A propos de la série avec Rupert Davies
SIMENON SIMENON. UN MAIGRET BRITANNICO
A proposito della serie con Rupert Davies
SIMENON SIMENON. A BRITISH MAIGRET
En mars 1960, Simenon fait un voyage à Londres. Le but ? Signer un contrat avec la BBC pour l'adaptation des Maigret en série télévisée. C'était la première fois qu'on allait donner au commissaire un espace important sur le petit écran. Quelques adaptations sporadiques, plutôt dans le style des "dramatiques théâtrales", avaient déjà été faites auparavant, dans les années '50.
Simenon, toujours très attentif à préserver ses droits, avait tenu à certaines clauses, qu'il énumère dans ses Mémoires intimes: "Vente dans les pays de langue anglaise uniquement, les Etats-Unis exclus. Droit d'utilisation des films, doublés ou sous-titrés, dans tous les autres pays, par moi seul et à mon seul profit." Le contrat fut signé, néanmoins, une clause avait échappé à Simenon, clause qui "prévoit qu'à l'expiration du contrat toutes les copies et les négatifs des cinquante-deux films seront détruits […], de sorte qu'il ne reste rien aujourd'hui de ces cinquante-deux Maigret", assure le romancier, toujours dans ses Mémoires intimes. Aujourd'hui encore, on ne sait pas si cette clause a réellement été appliquée. Plusieurs internautes maigretphiles ont déjà tenté d'écrire à la BBC pour savoir ce qu'il en est de ces copies, mais sans jamais obtenir de réponses claires… Ce qui est sûr, cependant, c'est qu'en Allemagne la série eut un immense succès, et que la chaîne allemande ZDF, elle, a gardé des copies de la version doublée, ce qui a permis l'édition récente d'une série de coffrets de DVD de 46 épisodes restaurés sur les 52 d'origine.
Pour incarner le commissaire, la BBC choisit un acteur gallois, Rupert Davies, et, toujours dans ses Mémoires intimes, le romancier écrit, à propos de cet interprète, qu'il est "peut-être le meilleur commissaire". On connaît la façon de faire de Simenon par rapport à tous les acteurs qui ont incarné Maigret, les encensant au début, quitte à revenir sur ses déclarations plus tard… Quoi qu'il en soit, Simenon revit plusieurs fois Davies: en 1962, lorsqu'en sa compagnie, il présida le bal annuel des fabricants de pipes à Londres; et en 1966, lors de l'inauguration de la statue de Maigret à Delfzijl.
Le 1er juillet 1964 parut, dans un journal australien, sous la plume d'un correspondant de Londres, une interview de Rupert Davies à propos de Maigret. Davies y racontait sa première rencontre avec Simenon, lorsque, en compagnie du producteur Andrew Osborn, il rendit visite au romancier dans sa demeure d'Echandens: "Lorsque nous arrivâmes au château, il nous entretint pendant des heures, nous donnant des conseils sur Maigret et nous expliquant les facettes de sa personnalité". A un moment donné, pendant la discussion, Rupert Davies, plongé dans ses réflexions à propos d'un détail que Simenon expliquait, quitta sa chaise et se mit à regarder par la fenêtre. "My God!", s'exclama Simenon, "that's just what Maigret would do." Davies avait apporté un roman de Maigret, et avant son départ, il demanda un autographe à Simenon. Alors, le romancier lui en offrit un exemplaire tout neuf, dans lequel il écrivit: "To Rupert, my accomplice. After 30 years of writing about Maigret I have now found the actor I have long sought."
A l'instar de la série, presque contemporaine, avec Gino Cervi, les scènes d'extérieur furent tournées en grande partie à Paris, et comme l'époque du tournage n'était pas très éloignée de celle de la rédaction des romans, cela donnait un certain cachet d'authenticité à la série. Pour les intérieurs, c'est la décoratrice Eileen Diss qui se chargea de rendre le tout très "Frenchy": comme le raconte un autre article du même journal australien, elle accompagna Andrew Osborn à chaque fois qu'il se rendait à Paris pour les repérages, et elle en profitait pour acheter "les centaines d'objets qui donnait de l'authenticité aux décors des studios londoniens. Cela allait des meubles, bibelots, portraits de famille, typiques d'un intérieur français, jusqu'aux marques, bouteilles et affiches de bistrots, ce qui faisait dire «ça c'est la France»."
Simenon visionna-t-il certains de ces épisodes ? Si on devait l'en croire, il ne regardait jamais les adaptations de ses œuvres, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Mais nombre de ses déclarations tendent à prouver le contraire, les commentaires qu'il a faits ne peuvent l'avoir été qu'après visionnement de ces adaptations… Quoi qu'il en soit, malgré que cette série ait une touche typiquement anglaise, et que ce soit "Maigret tel que vu par des Anglais", elle eut un succès certain. Un point à retenir aujourd'hui, alors que d'aucuns reprochent à la nouvelle série avec Rowan Atkinson d'être trop anglaise… Ou peut-être faut-il se dire que ce Maigret alias Davies eut un succès surtout dans les pays non francophones, parce que, à notre connaissance du moins, elle ne fut pas diffusée en France. D'ailleurs, à peine quelques années plus tard, allait débuter à la télévision française une autre série iconique, celle avec Jean Richard…
Murielle Wenger