domenica 15 ottobre 2017

SIMENON SIMENON. LE TIERCE DE MAIGRET 
Un choix de trois romans de la saga, sur un thème particulier 

Trois enquêtes belges 
La Belgique, pays d'origine de Simenon, apparaît peu dans les enquêtes de Maigret, ou alors en filigrane, lorsque certains paysages évoqués par le romancier rappellent des souvenirs de son enfance. Pour le policier, la Belgique, c'est surtout le lieu de fuite de ceux qui veulent échapper à la justice française. Le commissaire s'est néanmoins rendu à quelques reprises en Belgique, souvent pour des enquêtes semi-officielles. Voici deux exemples d'enquêtes menées, au moins en partie, à Liège, et une troisième enquête sur la frontière franco-belge.
"Et il y avait une cacophonie savoureuse, des cris en patois wallon, la sonnerie aigre des tramways jaune et rouge, le quadruple jet d'une fontaine monumentale surmontée du perron liégeois qui tentait de dominer la rumeur du marché proche." (Le pendu de Saint-Pholien) 
"Dehors, comme dans toutes les rues de Liège à ce moment, on voyait des ménagères qui lavaient le trottoir à grande eau, des charrettes de légumes et de charbon arrêtées devant les portes, et les cris des marchands s'entendaient de loin, se répondaient d'un bout du quartier à l'autre." (La danseuse du Gai-Moulin) 
"Mais à quoi exactement sentait-on la frontière ? Aux maisons de briques d'un vilain brun qui étaient déjà des maisons belges, avec leur seuil de pierre de taille et leurs fenêtres ornées de pots de cuivre ? Aux traits plus durs, plus burinés des Wallons ?" (Chez les Flamands) 


SIMENON SIMENON. LA TRIPLETTA DI MAIGRET 
Una scelta di tre romanzi della serie, su un tema particolare 

Tre inchieste in Belgio 
Il Belgio, paese d’origine di Simenon, compare di rado nelle inchieste, o tra le righe, quando certi paesaggi evocati dal romanziere richiamano i suoi ricordi d’infanzia. Per il poliziotto il Belgio é soprattutto il luogo di fuga di coloro che vogliono sfuggire alla giustizia francese. Il commissario si è però recato a più riprese in Belgio, spesso per delle inchieste semi-ufficiali. Ecco due esempi di indagini condotte, almeno in parte, a Liegi, e una terza sulla frontiera franco-belga.
«E si sentiva una accentuata cacofonia nelle grida del linguaggio wallone, la suoneria dei tram gialli e rossi, il quadruplo getto di una fontana monumentale, sovrastata da una scalinata liegina che tentava di dominare il rumore del vicino mercato» (L’impiccato di Saint-Pholien) 
«Fuori, come in tutte le strade di Liegi in quel momento, si vedevano casalinghe che lavavano i marciapiede con molta lena, dei carretti di legumi e di carbone fermi davanti alle porte, e le grida dei commerrcianti si sentivano da lontano, si rispondevano da un lato all’altro del quartiere.» (La ballerina del Gai-Moulin) 
«Ma come esattamente si percepiva la frontiera? Dalle case di mattoni di un marrone sgradevole, che erano già delle case belga, con il loro pavimento di grosse pietre e le loro finestre ornate con dei vasi di rame? Dai tratti più duri e più marcati dei Walloni?» (La casa dei Fiamminghi) 


SIMENON SIMENON. MAIGRET'S TRIFECTA 
A choice of three novels of the saga, on a particular theme  

Three Belgian investigations 
Belgium, Simenon's native country, seldom appears in Maigret's investigations, or maybe as watermark, when some landscapes evoked by the novelist remind of his childhood memories. For the policeman, Belgium is mainly a fleeing place for those who want to escape French justice. However, the Chief Inspector went to Belgium a few times, often for semi-official inquiries. Here are two examples of investigations led, at least in part, in Liege, and a third investigation on the French-Belgian border.
"And there was a tasty cacophony, shouts in Walloon dialect, the sour ringtone of the yellow and red streetcars, the quadruple water jet of a monumental fountain topped by the Liege stoop, that attempted to overcome the noise of the near market." (The Hanged Man of Saint-Pholien) 
"Outside, as in all the Liege streets at that moment, you could see housewives flushing the sidewalks, vegetable and coal carts stopped in front of doors, and the merchants' shouts were heard from afar, echoing from one end of the district to the other." (The Dancer at the Gai-Moulin) 
"But how exactly did you feel this was border? Because of the brownish brick houses that already were Belgian houses, with their stone threshold and their windows adorned with cupper pots? Because of the Walloon people's harsher and more weathered features?" (The Flemish House) 

by Simenon Simenon

sabato 14 ottobre 2017

SIMENON SIMENON. LE PLAISIR DE L'HISTORIOGRAPHE

Pourquoi Simenon n'a jamais abandonné Maigret ? Quelques réponses dans des interviews du romancier 

SIMENON SIMENON. IL PIACERE DELLO STORIOGRAFO 
Perchè Simenon non ha mai abbandonato Maigret ? Alcune risposte nelle interviste del romanziere  
SIMENON SIMENON. THE HISTORIOGRAPHER'S PLEASURE 
Why did Simenon never abandon Maigret? Some answers in the novelist's interviews 

Après les romans de la période Fayard, pour lesquels le jeune trentenaire Simenon avait imaginé un commissaire de 45 ans, bourru, bougon et massif, un personnage qu'il considérait comme un auxiliaire nécessaire à son ascension littéraire, et après l'intermède chez Gallimard, pendant lequel Simenon reprit son héros pour des raisons pécuniaires, mais aussi pour le plaisir de suivre son Maigret d'un œil amusé, arriva le temps des Presses de la Cité. L'exil américain, sublimant la mémoire parisienne du romancier, fit que Simenon se rendit compte qu'il ne pourrait plus abandonner Maigret. Il avait bien tenté à plusieurs reprises de le mettre à la retraite, mais chaque fois le commissaire se rappelait à son bon souvenir, et il se décida donc à poursuivre le récit de ses enquêtes, aussi longtemps que lui-même écrivit des romans…  
Dans une interview pour la radio suisse en 1958, discutant avec son interlocuteur sur le fait qu'il continuait d'écrire des romans Maigret, au journaliste qui lui disait que ce n'était plus Maigret qui le servait, Simenon répondait, sur un ton enjoué: "non, c'est moi qui le sers, je suis devenu son domestique, son historiographe !". Simenon aurait pourtant pu s'arrêter, puisque ses "romans durs" l'avaient fait accéder à la "vraie" littérature et à la notoriété… Et il faut croire que ce n'était pas seulement les appels incessants des lecteurs, qui ne voulaient pas voir disparaître leur héros, qui fit que le romancier n'abandonna pas son commissaire. En effet, Maigret devint peu à peu le personnage qu'il dota de ses propres interrogations sur le monde, et la différence entre les romans Maigret et les "romans durs" alla en s'estompant. 
Bien sûr, il continuait à considérer les romans Maigret comme un "mode mineur", "mineur" étant entendu dans le sens musical du terme. En 1955, à André Parinaud, qui lui demandait quelle différence il faisait entre ses romans "commerciaux" et les "romans durs", Simenon répondit: "Ce sont les Maigret que vous appelez les romans commerciaux ? Je ne les écris pas d'un point de vue commercial, mais pour mon plaisir. Ils se font dans une sorte d'enjouement. C'est une joie, un repos. Je suis un peu comme un musicien qui commencerait à jouer des ritournelles pour s'amuser." Dans l'interview de 1958 citée plus haut, Simenon expliquait qu'après avoir laissé tomber Maigret au bout de deux ans, à la fin de la période Fayard, il avait reçu de nombreuses lettres de lecteurs déçus, et il s'était dit qu'après tout, c'était Maigret qui lui avait donné son gagne-pain, que c'était grâce à lui qu'il était devenu connu, et que ce serait lâche de le laisser tomber… Il avait donc décidé d'écrire au moins un Maigret par an, parce que cela lui faisait plaisir, cela le reposait, "comme un musicien qui fait ses gammes", et qu'il lui arrivait d'essayer "un petit truc différent", une atmosphère, d'abord dans un Maigret. C'était toujours la même idée qu'il exprimait dans ses cahiers Quand j'étais vieux, en 1960: "J'espère écrire un roman en janvier, peut-être un Maigret afin de me refaire la main. Certainement pas un roman fabriqué. (Il faudra que j'explique un jour pourquoi je ne considère pas les Maigret, qui sont des œuvres mineures, comme de la fabrication)." 
Cependant, comme les Maigret rejoignaient les "romans durs" dans leurs thèmes, les enquêtes du commissaire allaient aussi devenir une façon, pour le romancier, de "faire des gammes", dans le sens où il lui arrivait d'écrire un Maigret comme un banc d'essai pour un thème qu'il reprendrait plus tard dans un roman dur. Comme Simenon le disait à Roger Stéphane: " Il m'arrive donc de traiter [un thème] légèrement dans un Maigret et puis, deux mois ou deux ans après, de le reprendre dans un autre roman… […] Au fond, dans Maigret, vous savez, on traite les mêmes tragédies que dans les autres romans, mais sur un mode plus léger." A nouveau dans Quand j'étais vieux, il notait: "il m'arrive, dans les Maigret, de toucher à des sujets parfois plus graves que dans mes autres livres. Mais sur un mode badin ou, en tout cas, avec l'équilibre de mon commissaire pour faire contrepoids."  
Voilà sans doute la raison qui a fait que Simenon n'a jamais laissé tomber Maigret: celui-ci lui servait d'amusement, dans le sens noble du terme: "C'était un délassement pour moi de m'installer devant ma machine à écrire, de retrouver mon brave commissaire sans en savoir plus que lui, avant le dernier chapitre, sur la conclusion de son enquête." (in Mémoires intimes). Mais ce personnage assurait aussi une certaine stabilité de l'œuvre dans son entier. Maigret a probablement représenté, pour le romancier, cette "sérénité tranquille" auquel il aspirait lui-même sans jamais pouvoir l'atteindre… 

Murielle Wenger