Quand le romancier tentait de mettre son héros à la retraite
SIMENON SIMENON. L'ULTIMA INCHIESTA DEL COMMISSARIO
Quando il romanziere tentò di fare andare in pensione il suo eroe
SIMENON SIMENON. THE CHIEF INSPECTOR'S LAST INVESTIGATION
When the novelist was trying to put his hero in retirement
On se souvient qu'en 1934, Simenon décidait d'abandonner le commissaire pour se consacrer à l'écriture de romans sans Maigret. En 1933, il avait écrit une dix-huitième aventure pour son héros, L’Écluse no 1, roman dans lequel Maigret se trouvait à une semaine de prendre la retraite. Le romancier avait imaginé que ce serait la dernière enquête du commissaire, et il s'était mis à écrire des « romans durs » pour Fayard, ainsi que les premiers qu'il donna à Gallimard. Ce n'est que sur l'insistance des lecteurs qu'il accepta de faire revivre encore une fois son personnage, et qu'il rédigea Maigret, roman où le commissaire à la retraite reprenait du service pour venir au secours de son neveu qui s'était fourré dans une sale histoire. Le roman parut en feuilleton dans Le Jour, avec un avertissement de Simenon, qui jurait que c'était la dernière fois qu'il mettait son héros en scène. Il tint parole… pendant deux ans et demi. Une période au cours de laquelle il voyagea beaucoup, prenant toutefois le temps de rédiger des romans, dont plusieurs s'inspiraient de ses récents périples.
En automne 1936, cependant, il accepta d'écrire une série de nouvelles pour Paris-Soir, dans lesquelles il remettait Maigret en activité. Neuf nouvelles où on retrouvait le commissaire dans ses œuvres, installé dans son bureau du Quai des Orfèvres, ou menant une investigation hors de la capitale. Et en 1938, Simenon rédigeait une nouvelle série de dix nouvelles, cette fois pour le magazine Police-Roman/Police-Film. Comme l'a écrit Francis Lacassin, le romancier imaginait probablement que ces nouvelles resteraient « enfouies dans le cimetière des journaux d'avant-guerre » ; mais elles furent appelées à une vie prolongée puisque, sur l'insistance de Gallimard, dix-sept de ces nouvelles furent publiées, en 1944, dans le volume Les Nouvelles Enquêtes de Maigret.
On peut croire à la sincérité de Simenon lorsqu'il affirmait, en 1934, qu'on ne l'y reprendrait plus à écrire un roman policier avec Maigret pour héros. En témoigne cette interview parue en septembre 1935 dans le journal Le Petit Parisien, dans laquelle le romancier avait ces mots : « Maigret, je l'ai mis définitivement à la retraite. Ne croyez pas que le roman policier tenait à moi par des liens nécessaires. C'est une forme que j'ai choisie, que j'ai voulue, parce qu'elle m'offrait le seul moyen […] de me faire la main. […] Quand j'ai su faire tenir quatre ou cinq personnages dans un bouquin, j'ai mis Maigret à la retraite. Ce sont mes livres actuels. Je les trouve trop courts, avec trop peu de monde. Je sais ce qui me reste à apprendre. Je le ferai. »
Ce qu'on peut encore noter, c'est que parmi la seconde série de nouvelles, les quatre premières sont des enquêtes que Maigret mène alors qu'il est en activité à la P.J., alors qu'il investigue en retraité dans les cinq dernières. Entre les deux, la nouvelle L’Étoile du Nord, dans laquelle le commissaire est à deux jours de la retraite. On peut faire un parallèle entre cette nouvelle et le roman L’Écluse no 1 ; dans celui-ci, Maigret évoque sa retraite en se disant qu'il « avait vraiment envie de campagne, de quiétude, de lecture. Il était fatigué. », mais il ressent tout de même de la mélancolie, et surtout il ne peut s'empêcher de mener son enquête avec un certain plaisir ; Simenon montre que son héros a de la difficulté à quitter son ambiance habituelle d'investigateur. Dans la nouvelle, Maigret « n'avait jamais pensé avec impatience à la retraite. O, voilà que, à quarante-huit heures de la liberté, il […] comptait les heures, ne cessait d'évoquer la maison des bords de la Loire » ; mais là aussi, il ne pourra résister à l'appel d'une nouvelle enquête à embrayer. Voilà pourquoi il accepte aussi facilement les sollicitations de ceux qui viennent à Meung-sur-Loire lui demander de s'occuper d'une affaire, alors qu'officiellement il n'en a plus le droit. Parce que son métier lui colle à la peau…
Murielle Wenger
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