giovedì 12 novembre 2020

SIMENON SIMENON. SOUVENIRS D'EPALINGES…

 Simenon Story 

SOUVENIRS D'EPALINGES…

Un romancier dans une maison trop grande 

SIMENON SIMENON. RICORDI DI EPALINGES… 
Un romanziere in una casa troppo grande 
SIMENON SIMENON. MEMORIES OF EPALINGES... 
A novelist in a house too big 



20 dicembre 2016 - Le 19 décembre 1963, Simenon quitte Echandens pour Epalinges. C'est au moins sa trentième demeure, la trentième fois qu'il essaie de se stabiliser, de se sentir chez lui. Cette fois, il ne s'est pas contenté de louer un appartement ou une villa, mais il a décidé de construire lui-même le nid.  
Cette décision n'intervient pas au hasard: Simenon est en train de sortir d'une crise, qu'il a couchée sur le papier des cahiers de Quand j'étais vieux. En date du 10 février 1962, il écrit: "Nous venons de décider, tout à coup, en quelques heures, D. et moi, non seulement de quitter Echandens, mais de faire bâtir – une idée qui m'a souvent tenté au cours de ma vie. […] Une maison à neuf, du haut en bas, faite pour nous, conçue pour nous, pour notre vie et celle de nos enfants. J'en suis très excité […], je n'écarterais pas l'idée que toute cette fermentation de douze à dix-huit mois qui doit se refléter dans ces cahiers avait pour cause profonde ce besoin inconscient de renouvellement." Le romancier, qui approche de ses 59 ans, et qui a déjà vécu les premiers signes d'alerte qui vont déchirer son couple, voit probablement dans ce "renouvellement" un remède possible à ses problèmes… Et, comme chaque fois, il succombe à l'excitation du changement, lui qui n'a jamais réussi à rester en place bien longtemps, en fuite perpétuelle d'on ne sait trop quoi, peut-être de lui-même… 
Cependant, pendant toute la phase de construction, une sorte de sonnette d'alarme retentit en lui: il pense souvent à un proverbe chinois, qui dit que "quand la maison est bâtie, le malheur y entre". Pourtant, c'est lui qui l'a voulue telle qu'elle est, démesurée, fonctionnelle et moderne. Et on ne peut que s'en étonner, quand on connaît son amour pour les maisons qui ont un passé, un odeur, le souvenir de ceux qui y ont vécu… Plus tard, il dira que c'est sa femme qui avait la folie des grandeurs, et que l'immensité se justifiait par la nécessité que chacun des habitants ait son propre espace de vie. Mais, comme l'écrit Pierre Assouline, la maison est bien "son propre reflet, […] conçue sous le signe de l'excès […], pour ce maniaque de l'ordre et de l'organisation".  
Trop fonctionnelle, sans âme, cette maison, que certains appelaient le "bunker" ? Dans tous les cas, elle ne sera jamais le nid que Simenon espérait: sa femme n'y vivra quasiment pas, passant la plupart de son temps en clinique, avant de quitter définitivement les lieux. Les enfants, eux aussi, devenus grands, seront attirés sous d'autres cieux. Epalinges aura tout de même servi de lieu d'écriture jusqu'en 1972, lorsque, avec l'échec du dernier roman que Simenon n'arrivera pas à rédiger, il décide d'abandonner Epalinges, car ce lieu utilitaire, conçu pour un romancier, avec des locaux insonorisés qui devaient lui permettre de s'isoler pour se consacrer à l'écriture, n'a plus de raison d'être puisqu'il n'écrit plus… A la fin octobre, il s'installe dans un appartement en ville de Lausanne. Il aura passé près de neuf ans à Epalinges, le temps d'écrire 14 "romans durs" et 13 Maigret 
Cette maison où il a fait semblant d'être heureux, posant fièrement devant elle pour les photographes, quels souvenirs en garde-t-il ? Il est frappant de constater qu'avec le temps, alors que ses souvenirs d'enfance et de jeunesse sont souvent lumineux, ceux d'Epalinges sont loin d'être positifs, si l'on en croit ces quelques extraits choisis dans ses Dictées 
"Avant Epalinges, j'ai eu vingt-neuf maisons, dans différents pays, et le processus a été à peu près le même pour chacune d'elles. Tout à coup, je me sentais étranger entre des murs qui, la veille, m'étaient encore familiers et qui constituaient en quelque sorte un refuge. Or, ces murs-là, je cessais de les reconnaître. […] je n'avais de cesse que de m'en aller, pour ne pas dire de m'enfuir." (Un homme comme un autre. 13 février 1973) 
"Quand il n'est plus resté qu'un de mes enfants avec moi, les autres s'étaient envolés tour à tour vers leur propre destin, cette grande baraque d'Epalinges que j'avais conçue pourtant avec beaucoup d'amour m'a pesé sur le dos" (Vent du nord, vent du sud, 2 février 1975) 
"lorsque j'ai fait construire ma maison d'Epalinges, j'ai cédé à cette erreur des vues panoramiques. Les fenêtres sont immenses. […] C'était une curiosité à montrer à mes visiteurs, mais, après très peu de jours, je ne regardais plus. De même, dans un grand terrain, j'ai voulu semer à un prix exorbitant du gazon anglais. C'était souple et doux sous les pieds. Je pourrais compter le nombre de fois en dix ans, où je m'y suis promené." (Point-Virgule, 18 août 1977) 
"Comme j'allais fréquemment jouer au golf au-dessus de Lausanne, à Epalinges, je décidai d'y faire construire, près de ce golf, une maison avec tous les perfectionnements techniques que j'avais appris en Amérique. […] Il n'y avait pas moins de cinq bureaux, de vingt et un téléphones, de neuf salles de bain. J'en rougis encore, ou plutôt j'ai un peu pitié de moi." (Destinées, 17 octobre 1979) 
En lisant ces lignes, on se dit que finalement, il n'y a pas tellement de regrets à avoir, aujourd'hui que la maison a succombé sous les engins de démolition. Les images qu'il en reste sont finalement plus importantes pour le simenophile que les murs eux-mêmes… 

Murielle Wenger

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