lunedì 14 gennaio 2019

SIMENON SIMENON. TWO MEN IN “MAIGRET DEFENDS HIMSELF”

On how Maigret and Pardon, similar yet different, work together 

SIMENON SIMENON. DEUX HOMMES DANS “MAIGRET SE DEFEND” 
Comment Maigret et Pardon, semblables mais différents, travaillent ensemble
SIMENON SIMENON DUE UOMINI IN "MAIGRET SI DIFENDE"
Come Maigret e Pardon, simili, ma differenti, lavorano insieme

The Maigrets and Pardons dine together twice a month, alternating homes. This “established tradition” ensures the women a “friendly competition” in cooking and the men a serious tête-à-tête after dinner. Two such get-togethers in this novel tell a lot about the men and their relationshipSimenon enhances Maigret’s familiar image and expands Pardon’s portrait: the doctor is “not big or fat.” His hair is “brown with silver tinges.” His face showing “signs of an extremely fatiguing life,” the devoted physician rarely gets through their dinners without a call from a sick person and without having to apologize for leaving. It seems likely 49-year-old Pardon will never retire whereas 52-year-old Maigret will retire in three years. Because “he was one of the rare people with whom it was a pleasure to spend the evening,” Maigret “really liked Pardon. Although comfortable together, they share a “restraint” about discussing “certain subjects. For instance, they never talked politics or religion.” 
At the first dinner, “naturally taking on his serious, withdrawn practitioner’s air,” Pardon advises his patient and friend to reduce his excessive drinking for health reasons. The theme “to drink less, in fact, to not drink at all” resurfaces throughout the novel with Maigret wondering if Pardon believes he was on the way to entering the world of old people whose organs become, one after the other, fragile or failing, like old cars whose parts need to be constantly replaced. Only for men, spare parts are not for sale.” At the same time, Simenon reveals Pardon is himself addicted to nicotine. “He smoked cigars at home to please his wife, but once outside he was quick to light up a cigarette.” (Francine worries about cigarettes causing lung cancer, but it seems medical science has not yet accused cigars of the same crime.) Although Simenon highlights the drug dependency of both men throughout the novel, he explains it away casually! After all, “both were men.” Still, the primary emphasis is on Maigret’s lack of compliance with the prescribed regimen and how “hwas beginning to get mad at the doctor” for having advised him to take it easy, implying he was very slowly becoming an old man, soon to be only good enough for fishing in the Loire.” 
Struggling with criminal allegations against him and eventually forced out on sick leave because of his efforts in self-defence, the former chief inspector finally and fortunately recognizes a “need” for Pardon’s help. Once asked, his friend leaps up and runs with the ball, effectively completing the now private detective’s investigation. Pardon not only enables homing in on the prime suspect and facilitates an interview with the crucial witness, but he also goes out of his way to drive Maigret—who does not drive—to the late-night rendezvous that clinches his defence. In a touching sequence at their second dinner togetherthe patient emerges from a typical reflective trance to drink brandy right in front of the doctorIn a state of “admiring curiosity though not exempt from fear,” his loyal, understanding friendactually his only friend—does not intervene. As Maigret proceeds, he trails an appreciative thank-you: “If I succeed, I will owe it for the most part to you.” And he does defend himself. 

David P Simmons 

domenica 13 gennaio 2019

SIMENON SIMENON. LES ADVERSAIRES DE MAIGRET

Portraits de quelques criminels dans la saga 

SIMENON SIMENON. GLI AVVERSARI DI MAIGRET 
Ritratti di alcuni criminali nella saga 
SIMENON SIMENON. MAIGRET'S OPPONENTS 
Portraits of some criminals in the saga 

Maigret et la guerre des nerfs 

Jean Radek, un jeune Tchèque venu à Paris pour étudier la médecine (La Tête d'un homme), est peut-être l'adversaire contre lequel Maigret a eu à mener la lutte la plus difficile de sa carrière. Brillant sujet, d'une intelligence aiguë, mais dévoré d'orgueil, sa pauvreté le conduit à une misanthropie haineuse. Il combine un crime machiavélique, et il faudra toute la propre puissance de déduction de Maigret, ses années d'expérience dans la police, pour venir à bout de cet adversaire. Il ne suffit pas au commissaire d'accumuler les preuves, de démonter le mécanisme du crime, mais il doit mener une véritable guerre des nerfs, une guerre d'usure pour acculer Radek à la faute. Maigret s'attache aux pas de celui-ci, lui oppose son impassibilité obstinée et obsédante. Et si le policier finit par gagner, c'est parce qu'en réalité Radek, malgré toute sa singularité, partage avec nombre d'autres meurtriers cet «obscur besoin de se faire prendre» que Maigret évoque dans ce roman, mais souvent aussi dans d'autres romans de la saga.  

Maigret e la guerra dei nervi 

Jean Radek, un giovane ceco venuto a Parigi per studiare medicina (Una testa in gioco), è forse l’avversario contro il quale Maigret ha dovuto condurre la lotta più dura della sua carriera. Brillante soggetto, di un’intelligenza acuta, ma divorato dall’orgoglio, la sua povertà lo porta ad una misantropia odiosa. Organizza un crimine machiavellico e occorrerà tutta la potenza di deduzione di Maigret, i suoi anni di esperienza in polizia, per venire a capo di questo avversario. Non basta al commissario di accumulare prove, di smontare il meccanismo del crimine, ma deve sostenere una verra guerra di nervi, una guerra di posizione per beccare Radek in fallo. Maigret lo segue passo passo, gli oppone la sua impassibilità ostinata e ossessiva. E se il poliziotto finisce per vincere, è perché in realtà Radek malgrado tutta la sua particolarità, ha in comune con molti altri assassini questo « oscuro bisogno di farsi prendere » che Maigrte evoca in questo romanzo, ma anche in altri romanzi della serie.  

Maigret and the war of nerves

Jean Radek, a young Czech who came in Paris to study medicine (A Man's Head), was perhaps the opponent against whom Maigret had to fight most toughly in his career. Radek is brilliant, acutely clever, yet he is consumed by ambition and his poverty leads him to a resentful misanthropy. He hatches a Machiavellian murder, and Maigret will need his whole own deduction power, his years of experience in the police, to overcome this opponent. The Chief Inspector doesn't only need to gather evidence and unsettle the mechanism of the crime, but he also has to lead a war of nerves, a war of attrition to force Radek to commit a fault. Maigret follows him step by step, opposes to him his obstinate and obsessive impassivity. And the policeman ends by winning, because in fact Radek, despite his uniqueness, shares with many other murderers this "obscure need to get caught" that Maigret evokes in this novel and in other novels in the saga.

Murielle Wenger 

sabato 12 gennaio 2019

SIMENON SIMENON. QUATRE ROMANS PRÈS DU DÉSERT

Douze mois à Tumacacori, événements bio-bibliographiques 

SIMENON SIMENON. QUATRO ROMANZI VICINO AL DESERTO 
Dodici mesi a Tumacacori, vicende bio-bibliografiche 
SIMENON SIMENON. FOUR NOVELS NEAR THE DESERT 
Twelve months at Tumacacori, bio-bibliographic events 


Juin 1948. Simenon quitte Tucson et descend encore plus dans le sud de l'Arizona, pour arriver à Tumacacori, quasiment à la frontière du Mexique. Parmi les motifs évoqués, le loyer trop cher pour la maison de Tucson. Mais probablement aussi, et sans doute davantage, le besoin du romancier de trouver de nouveaux paysages, de nouvelles sources d'inspiration. Comme l'écrit Michel Carly (in Sur les routes américaines avec Simenon), «maisons isolées, passages d'individus inquiétants, proximité du Mexique pauvre et coloré, […], fascination des plaisirs offerts par Nogales à dix-huit kilomètres du village, Tumacacori réserve à l'écrivain un cocktail séducteur.» Et comme le raconte Simenon lui-même dans sa dictée Le Prix d'un homme et dans ses Mémoires intimes, l'Arizona de Tumacacori, c'est la fascination du désert et des paysages rêvés des films westerns: le mémorialiste se souvient des cactus, des cow-boys qui menaient les troupeaux, des ranchers qui se mettaient à la poursuite des évadés du pénitencier, des Mexicains qui passaient la frontière en fraude, des arroyos qui se gonflaient sous l'effet des pluies diluviennes, des visites alcoolisées entre voisins… Tous éléments qu'il va mettre en scène, une fois n'est pas coutume, dans le premier roman qu'il écrit sur les lieux mêmes, Le Fond de la bouteille, rédigé en août. La poésie du désert est bien présente dans le roman, mais elle cache une blessure de Simenon: l'histoire raconte la rivalité de deux frères, dont l'un va se sacrifier pour l'autre. Une façon, sans nul doute, pour Georges d'exorciser la culpabilité qu'il a pu ressentir lorsqu'il a appris, huit mois plus tôt, la mort de son frère Christian, engagé dans la Légion étrangère et tué dans une attaque au Vietnam… 
Tout ce que le romancier savoure à Tumacacori n'empêche pas les difficultés de surgir. L'homme est mal dans sa peau, comme le relève Michel Carly, il se querelle fréquemment avec Tigy, et l'annonce de la grossesse de Denyse, si elle emplit Simenon de joie, va cristalliser les problèmes: Régine et Georges parlent pour la première fois de divorce.  
Alors, Simenon se réfugie dans l'écriture, et rien de tel, pour lui faire un peu oublier ses soucis, que de retrouver son bon vieux Maigret, ainsi que ses souvenirs d'un autre temps, d'autres lieux où il a vécu… Ainsi, il rédige d'abord La Première Enquête de Maigreten septembre, histoire d'imaginer comment le policier a fait ses premières armes, et comment les Maigret ont formé un couple heureux dès leur jeunesse. Ensuite, il rédige une nouvelle version de la nouvelle Le Petit Tailleur et le chapelier, sous le titre Bénis soient les humbles, traduite en anglais par Blessed Are the Meek, et qui lui fait remporter le premier prix du concours de nouvelles policières organisé par Ellery Queen's Magazine 
Le roman qui suivra et qui reprendra la trame des deux nouvellesLes Fantômes du chapelier, rédigé en décembre, sdéroule à La Rochelle, ville chère au cœur du romancier. Cette fois, à l'encontre du roman précédent, Simenon opère son habituelle distanciation entre lieu de rédaction et lieu de l'action, et le contraste est au maximum entre les torrides paysages désertiques de l'Arizona et l'ambiance pluvieuse du port charentais.  
Enfin, de fin janvier à début février 1949il écrit un dernier roman à Tumacacori. Alors que les problèmes s'amoncellent, que Simenon le tourmenté s'impatiente («Je n'ai jamais supporté l'attente. Ni de vivre en suspens comme à présent.» avoue-t-il dans ses Mémoires intimes à propos de cette période), le romancier revient une nouvelle fois à son commissaire, qui est comme un facteur d'équilibre pour lui: «Pour me calmer, je tape le quatrième de mes romans de Tumacacori: Mon ami Maigret.» écrit-il à la suite de la phrase précédente dans ses Mémoires intimes. Ce roman, qui est «un peu comme une carte postale de Porquerolles» note encore Simenon dans le même texte, pourrait avoir valeur de signe: Porquerolles, c'est le souvenir lointain de jours heureux, et s'il y fait chaud, ce n'est tout de même pas la même atmosphère que le désert de Tumacacori. Le romancier, à la suite de son héros, s'évade de ce lieu, et il lorgne vers un nouvel ailleurs. S'il a déjà la Californie dans le viseur, il va d'abord s'installer, en juin 1949, de nouveau à Tucson, pour cinq mois, le temps de devenir père une deuxième fois… 

Murielle Wenger