sabato 14 ottobre 2017

SIMENON SIMENON. LE PLAISIR DE L'HISTORIOGRAPHE

Pourquoi Simenon n'a jamais abandonné Maigret ? Quelques réponses dans des interviews du romancier 

SIMENON SIMENON. IL PIACERE DELLO STORIOGRAFO 
Perchè Simenon non ha mai abbandonato Maigret ? Alcune risposte nelle interviste del romanziere  
SIMENON SIMENON. THE HISTORIOGRAPHER'S PLEASURE 
Why did Simenon never abandon Maigret? Some answers in the novelist's interviews 

Après les romans de la période Fayard, pour lesquels le jeune trentenaire Simenon avait imaginé un commissaire de 45 ans, bourru, bougon et massif, un personnage qu'il considérait comme un auxiliaire nécessaire à son ascension littéraire, et après l'intermède chez Gallimard, pendant lequel Simenon reprit son héros pour des raisons pécuniaires, mais aussi pour le plaisir de suivre son Maigret d'un œil amusé, arriva le temps des Presses de la Cité. L'exil américain, sublimant la mémoire parisienne du romancier, fit que Simenon se rendit compte qu'il ne pourrait plus abandonner Maigret. Il avait bien tenté à plusieurs reprises de le mettre à la retraite, mais chaque fois le commissaire se rappelait à son bon souvenir, et il se décida donc à poursuivre le récit de ses enquêtes, aussi longtemps que lui-même écrivit des romans…  
Dans une interview pour la radio suisse en 1958, discutant avec son interlocuteur sur le fait qu'il continuait d'écrire des romans Maigret, au journaliste qui lui disait que ce n'était plus Maigret qui le servait, Simenon répondait, sur un ton enjoué: "non, c'est moi qui le sers, je suis devenu son domestique, son historiographe !". Simenon aurait pourtant pu s'arrêter, puisque ses "romans durs" l'avaient fait accéder à la "vraie" littérature et à la notoriété… Et il faut croire que ce n'était pas seulement les appels incessants des lecteurs, qui ne voulaient pas voir disparaître leur héros, qui fit que le romancier n'abandonna pas son commissaire. En effet, Maigret devint peu à peu le personnage qu'il dota de ses propres interrogations sur le monde, et la différence entre les romans Maigret et les "romans durs" alla en s'estompant. 
Bien sûr, il continuait à considérer les romans Maigret comme un "mode mineur", "mineur" étant entendu dans le sens musical du terme. En 1955, à André Parinaud, qui lui demandait quelle différence il faisait entre ses romans "commerciaux" et les "romans durs", Simenon répondit: "Ce sont les Maigret que vous appelez les romans commerciaux ? Je ne les écris pas d'un point de vue commercial, mais pour mon plaisir. Ils se font dans une sorte d'enjouement. C'est une joie, un repos. Je suis un peu comme un musicien qui commencerait à jouer des ritournelles pour s'amuser." Dans l'interview de 1958 citée plus haut, Simenon expliquait qu'après avoir laissé tomber Maigret au bout de deux ans, à la fin de la période Fayard, il avait reçu de nombreuses lettres de lecteurs déçus, et il s'était dit qu'après tout, c'était Maigret qui lui avait donné son gagne-pain, que c'était grâce à lui qu'il était devenu connu, et que ce serait lâche de le laisser tomber… Il avait donc décidé d'écrire au moins un Maigret par an, parce que cela lui faisait plaisir, cela le reposait, "comme un musicien qui fait ses gammes", et qu'il lui arrivait d'essayer "un petit truc différent", une atmosphère, d'abord dans un Maigret. C'était toujours la même idée qu'il exprimait dans ses cahiers Quand j'étais vieux, en 1960: "J'espère écrire un roman en janvier, peut-être un Maigret afin de me refaire la main. Certainement pas un roman fabriqué. (Il faudra que j'explique un jour pourquoi je ne considère pas les Maigret, qui sont des œuvres mineures, comme de la fabrication)." 
Cependant, comme les Maigret rejoignaient les "romans durs" dans leurs thèmes, les enquêtes du commissaire allaient aussi devenir une façon, pour le romancier, de "faire des gammes", dans le sens où il lui arrivait d'écrire un Maigret comme un banc d'essai pour un thème qu'il reprendrait plus tard dans un roman dur. Comme Simenon le disait à Roger Stéphane: " Il m'arrive donc de traiter [un thème] légèrement dans un Maigret et puis, deux mois ou deux ans après, de le reprendre dans un autre roman… […] Au fond, dans Maigret, vous savez, on traite les mêmes tragédies que dans les autres romans, mais sur un mode plus léger." A nouveau dans Quand j'étais vieux, il notait: "il m'arrive, dans les Maigret, de toucher à des sujets parfois plus graves que dans mes autres livres. Mais sur un mode badin ou, en tout cas, avec l'équilibre de mon commissaire pour faire contrepoids."  
Voilà sans doute la raison qui a fait que Simenon n'a jamais laissé tomber Maigret: celui-ci lui servait d'amusement, dans le sens noble du terme: "C'était un délassement pour moi de m'installer devant ma machine à écrire, de retrouver mon brave commissaire sans en savoir plus que lui, avant le dernier chapitre, sur la conclusion de son enquête." (in Mémoires intimes). Mais ce personnage assurait aussi une certaine stabilité de l'œuvre dans son entier. Maigret a probablement représenté, pour le romancier, cette "sérénité tranquille" auquel il aspirait lui-même sans jamais pouvoir l'atteindre… 

Murielle Wenger 

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