martedì 24 aprile 2018

SIMENON SIMENON. UN ROMANCIER ET SES AMIS

Ce que Simenon pensait de l'amitié, d'après ce qu'il en a écrit 

SIMENON SIMENON. UN ROMANZIERE ED I SUOI AMICI 
Ciò che Simenon pensava dell'amicizia, da ciò che ne ha scritto 
SIMENON SIMENON. A NOVELIST AND HIS FRIENDS 
What Simenon thought about friendship, according to what he wrote about it

Simenon, l'homme, a-t-il eu des amis ? La question mérite d'être posée, parce que le romancier s'est exprimé plusieurs fois, dans ses écrits, sur ce thème, et ce qu'il en dit incite à la réflexion. Bien entendu, tout dépend du sens que l'on donne au mot "ami", et à quel niveau on place l'amitié; un ami est-il quelqu'un dont on apprécie la fréquentation, plus ou moins ponctuelle ? Un ami est-il une simple relation mondaine, ou un confident ? 
Sans aucun doute, Simenon a croisé beaucoup de gens pendant sa vie, il a noué des relations plus ou moins étroites avec certains, mais pensait-il à eux comme à des amis ? Parmi les plus connues de ces relations, Michel Simon, Jean Gabin, Marcel Pagnol, Fellini, Gilbert Sigaux, André Gide, Raimu, Chaplin, est-ce que dans son for intérieur, Simenon les considérait comme des amis, des personnes avec qui il se sentait en connivence ? Se pencher sur ses écrits peut nous aider à, sinon répondre, du moins avoir quelques pistes de réponses. 
Dans son texte Quand j'étais vieux, Simenon écrit cette phrase qu'on pourrait méditer: "amitié ? Ce mot, pour moi, ne veut rien dire." Quelques lignes plus haut, il avait cependant écrit: "Je suis un des hommes les moins seuls, les moins capables de vivre seuls." Puis, un peu plus loin, il dit: "Je pense qu'on ne peut former un couple et avoir de vrais amis. La preuve, c'est que les plus solides amitiés sont celles de la guerre ou de la grande misère – où il n'y a pas de femmes." Plus tard encore, toujours dans le même texte, il redit encore "je n'ai pas de vrais amis. J'ai une femme. Je pense qu'il faut choisir. Ou, plutôt, que l'on est du type ami ou du type couple." L'impression que tout cela donne, c'est que le romancier considérait que la solitude ne pouvait se combattre qu'en formant un couple, voire une famille, et que les véritables liens ne pouvaient se créer que dans ce cercle-là, comme si l'amitié était à placer plutôt au niveau d'une certaine complicité, dans le sens de vivre certains événements ensemble, avec sans doute du plaisir, mais dans une relation qui restait finalement assez superficielle.  
Ces phrases, dans Un homme comme un autre, sont particulièrement éclairantes: "depuis mon enfance, je n'ai pas eu d'amis. A l'école primaire, certes, j'ai eu des camarades de jeux. […] Ce n'est pas de ma part une indifférence vis-à-vis d'autrui, bien au contraire. J'aime les hommes. J'ai passé ma vie à essayer de les comprendre. Mais de les comprendre vraiment, pas au fil de relations plus ou moins lâches. A mes yeux, l'amitié aurait été quelque chose de grave, de solide, et non ces liens superficiels qui naissent et meurent dans les milieux littéraires. […] Timidité ? L'explication ne me paraît pas la bonne. En somme, je crois que l'homme qui aime vraiment la femme est presque fatalement un homme sans amis. […] Je rêvais du couple, seule union dans laquelle j'avais envie, parfois une envie douloureuse, de me fondre. […] Aux diverses époques de ma vie, j'ai rencontré et côtoyés des gens que j'ai beaucoup aimés mais qui, par la suite, se sont trouvés entraînés loin de moi. Peut-on parler d'amis ? […] Au fond, […] j'ai toujours été un homme seul." 
Cette "quête douloureuse" de la fusion entre deux êtres n'explique-t-elle pas beaucoup de choses sur le romancier, et sur l'homme ? Est-ce elle qui l'a empêché de jamais ressentir une amitié telle qu'il l'imaginait ? Avait-il placé la barre trop haut ? 
Il ne nous appartient pas de répondre… Mais on nous permettra de faire deux commentaires. D'abord, dans ses interviews, ses déclarations, ses lettres, et même ses dictées, Simenon utilisait malgré tout le mot "ami" en parlant de ses relations. Est-ce la fameuse pudeur Simenon qui l'empêchait de pouvoir confier à quelqu'un des sentiments d'amitié ? Ou la peur de risquer la déception ? On trouve, dans ses Mémoires intimes, cette phrase: "quant au personnage qui a fini par devenir mon ami"; il s'agit, bien entendu, de Maigret. Un héros à qui Simenon a fini, sinon par s'identifier, du moins lui confier certains de ses questionnements sur la vie. Comme si la créature de papier était devenu le réceptacle de ses confidences, à défaut de pouvoir les faire à ceux qu'il côtoyait, peut-être parce qu'il ne l'a pas osé, mû par on ne sait quelle crainte… Ensuite, Simenon a-t-il réalisé qu'il a trouvé, par-delà sa disparition, des amis en ses lecteurs ? Des admirateurs fervents de son œuvre, mais qui, à l'instar des vrais amis, ne manquent pas de lucidité et cependant d'indulgence pour les défauts de l'homme… 

Murielle Wenger 

lunedì 23 aprile 2018

SIMENON SIMENON. THE SEVERAL FACES OF VOYEURISM / 2

On the voyeur as an auditor in "Across the Street" 

SIMENON SIMENON. LES DIFFERENTS VISAGES DU VOYEURYSME / 2 
A propos du voyeur comme un auditeur dans "La Fenêtre des Rouet "
SIMENON SIMENON. LE DIFERNTI FACCE DEL VOIERISMO / 2
A proposito del voyeur come ascoltatore ne "La Finestra dei Rouet"


As Dominique watches activity across the street, she also listens to sounds in her apartment. They emanate from the bedroom next to hers. For years, she stagnated in that room, caring for her sick father, but now a young couple, the Cailles (the Sweethearts) frolic there. They are poor but happyThey stuff themselves with life all day long” because “they have only themselves in the world, them and their joie de vivre….” Dominique is unhappy and poorer, explaining why she rents the room. 
The lonesome woman finds the couple’s noises stimulate her to imagine their activities, especially their sex. For instance, once she learns Albert and Lina play music every time they “do that,” she listens attentively, visualizing them nude, “flesh to flesh, entwined, sweat glistening on skin, hair glued to temples….” 
The two bedrooms share a salon that reclusive Dominique shuns except to enter or exit the apartment. Since she hardly ever actually sees the couple, the “voices behind the door become necessary company” for her and, fortunately for her eager fertile imagination, the couple “talks all the time.” In contrast, isolated Dominique “never talks to anyone” and at the most she surprises herself sometimes by silently moving her lips.” At the times “the air is so heavy, it holds on to the sounds the way mud holds on to footprints,” Dominique advances to eavesdropping at the door between the rooms where “she can perceive their breathing, the slight noises that are a prelude to their daily explosion of vitality.” 
Dominique does not restrict herself exclusively to listening. Learning “the first thing they do when they come home is undress,” she treats herself to direct visual spying through the keyhole. “Before this, she never had the chance to look at another woman’s naked body” or “see the thrusting member of a man reflecting animal power.” Frequent self-inspection in her bedroom mirror results, promoting her belief “it is not true she might be old! It is not true all might already be finished for her.” She interprets her image in the mirror as proof “she is still not yet an old maid.”  
Life changes dramatically for the lonely woman on the very same night: as Dominique watches Antoinette take things to an extreme with her mulatto lover in her bedroom across the street, she hears the Cailles take things to an extreme in a lovers’ threesome in their bed behind the wall. And a tailspin rapidly results. Antoinette leaves home, and as Dominique looks at the “empty apartment across the street” and feels the “emptiness she was going to live with henceforth,” she hears more bad news: the Cailles will be leaving home, too. Aware she “revolves in a vacuum whenever Antoinette and the Cailles are away, she knows what their permanent absence will mean. “All this makes her sad,” forcing recognition that her existence has been “a long series of flavorless days.” And, given that, “was this life? A bit of an unaware childhood, a brief adolescence, then emptiness, a jumble of worries, troubles, petty tasks and, already at forty, the feeling of old age with a joyless downhill course?” Realizing now she is “alone, more alone than anyone,” Dominique has “an intuition.” She decides “she will enter a new life,” and Simenon provides it. 

David P Simmons 

domenica 22 aprile 2018



SIMENON SIMENON. NOUVEAU PORTRAIT DE MAIGRET 
Maigret vu par les autres; critiques littéraires et essayistes 

Après le dernier roman Maigret qui paraît chez Fayard en 1934, Simenon accorde une pause à son personnage, dont il se contente, pendant quelques années, de raconter les aventures dans des nouvelles parues dans des journaux. A la fin 1939, il renoue plus étroitement avec son héros, reprend la rédaction de romans pour narrer ses enquêtes, et un premier recueil de trois romans, Maigret revient, paraît en octobre 1942 chez Gallimard. Dans le journal Comoedia du 12 décembre, la chroniqueuse Yanette Deletang-Tardif se fait l'écho du plaisir des lecteurs à retrouver Maigret. 
"Maigret remplit un roman jusqu'aux bords. Il le remplit d'abord physiquement, du chapeau et de la célèbre pipe, jusqu'aux pas lourds reconnaissables de si loin. Il le remplit aussi allégoriquement. Il le remplit enfin avec une présence plus interne, une possession en quelque sorte prémonitoire de tous les éléments de l'aventure."  

SIMENON SIMENON. NUOVO RITRATTO DI MAIGRET 
Maigret visto da altri; critici e saggisti letterari 

Dopo l’ultimo romanzo di Maigret, che uscì con Fayard nel 1934, Simenon concede una pausa al suo personaggio, di cui si contenta per qualche anno di scriverne le avventure in racconti apparsi nei giornali. Alla fine del 1939, si riavvicina di più al suo eroe, riprende la redazione di romanzi per raccontare le sue inchieste, in una prima raccolta di tre romanzi, Maigret revient pubblicata nell’ottobre del 1942 con Gallimard. Nel giornale Comoedia del 12 dicembre, la cronista Yanette Deletang-Tardif riporta l’eco del piacere dei lettori nel ritrovare Maigret. 
«Maigret riempe il romanzo fino ai bordi. Lo riempe prima di tutto fisicamente, dal cappello, alla celebre pipa, fino ai pesanti passi riconoscibili da così lontano. Li riempie anche allegoricamente. Li riempie infine con un presenza interiore, un possesso in qualche modo preminitore di tutti gli elementi dell’avventura».   

 SIMENON SIMENON. MAIGRET'S NEW PORTRAIT 
Maigret seen by others; literary critics and essayists 

After the last Maigret novel published by Fayard in 1934, Simenon granted his character a break, and for some years he would tell his adventures only in short stories published in newspapers. At the end of 1939 he reconnected with his hero and wrote new novels to narrate his investigations; a first collection of three novels, Maigret revient (Maigret comes back) was published by Gallimard in 1942. In the newspaper Comoedia of December 12, columnist Yanette Deletang-Tardif echoed the readers' pleasure of meeting Maigret again.  
"Maigret fills a novel up to the edges. He fills it up first physically, from the hat and the famous pipe up to the from afar recognizable heavy steps. He also fills it up allegorically. And last he fills it up with a more internal presence, a kind of prescient possession of all the elements of the adventure.   

by Simenon Simenon