's theory on the logic of mad people, ends up by adhering to it. Hubert Vernoux, having committed a first murder by accident, chooses a way according to his own logic, that of a kind of madness ("often say that sensible people do not kill", tells Maigret to Judge Chabot): he conceals his first crime by committing two other ones. And to justify Maigret's point of view, Hubert Vernoux ends up by having a crisis of delirium tremensThis, if not excusing his crimes, makes understanding the reasons for them… 

Murielle Wenger

sabato 16 febbraio 2019

SIMENON SIMENON. LA CADENCE DU ROMANCIER

A propos du rythme de productivité annuelle de Simenon 

SIMENON SIMENON. LA CADENZA DEL ROMANZIERE 
A proposito del ritmo di produttività annuale di Simenon 
SIMENON SIMENON. THE NOVELIST'S CADENCE 
About Simenon's annual productivity rhythm 

C'est une caricature par Ralph Soupault, qui fut publiée dans le journal Le Merle Blanc. Elle est légendée: «Georges Simenon, le Citroën de la littérature», et on y voit le romancier livrer de la copie à la chaîne. Elle illustre bien la production phénoménale de Simenon au temps de la littérature alimentaire: dans la décennie 1920 à 1930, le romancier en herbe rédigé près de 190 romans sous pseudonymes, auxquels s'ajoute un millier de contes et nouvelles, ce qui fait une production annuelle effarante et effrénée…Littérature au poids, dont le but est, littéralement, de nourrir son homme. Période pendant laquelle Simenon a acquis les bases de son métier, apprenant à trousser une intrigue, à faire entrer et sortir de scène des personnages, et à ébaucher ses premières descriptions d'atmosphère. Nécessité faisant loi, le romancier livre ses productions à tous les éditeurs qui les accepteront, quitte à réutiliser, avec un autre pseudonyme, la même intrigue, à peine remaniée, sous un titre différent. Usant de tous les poncifs du genre, Simenon bâcle un roman en deux, trois jours, et c'est cela qui lui permet cette production quasi industrielle. 
Quand il passa à la «semi-littérature», il envisageait sans doute de freiner cette production, et de prendre davantage de temps pour peaufiner ses textes. Cependant, pour les premiers Maigret, il dut continuer à fournir des romans à un rythme élevé, puisque l'une des conditions que Fayard avait mises à son acceptation pour la publication de la nouvelle collection, était que le romancier lui fournisse un roman par mois. Sans compter les romans populaires que l'éditeur lui réclamait encore par prudence, au cas où les Maigret ne marcheraient pas… 
Dans Quand j'étais vieux, Simenon note: «J'ai écrit mes romans en trois ou quatre jours (les populaires). Puis douze par an (au temps des Maigret). Puis six (pendant près de vingt ans). J'en arrive à quatre, car plus j'avance, plus ils m'épuisent.» Cette cadence annuelle est effectivement allée en décroissant, car à mesure que le romancier progressait dans son œuvre, il s'impliquait davantage dans son écriture et dans ses personnages, la tension était de plus en plus forte, et il ne pouvait plus soutenir un rythme aussi élevé qu'à ses débuts.  
En 1930, Simenon écrivit 4 Maigret et un premier «non-Maigret»; 1931 est l'année où il dut fournir une cadence mensuelle pour Fayard8 Maigret et un «non-Maigret»; en 1932, 7 Maigret et 2 «romans-romans». La période 1933 à 1938 fut consacrée essentiellement à la rédaction des «romans durs», et même si Maigret disparaissait momentanément de la scène, la production annuelle du romancier resta élevée, avec une moyenne de 6 romans par année, dont une année record en 1937 avec 9 romans; le passage à l'éditeur «haut de gamme» qu'était Gallimard ne freina pas, au contraire, la productivité de Simenon… 
La période 1939-1945, soit celle de la guerre, vit la cadence ralentir, avec une moyenne de 3 à 4 romans par année. A cela, plusieurs causes, certaines purement matérielles, comme la pénurie de papier et tous les tracas dus à la période historique, d'autres liées à l'œuvre littéraire elle-même, puisque c'est durant cette période que Simenon fora dans ses souvenirs de jeunesse pour écrire Je me souviens et sa forme romancée Pedigree 
Dans Un homme comme un autre, Simenon note: «Les premiers Maigret ont été écrits à raison de douze romans par an. […] Ensuite sont venus ce que j'appelle les romans-tout-court, c'est-à-dire les romans sans Maigret et sans intrigue policière. Pendant dix ans environ, je les ai écrits à la cadence de six par an. Ce n'est qu'à mon retour d'Amérique que j'ai abaissé cette moyenne à quatre, moyenne que j'ai suivie jusqu'à l'année dernière.» En réalité, la moyenne annuelle de rédaction des romans «américains» est plutôt de 5: seulement 3 romans en 1948, 4 en 1952, 5 en 1946 et 1954, et 6 les autres années 
Il est vrai cependant que le romancier ne retrouva jamais sa cadence américaine, une fois rentré en Europe, et d'ailleurs, la moyenne annuelle de la production helvétique est plus proche de 3 que de 4. L'effort et la concentration nécessités par des romans de plus en plus durs, de plus en plus forts, ne lui permettaient plus qu'une cadence annuelle réduite. Même si au bout de quelques mois sans écrire, il en ressentait un besoin physique et renouvelé, la tension subie pendant la rédaction faisait qu'il ne pouvait reproduire cet effort plus de trois à quatre fois par année… 

Murielle Wenger