sabato 15 ottobre 2016

SIMENON SIMENON. PARIS-SOIR: QUAND GEORGES SIM DEVIENT SIMENON

Un journal témoin d'une évolution, du conteur au romancier 

SIMENON SIMENON. PARIS-SOIR: QUANDO GEORGES SIM DIVENTA SIMENON 
Un giornale testimone di una evoluzione, dal narratore di storie al romanziere 
SIMENON SIMENON. PARIS-SOIR: WHEN GEORGES SIM BECOMES SIMENON 
A newspaper witness to an evolution, from storyteller to novelist 



Quand Eugène Merle fonde, en 1923, le journal Paris-Soir, il ne tarde pas à solliciter la contribution de Simenon, qui travaille pour lui depuis quelques mois, lui fournissant des contes pour sa revue "galante", Frou-FrouLe 5 septembre 1924, un premier conte apparaît dans Paris-SoirUn monsieur antipathique, qui est signé Georges Sim, et qui sera suivi de nombreux autres, jusqu'en 1928. Dans ce même journal, paraît en 1925 un article de l'écrivain et journaliste Paul Reboux, qui, un des premiers, décèle le potentiel du jeune auteur: "Georges Sim est quelqu'un de tout à fait exceptionnel. Vous le constaterez en lisant ces textes issus de son intarissable imagination. En tous, il y a quelque chose… C'est que s'il écrit pour vivre, il vit pour écrire. C'est sa passion, son idéal. Le jour où il aura acquis le droit au loisir, il fera de grandes choses." 
En 1927, c'est une nouvelle étape: Paris-Soir publie en feuilleton un roman signé Georges Sim, Dolorosa. C'est un des premiers romans sous pseudonyme à connaître une publication en préoriginaleEn 1930, Merle cède son journal à Jean Prouvost, et c'est une autre époque qui commence pour le quotidien. Pour Georges Sim aussi… Il va bientôt devenir Simenon, eParis-Soir sera témoin de cette évolution du romancier. Après avoir relaté l'événement du Bal anthropométrique, l'arrivée de Maigret, les premières adaptations au cinéma et la parution des premiers "romans durs", le journal ouvre ses colonnes au romancier, pour un autre type d'écrit: c'est Simenon le reporter qu'on convoque, non sans avoir au préalable fait paraître en feuilleton L'écluse no 1. En même temps que paraissent les deux derniers épisodes de ce feuilleton (en juin 1933), le journal propose les deux volets de l'interview que Simenon a réussi à faire de Trotski en Turquie. Après ce scoop, Prouvost pense qu'il peut à nouveau utiliser les talents du reporter, et il le convoque en 1934, décidé à lui confier l'enquête sur l'affaire qui secoue alors la France, la fameuse affaire Stavisky. Ou plutôt, à la confier au commissaire Maigret… Hélas, Simenon n'est pas Maigret, et comme l'écrit Pierre Assouline, si Simenon est un "grand reporter", il se montre "petit détective" dans son enquête (publiée en mars 1934), et il va se couvrir de ridicule dans cette affaire… Néanmoins, il reste de tout ceci quelque chose d'intéressant: en marge de l'affaire Stavisky, Paris-Soir publie un reportage de Simenon, entre janvier et février 1934, sur Les coulisses de la police, dans lequel est présenté le travail des hommes du Quai des Orfèvres, et en particulier l'interrogatoire à la chansonnette, tel que le commissaire Guillaume l'a pratiqué dans l'affaire Mestorino. Ce reportage ne va pas être inutile au romancier pour lui fournir quelques détails "véridiques" dans ses futurs romans mettant en scène son commissaire à la pipe… 
Mais bientôt, c'est une autre facette de Simenon que les lecteurs peuvent découvrir dans Paris-Soirà la fin 1934, le journal propose la prépublication en feuilleton de Les clients d'Avrenos, un "roman-reportage", comme le baptise le journal. En décembre, Simenon décide de partir faire un tour du monde, et pour le financer, il propose à Prouvost de rédiger une série de reportages sur son voyage. Ils paraisssent dans Paris-Soir en février 1935 (Le drame mystérieux des Galapagos), en juin (Les vaincus de l'aventure), et en septembre (Tahiti ou Les gangsters dans l'archipel des amours). Puis suitquelques jours plus tard, la prépublication d'un autre roman, Quartier nègreet, en 1936, celle de Chemin sans issue, "un grand récit d'amour et d'aventures", selon la publicité du journal.  
Conteur, romancier, reporter, détective, toutes les facettes de Simenon sont reflétées dans Paris-Soir… toutes ? Non, car il en manque encore une, que l'on connaissait de lui mais dont on n'avait plus entendu parler depuis quelques années: c'est celle du créateur de Maigret… Il revient à Paris-Soir d'avoir contribué à la renaissance du commissaire sous la plume de Simenon. En effet, bien que celui-ci ait juré qu'on ne l'y reprendrait plus, après son dernier roman policier paru chez Fayard, il finit par céder aux demandes du journal d'écrire une série de nouvelles mettant en scène l'homme de la PJLe 22 octobre 1936, on annonce que "le commissaire Maigret reprend du service" dans le supplément Paris-Soir-Dimanche, où Simenon publiera "la première nouvelle policière inédite où reparaît le célèbre limier". Suivront sept autres nouvelles, publiées jusqu'en janvier 1937. Ayant retrouvé l'ambiance du Quai des Orfèvres, Simenon va s'y plonger une nouvelle fois "en vrai": Paris-Soir publie en février 1937 une nouvelle série de ses reportages, sous le titre générique de Police-Secours ou Les nouveaux mystères de Paris 
En 1938, c'est un nouveau roman paru en feuilleton, Touriste de bananespuis on retrouve Simenon reporter en 1939 pour un article sur Panama dernier carrefour du mondeet il fauattendre 1940 pour un nouveau témoignage sur l'évolution du romancierParis-Soir publie en préoriginale Cécile est morte, un des premiers romans Maigret que le romancier écrit pendant la guerre, quand il se sera décidé à reprendre son personnage. Enfin, la dernière apparition de Simenon dans Paris-Soir a lieu de décembre 1941 à janvier 1942, pour la publication en feuilleton de Signé Picpusdont la parution avait fait l'objet d'un concours (nous vous en avions parlé dans un billet du 25 juin). Le nom du Simenon sera encore cité quelquefois dans le journal, que ce soit pour parler de la sortie d'un de ses romans, ou d'une adaptation d'une de ses œuvres au cinéma ou au théâtre, mais il n'y apportera plus de contribution. D'ailleurs, le journal lui-même disparaît en 1944.  
Certes, Paris-Soir n'a pas été le seul journal, loin s'en faut, pour lequel Simenon a travaillé et collaboré en tant que reporter, fournisseur de contes ou de romans en feuilleton. Mais, par l'abondance des textes du romancier qu'il a fait paraître, il est un bon témoin et un bon exemple de l'évolution de Simenon entre 1923 et 1942, soit presque vingt années qui ont vu Simenon naître de Georges Sim… 

Murielle Wenger

venerdì 14 ottobre 2016

SIMENON SIMENON. TRENTACINQUE ANNI DI "MEMOIRES INTIMES"

E' l'ultimo libro, ma non è un romanzo, non è breve, non è un Maigret....
SIMENON SIMENON. TRENTE-CINQ ANS DE "MEMOIRES INTIMES"
C'est le dernier livre, mais ce n'est pas un roman, il nest pas court, et ce n'est pas un Maigret
THIRTY-FIVE YEARS OF “INTIMATE MEMORIES”
It is the last book, but it is not a novel, it is not short, and it is not a Maigret…













Era l'ottobre di trentacinque anni fa'. Simenon a 78 anni viveva con la sua compagna Teresa nella piccola casa rosa al 12 di rue de Figuiers a Losanna e in quell'anno (1981) vedeva editare l'ultima sua fatica, alla cui stesura aveva dedicato una decina di mesi nell'anno precedente. Stiamo parlando di Mémoires intimes, l'ultimo libro scritto di suo pugno (niente registrazioni) in un volume insolitamente lungo per i suoi standard, oltre 1000 pagine. 
Quasi tutti sanno che si tratta di un'opera autobiografica, scritta, almeno nelle intenzioni dichiarate, per raccontare alcune parti della sua vita ai figli e soprattutto come omaggio a Marie-Jo, la sua figlia suicida. E, non a caso, alla fine di Mémoires intimes troviamo Le livre de Marie-Jo, una struggente raccolta di brani, poesie, testi di canzoni e lettere scritti dalla sua amata ragazza. Il romanziere volle vederli uniti nello stesso volume, come a significare che la sua vita non si sarebbe mai separata da quella della figlia. 
Quindi questa autobiografia è l'ultimo titolo di una sterminata produzione iniziata quasi sessant'anni prima con i romanzi popolari, a poco più di vent'anni. 
I ricordi narrati in quest'opera non sempre sono lucidi, qualche volta la cronologia non combacia con quella reale, vengono scambiati a volte luoghi e persone, ma dopo tanti anni, e con la memoria di un'ottantenne, sono peccati veniali.
Il pregio maggiore di Mémoires intimes è, a nostro avviso, quello di regalarci degli scorci di vita come li ricordava Simenon, filtrati attraverso la nebbia degli anni, ricordi consumati, riportati alla mente dopo un'intera vita e che vengono materializzati sui fogli di un quaderno con un ultimo sprazzo d'energia.
E il modo in cui ricorda gli avvenimenti, le persone, gli ambienti, paradossalmente ci dice di più delle informazioni che ci trasmette. Ci fa scoprire come l'uomo percepiva, almeno a quell'età, la sua tumultuosa, creativa e frenetica vita, i suoi rapporti con gli altri, le amarezze e le gioie, come le aveva sentite lui, a volta in un modo molto soggettivo. Ma così facendo si scopre, mettendo a nudo il suo modo di sentire, di percepire l'animo umano e di concepire suoi rapporti più intimi.
A volte si ha l'impressione che, un po' per l'età e un po' perché non aveva più un'immagine pubblica da difendere, lo scrittore si lasci andare più di quanto non abbia fatto in altri scritti autobiografici.
Certo, non è un libro facile da leggere. A volte Simenon si perde nel suo mondo, nei suoi sogni... ma forse proprio queste sono le parti più interessanti, quelle che ci fanno scoprire un Simenon che magari non conoscevamo. 
Sicuramente chi leggendolo si aspettava una brillante autobiografia, magari romanzata, è rimasto deluso. Qui il Simenon che scrive è davvero diverso dall'autore dei romanzi (non parliamo dei Maigret!), ma è quella diversità che ci dice qualcosa in più sull'uomo, ormai con uno sguardo a volte un po' distaccato per l'età, altre invece più emozionato dalla nostalgia ed altre ancora perso nella infinita sequela di ricordi dei suoi incredibili e intensi anni. (m.t.)

giovedì 13 ottobre 2016

SIMENON SIMENON. SIMENON IN DEAUVILLE: PULP FICTION AND THE CREATION OF MAIGRET

Deauville as setting in Simenon's popular fiction

SIMENON SIMENON. SIMENON A DEAUVILLE: "PULP FICTION" E LA CREAZIONE DI MAIGRET
Deauville come posto dell'azione nei romanzi popolari di Simenon
SIMENON SIMENON. SIMENON A DEAUVILLE: "PULP FICTION" ET LA CREATION DE MAIGRET
Deauville comme lieu de l'action dans les romans populaires de Simenon

Maurizio Testa’s post of August 14 features a photo of Simenon signing copies of the early Maigret novels in front of the Bar du Soleil in Deauville, Normandy in August 1931. The up-market resort of Deauville is a recurrent setting for Simenon’s popular fiction of the late 1920s and appears again in the short story ‘La fleuriste de Deauville’, part of the Dossiers de l’Agence O series, written in 1938 and first published in Police-Roman in 1941. 
Exclusive seaside resorts such as Deauville, Cannes, Monaco and Biarritz were a frequent choice for the settings of the popular escapist literature of the 1920s. The relative prosperity of the period meant that lower-middle class readers has disposable income with which to purchase books and the recent horrors of the 1914-1918 world war made the subject matter of adventure without danger, romance and conspicuous consumption a winning formula.
In L’Amant sans nom, appearing in 1929 under the pen-name Christian Brulls, Simenon’s readers encounter the heroic figure of Yves Jarry, gentleman burglar and seducer of beautiful women. At Deauville, Jarry becomes romantically involved with Eléonore Bruce, the wife of a wealthy American, but he also feels attracted to Jessie, a niece of the Bruces. Eléonore’s husband is killed and Jarry is found guilty. Eléonore rescues him from penal servitude in Guyana on her yacht and the couple returns to France where they steal a quantity of gold ingots from a train. Jarry and Eléonore take refuge in a villa at Deauville and the police lay siege. Jessie arrives and, unable to choose between the two women, Jarry attempts suicide. When he recovers consciousness, Jarry discovers that it was Eléonore who had killed her husband; she flees to Polynesia, leaving Jarry free to marry Jessie.
The action of La Figurante, written in 1929 but published in 1932, once again under the pseudonym Christian Brulls, is divided between Deauville and Paris. The story revolves around the murder of a rich banker, Isaac Reiswick, the plotting of his secretary, Mornier, and a love story involving a young woman, Nadine Langevin, and an engineer, Jacques Morsan.  La Figurante is the second of four ‘proto-Maigrets’, all published under pseudonym, in which the commissaire appears but is not the central character.
Simenon’s third Deauville narrative is the short story ‘La fleuriste de Deauville’, written
in 1938. With Maigret retired, inspecteur Torrence has left the police judiciaire to set up a private detective agency, L’Agence O, with his collaborator the photographer Emile. Torrence and Emile are in Deauville observing madame Davidson, the wife of a wealthy American, when Loulou, a flower seller at the casino, is murdered with a bullet from madame Davidson’s revolver. Shortly after, monsieur Henry, head porter at the hotel Royal, is discovered killed with a bullet from another weapon. Emile solves the case by immersing himself, in the manner of Maigret, in the life of the staff and clients of the Royal. It transpires that count Vatsi, a wealthy Hungarian guest at the hotel, had recognised Henry as a former rival in love and realised that madame Davidson and Loulou were the daughters of Henry and his (Vatsi’s) former fiancée. By the purest coincidence, all of the characters were in Deauville at the same time and Vatsi had killed Henry and Loulou using Madame Davidson’s stolen revolver in order to throw suspicion on her.
This brief account of three of Simenon’s Deauville stories gives a feel for both the ambiance of the town in the inter-war period and for Simenon’s popular fiction. Deauville is, moreover, at the centre of the emergence of Maigret, both in name and in form. In La Figurante, the commissaire shows sympathy for the falsely-suspected Nadine and Jacques, sending them flowers at the end of the story. The Maigret of La Figurante is a not yet fully-formed character, but for his physical appearance and personal habits, Simenon would draw heavily on the pipe-smoking  inspecteur N. 49 of l’Amant sans nom, a big heavily-built man with the stoic air of a peasant and an obstinate character to match. Whatever the policeman’s name, Simenon was clearly on his way towards the creation of one of the most famous characters in the history of crime fiction.  

William Alder

mercoledì 12 ottobre 2016

SIMENON SIMENON. IL NUMERO DI PAGINE DEI MAIGRET

Le inchieste più lunghe e quelle più corte 

SIMENON SIMENON. LES NOMBRES DE PAGES DANS LES MAIGRET 
Les enquêtes les plus longues et celles plus courtes 
SIMENON SIMENONTHE NUMBER OF PAGES IN THE MAIGRETS 
The longest investigations and the shorter ones 


La lunghezza dei 76 romanzi ufficiali con Maigret protagonista non varia molto nei vari libri ma tuttavia ci sono delle differenze nel numero di pagine. I quattro Maigret più lunghi ("Maigret et son mort" -1948 pubblicato in Italia dapprima col titolo "Bentornato Maigret", "Le voleur de Maigret - 1966, "Maigret e il ladro", "Maigret et l'homme tout seul" -1971, e "Maigret à Vichy" del 1966) non appartengono in nessun caso al primo periodo; anzi, eccetto il primo, sono stati scritti dagli anni sessanta in poi. I più corti, invece ("Maigret", scritto nelIl mort  1934, "Félicie est là" del 1944, "Les mémoires de Maigret" -1950 e "Maigret se fâch"e,1945, pubblicato con i titoli "La collera di Maigret" da Mondadori e "La furia di Maigret" per Adelphi) sono stati invece tutti scritti prima del 1950. Dunque possiamo dire che col passare degli anni Simenon allungò le inchieste del suo personaggio principale. Vi è poi il caso di Un Noël de Maigret (1950) che è più corto dei romanzi ma più lungo dei racconti con il commissario protagonista. Tra questi ultimi il più lungo è La pipe de Maigret (1945) mentre i più corti sono Les larmes de bougie, Rue Pigalle, Une erreur de Maigret e Peine de mort, tutti facenti parte della prima serie di racconti del 1936. Quindi anche in questo caso quelli scritti in un secondo tempo hanno più  pagine. Va comunque detto che nessun racconto fu scritto dopo il 1950, a conferma del fatto che col passare del tempo, per il piacere dei lettori, i Maigret si siano leggermente allungati. Lo stesso Simenon dichiarava che i Maigret erano i più facili da scrivere: forse l' état de roman gli toglieva meno energie quando si dedicava alla sua creatura prediletta.                                  
* Nel catalogo Adelphi, collana "Le inchieste di Maigret", il titolo più corto è "Maigret perde le staffe" di 133 pagine, il più lungo  è  "Il morto di Maigret" di 185 pagine.

Andrea Franco

martedì 11 ottobre 2016

SIMENON SIMENON. AVEC MAIGRET POUR SE TENIR EN EQUILIBRE

Simenon séjourne pendant six mois à Carmel-by-the-Sea 

SIMENON SIMENON. CON MAIGRET PER MANTENERSI IN EQUILIBRIO 
Simenon rimane per sei mesi a Carmel-by-the-Sea 
SIMENON SIMENON. WITH MAIGRET THERE TO KEEP HIM IN BALANCE 
Simenon stays for six months at Carmel-by-the-Sea 

L'année 1949 a été pour Simenon fertile en événements, certains difficiles (il a dû se battre contre sa condamnation par le Comité d'épuration des gens de lettres), d'autres très heureux (son fils John est né le 29 septembre). Le romancier aimerait se donner tout à la joie de sa paternité, mais les choses ne sont pas simples: le fait que Denyse a maintenant un enfant de Georges oblige à reconsidérer la situation vis-à-vis de Tigy, avec qui il est toujours marié. Divorce ? Pas divorce ? Simenon est tiraillé entre les deux options: s'il consentirait peut-être à la séparation d'avec Tigy, cela impliquerait aussi l'éloignement d'avec Marc, et cela il ne peut l'accepter. D'un autre côté, Denyse se sent en position de force pour réclamer une régularisation de sa condition. 
Autre problème: Simenon et sa famille sont entre deux errances, car il s'agit de quitter Tucson et l'Arizona pour se diriger vers la Californie et Carmel. C'est Tigy qui a trouvé ce lieu, ce n'est pas Simenon qui l'a choisi, mais la Californie l'attire quand même parce qu'il se rapproche ainsi d'Hollywood, où il a plusieurs affaires en train. A la fin du mois d'octobre, Georges quitte donc le pays des cow-boys avec Denyse et le petit Johnny. A Carmelil trouve une villa aux parois de pin percées de vitres "qui remplacent un mur sur deux, si bien que partout on est baigné de lumière", comme il l'écrit dans ses Mémoires intimes 
Le décor lumineux, la ville élégante, la proximité de la mer, tout semble fait pour permettre au romancier de trouver le calme dans ce "voluptueux refuge", comme il qualifie les lieux dans la Dictée Des traces de pas. Mais le bonheur de voir grandir son fils n'efface pas la réalité des problèmes: Tigy n'accepte plus de partager sa place avec Denyse, et l'inverse est vrai aussi. La procédure de divorce va donc être entamée. Et Simenon, lui, n'a plus qu'à se réfugier dans l'écriture… Pendant les six mois qu'il va passer à Carmel, il écrit quatre romans et deux nouvelles: Maigret et la vieille dame, L'amie de Madame Maigret, Les volets verts, L'enterrement de Monsieur Bouvet, Sept petites croix dans un carnet, Un Noël de Maigret. Une production dominée par le personnage de Maigretet par les décors parisiens et les références au travail de la PJ. En effet, avec quelques légères modifications, L'enterrement de Monsieur Bouvet et Sept petites croix dans un carnet pourraient très bien être des enquêtes de Maigret. Nous avions déjà évoqué ces deux textes dans notre billet du 9 mars 
Pourquoi autant de romans maigretiens pendant cette courte période de Carmel ? On peut y trouver plusieurs raisons. D'abord, Maigret représente pour son créateur un facteur d'équilibre: dans l'état d'esprit où Simenon se trouve à ce moment-là, il apparaît comme un personnage "rassurant" dans un monde difficile. Ensuite, malgré les moments pénibles que le romancier vit, il y a le bonheur d'être père, et de voir son enfant découvrir le monde. Et cette joie, sans doute source d'inspiration, peut se manifester dans l'écriture de romans Maigret, au ton plus "léger" que les romans durs 
Si L'enterrement de Monsieur Bouvet est comme une sorte d'hymne à la lumière de Paris, on retrouve aussi ce thème de la lumière dans plusieurs pages de Maigret et la vieille dame, dont l'intrigue se situe dans le cadre de la côte normande (Etretat), et où le commissaire, bien qu'il doive s'occuper d'un meurtre sordide, ne se retient pas pour autant de rechercher les luminosités maritimesil passe une soirée à essayer de voir le rayon vert ! On va retrouver la poésie parisienne dans L'amie de Madame Maigret, qui est un des romans de la saga dans lequel la ville est la plus présente, comme si le romancier en chantait en quelque sorte une certaine nostalgie… Ecrite au mois de mai 1950, soit dans le dernier tournant avant le divorce d'avec Tigy et le remariage avec Denyse, la nouvelle Un Noël de Maigret est en contraste parlant avec ce qui vit Simenon: Maigret et sa femme connaissent la tendresse du couple, mais le malheur de ne pas avoir d'enfant; Simenon, lui, a la joie d'être déjà deux fois père, mais l'histoire de son premier couple est sur le point de prendre fin, et si le deuxième est en plein devenir, déjà les premiers signaux d'alarme se sont allumés: Georges a découvert une Denyse revendicatrice. En juin, le divorce est prononcé, puis immédiatement après Simenon épouse Denyse.  
Et maintenant, il s'agit de trouver un nouvel endroit pour vivre: Tigy propose l'Europe, Simenon se verrait bien dans un des Etats du Sud. Hésitations d'un homme qui n'est plus "capable de choisir", comme il l'écrit dans ses Mémoires intimes: "Ces histoires de divorce m'ont trop absorbé, beaucoup trop, au point que j'ai fini par croire que ce n'est pas de moi qu'il s'agit, que je ne suis dans cette histoire désagréable que comme un pion que d'autres poussent à leur gré." Alors vivement un nouveau départ, un nouveau refuge pour essayer, encore une fois, une nouvelle vie. Ce sera Lakeville, pour cinq ans d'un bonheur certain, bien que relatif, mais aussi pour la rédaction des œuvres de la grande période américaine du romancier… 

Murielle Wenger