Ce que Simenon pensait de l'amitié, d'après ce qu'il en a écrit
SIMENON SIMENON. UN ROMANZIERE ED I SUOI AMICI
Ciò che Simenon pensava dell'amicizia, da ciò che ne ha scritto
SIMENON SIMENON. A NOVELIST AND HIS FRIENDS
Simenon, l'homme, a-t-il eu des amis ? La question mérite d'être posée, parce que le romancier s'est exprimé plusieurs fois, dans ses écrits, sur ce thème, et ce qu'il en a dit incite à la réflexion. Bien entendu, tout dépend du sens que l'on donne au mot "ami", et à quel niveau on place l'amitié; un ami est-il quelqu'un dont on apprécie la fréquentation, plus ou moins ponctuelle ? Un ami est-il une simple relation mondaine, ou un confident ?
Sans aucun doute, Simenon a croisé beaucoup de gens pendant sa vie, il a noué des relations plus ou moins étroites avec certains, mais pensait-il à eux comme à des amis ? Parmi les plus connues de ces relations, Michel Simon, Jean Gabin, Marcel Pagnol, Fellini, Gilbert Sigaux, André Gide, Raimu, Chaplin, est-ce que dans son for intérieur, Simenon les considérait comme des amis, des personnes avec qui il se sentait en connivence ? Se pencher sur ses écrits peut nous aider à, sinon répondre, du moins avoir quelques pistes de réponses.
Dans son texte Quand j'étais vieux, Simenon écrit cette phrase qu'on pourrait méditer: "amitié ? Ce mot, pour moi, ne veut rien dire." Quelques lignes plus haut, il avait cependant écrit: "Je suis un des hommes les moins seuls, les moins capables de vivre seuls." Puis, un peu plus loin, il dit: "Je pense qu'on ne peut former un couple et avoir de vrais amis. La preuve, c'est que les plus solides amitiés sont celles de la guerre ou de la grande misère – où il n'y a pas de femmes." Plus tard encore, toujours dans le même texte, il redit encore "je n'ai pas de vrais amis. J'ai une femme. Je pense qu'il faut choisir. Ou, plutôt, que l'on est du type ami ou du type couple." L'impression que tout cela donne, c'est que le romancier considérait que la solitude ne pouvait se combattre qu'en formant un couple, voire une famille, et que les véritables liens ne pouvaient se créer que dans ce cercle-là, comme si l'amitié était à placer plutôt au niveau d'une certaine complicité, dans le sens de vivre certains événements ensemble, avec sans doute du plaisir, mais dans une relation qui restait finalement assez superficielle.
Ces phrases, dans Un homme comme un autre, sont particulièrement éclairantes: "depuis mon enfance, je n'ai pas eu d'amis. A l'école primaire, certes, j'ai eu des camarades de jeux. […] Ce n'est pas de ma part une indifférence vis-à-vis d'autrui, bien au contraire. J'aime les hommes. J'ai passé ma vie à essayer de les comprendre. Mais de les comprendre vraiment, pas au fil de relations plus ou moins lâches. A mes yeux, l'amitié aurait été quelque chose de grave, de solide, et non ces liens superficiels qui naissent et meurent dans les milieux littéraires. […] Timidité ? L'explication ne me paraît pas la bonne. En somme, je crois que l'homme qui aime vraiment la femme est presque fatalement un homme sans amis. […] Je rêvais du couple, seule union dans laquelle j'avais envie, parfois une envie douloureuse, de me fondre. […] Aux diverses époques de ma vie, j'ai rencontré et côtoyés des gens que j'ai beaucoup aimés mais qui, par la suite, se sont trouvés entraînés loin de moi. Peut-on parler d'amis ? […] Au fond, […] j'ai toujours été un homme seul."
Cette "quête douloureuse" de la fusion entre deux êtres n'explique-t-elle pas beaucoup de choses sur le romancier, et sur l'homme ? Est-ce elle qui l'a empêché de jamais ressentir une amitié telle qu'il l'imaginait ? Avait-il placé la barre trop haut ?
Il ne nous appartient pas de répondre… Mais on nous permettra de faire deux commentaires. D'abord, dans ses interviews, ses déclarations, ses lettres, et même ses dictées, Simenon utilisait malgré tout le mot "ami" en parlant de ses relations. Est-ce la fameuse pudeur Simenon qui l'empêchait de pouvoir confier à quelqu'un des sentiments d'amitié ? Ou la peur de risquer la déception ? On trouve, dans ses Mémoires intimes, cette phrase: "quant au personnage qui a fini par devenir mon ami"; il s'agit, bien entendu, de Maigret. Un héros à qui Simenon a fini, sinon par s'identifier, du moins lui confier certains de ses questionnements sur la vie. Comme si la créature de papier était devenu le réceptacle de ses confidences, à défaut de pouvoir les faire à ceux qu'il côtoyait, peut-être parce qu'il ne l'a pas osé, mû par on ne sait quelle crainte… Ensuite, Simenon a-t-il réalisé qu'il a trouvé, par-delà sa disparition, des amis en ses lecteurs ? Des admirateurs fervents de son œuvre, mais qui, à l'instar des vrais amis, ne manquent pas de lucidité et cependant d'indulgence pour les défauts de l'homme…
Murielle Wenger
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