Le commissaire Marcel Guillaume, modèle de
Maigret, raconte ses enquêtes dans le journal "Paris-Soir"
SIMENON SIMENON. GUILLAUME E MAIGRET
Il commissario Marcel
Guillaume, modello per Maigret, racconta le sue indagini
nel giornale "Paris-Soir"
SIMENON SIMENON. GUILLAUME AND MAIGRET
Chief
inspector Marcel Guillaume, a model for Maigret, tells about his investigations
in the newspaper Paris-Soir
Comme nous l'avons écrit dans un post
récent, en 1937 paraissait dans le journal Paris-Soir
une série d'articles dans lesquels le commissaire Guillaume, alors à peine
retraité de la Police judiciaire, racontait quelques-unes de ses enquêtes.
Avant de présenter quelques extraits de ces textes, nous allons évoquer
brièvement la carrière de ce policier, en utilisant les renseignements contenus
dans le live Mes grandes enquêtes
criminelles, un recueil des textes de Guillaume, publié par les soins des
Editions des Equateurs, et préfacé par Laurent Joly.
Né en 1872, Marcel Guillaume entre en
janvier 1900 dans la police comme inspecteur-stagiaire au commissariat du
quartier de la Chapelle. En 1904, il réussit son admission comme secrétaire, et
il va ensuite passer de commissariat en commissariat. En 1909, il devient
secrétaire du sous-chef de la Sûreté, Louis Jouin, puis collaborateur de Xavier
Guichard. De 1913 à 1919, il travaille comme commissaire de quartier, puis il rejoint
le quai des Orfèvres, et pendant une dizaine d'années, il va s'occuper des
affaires de vols et d'escroqueries. En 1928, il est promu commissaire
divisionnaire, et en 1930, lorsque Xavier Guichard est nommé directeur de la
PJ, il met Guillaume à la tête de la Brigade spéciale. Celui-ci va alors
enquêter sur quelques affaires retentissantes, et devenir célèbre. En 1937,
Guillaume est mis à la retraite, et, à 65 ans, il se sent encore assez
d'énergie pour fonder une agence de détective privé. Il quitte ce monde en
1963, à l'âge respectable de 91 ans…
Le portrait qu'en trace Laurent Joly dans
sa préface nous fait penser à un autre policier bien connu de nos lecteurs. D'après
Joly, Guillaume est un "homme sensible, anticonformiste […] opposé à la
peine de mort, partisan d'une conception humaine du rôle de policier, […], il
entretient des relations familières avec ses "hommes"; [de] caractère
grognon et têtu […] il ne s'est pas fait que des amis au sein de sa
hiérarchie." On ne s'étonnera pas, après cela, que Guillaume soit un des
modèles de Maigret… Même s'il existait quelques différences notables entre les
deux hommes, l'une des plus évidentes étant le fait que Guillaume était un
"homme à femmes", collectionnant les maîtresses…
Le 27 février 1937, la une de Paris-Soir annonçait la publication des
"Mémoires du commissaire Guillaume, le plus fameux policier
français", et introduisait ces textes avec ces mots: "Ces mémoires,
ce n'est pas seulement quarante années de la vie d'un policier qui compte parmi
les plus humains et les plus grands. C'est quarante ans de Paris tout
court…". Dans le premier article, Guillaume narrait ses débuts à Paris,
travaillant comme garçon épicier, avant de pouvoir intégrer les rangs de la
police, puis ses premières expériences au commissariat de la Chapelle. Dans les
articles suivants, étaient évoquées les grandes affaires auxquelles il avait
participé. D'abord l'affaire Bonnot, "la plus terrible histoire criminelle
de l'avant-guerre", comme l'écrivait Guillaume, qui racontait toute
l'aventure de la bande, la "lutte quotidienne et tragique" menée par
la police, au cours de laquelle Louis Jouin fut tué, l'assaut donné contre le
repaire de Bonnot, ainsi que l'arrestation finale des autres membres de la
bande, sous la conduite de Xavier Guichard. Puis toute une série d'affaires,
certaines oubliées de nos jours, et d'autres restées dans la mémoire
collective, en particulier celles que Simenon évoque au fil des romans de la
saga maigretienne: l'affaire Landru, "énigmatique et tragique
séducteur"; l'affaire Deblauwe, une ancienne connaissance de Simenon, que
celui-ci évoque dans son roman Les trois
crimes de mes amis; l'affaire Mestorino, dont Guillaume narrait le dernier
interrogatoire, qui dura de neuf heures du matin jusqu'à minuit, et où se
relayèrent, parmi d'autres, les inspecteurs Février (dont le nom inspira celui
de Janvier à Simenon), et Massu (un autre modèle pour Maigret). Mais aussi "La
mort mystérieuse du conseiller Prince", pour laquelle Guillaume conclut au
suicide, s'opposant par là aux thèses défendues par Simenon…
Le 18 avril 1937 paraissait le dernier
article de la série dans Paris-Soir,
dans lequel Guillaume apportait quelques éléments de conclusion personnelle sur
son métier, et faisait ses adieux à la Police Judiciaire et à tous ses
collaborateurs. Il y écrivait: "Le bureau d'un policier est le plus
souvent un confessionnal où viennent se délivrer de leur cauchemar les âmes
tourmentées. Oui notre rôle ne se borne pas seulement à arracher des aveux
après des heures d'interrogatoire mais à savoir écouter bien des confidences et
consoler bien des peines"… A l'image d'un certain Jules Maigret, en qui
son créateur a placé bien des traits de Marcel Guillaume…
Murielle Wenger