lunedì 28 marzo 2016

SIMENON SIMENON. LES CAVES DU MAJESTIC EN FEUILLETON DANS LE JOURNAL MARIANNE

Pourquoi et comment Simenon se remet à écrire des romans sur Maigret en 1940

SIMENON SIMENON . ISOTTERRANEI DEL MAJESTIC A PUNTATE SUL GIORNALE MARIANNE
Perche e come Simenon si rimette a scrivere dei romanzi su Maigret nel 1940

SIMENON SIMENON: THE CELLARS OF THE MAJESTIC AS SERIAL IN  THE NEWSPAPER MARIANNE
Why and how Simenon goes back to writing novels about Maigret in 1940
Depuis les nouvelles parues en 1938-39 dans le journal Police-Film/Police-Roman, Simenon n'a plus publié d'enquêtes de son commissaire; il veut dorénavant se consacrer à une nouvelle étape en littérature, en tant que romancier faisant partie de l'écurie Gallimard…
Ce dernier insiste déjà depuis un certain temps auprès du romancier pour qu'il écrive à nouveau des Maigret, parce que ceux-ci ont toujours rapporté plus que les romans "durs" (ayant fait ses comptes, Gallimard découvre que les romans qu'il publie se vendent en moyenne à 15000 exemplaires, alors que les Maigret chez Fayard en étaient à 25000…). Simenon refuse toujours, estimant avoir tourné la page avec Maigret. En novembre-décembre 1939, l'éditeur et le romancier échangent des courriers pour trouver une nouvelle idée de publication avec des textes sur Maigret. Simenon a dû s'y résoudre, car la guerre est arrivée, avec son cortège d'ennuis et de restrictions, et il se rend compte qu'il a besoin de "faire bouillir la marmite", comme il l'écrit à Gide et à Gallimard. Il propose à celui-ci le lancement d'une collection mensuelle à l'instar de ce qu'il avait fait avec Fayard, mais l'idée ne tient pas la route: Simenon lui-même ne se voit plus accomplir "l'exploit sportif" qu'il avait fait au début des années trente, et Gallimard n'imagine pas pouvoir éditer un livre tous les mois. On renonce donc au projet, mais Simenon s'est quand même mis au travail, et en décembre 1939, il écrit un texte pour son héros, non sous forme de nouvelle, mais cette fois c'est un roman, Les caves du Majestic. En attendant une potentielle édition chez Gallimard, Simenon publie le texte dans l'hebdomadaire Marianne.
Ce journal, qui porte fièrement en titre "L'hebdomadaire de l'élite intellectuelle française et étrangère", a été lancé en 1932 par Gaston Gallimard, qui l'a revendu en 1937. Dès les débuts du journal, Simenon lui a apporté ses contributions: en 1933, trois nouvelles signées de sa plume y ont paru: La nuit des 7 minutes, Le grand-Langoustier et L'énigme de la Marie-Galante, sous le titre "La Croisière invraisemblable". Trois romans y ont été publiés en préoriginale: Le locataire en 1933-34, Faubourg en 1936 et Le Coup de Vague en 1938-39. C'est aussi pour ce journal que Simenon écrit trois reportages: en 1934 Mare Nostrum ou La Méditerranée en goélette, en 1935 En marge des méridiens, récits sur son voyage autour du monde, et en 1937, Long cours sur les rivières et les canaux.
C'est donc dans ce journal que Simenon, en 1940, va faire paraître son dernier roman en date sur Maigret. Un "battage publicitaire" est organisé dès le 6 mars, avec en une ce slogan "Prochainement Marianne publiera une œuvre sensationnelle de Georges Simenon: Les caves du Majestic"; le 13 mars, on remet ça: "Prochainement vous lirez dans Marianne Les caves du Majestic, un roman policier qui est indiscutablement l'œuvre la plus puissante de Georges Simenon"; le 20 mars, on annonce: "Dans quelques semaines: Les caves du Majestic l'angoissant roman policier de Georges Simenon"; le 27 mars: "Georges Simenon, le maître des énigmes policières, a écrit Les caves du Majestic, un roman que Marianne publiera bientôt"; le 4 avril: "Le plus étrange roman policier de Georges Simenon: Les caves du Majestic sera publié par Marianne dans quelques semaines"; le 10 avril: "Les caves du Majestic, l'angoissant roman policier de Georges Simenon, commencera dans Marianne le 24 avril"; et le 17 avril: "Dans notre prochain numéro commencera l'étrange roman policier de Georges Simenon: Les caves du Majestic".
Et c'est donc finalement le 24 avril que débute la publication en feuilleton, sur une demi-page (voir ici: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76448837/f9). Les épisodes suivants sont publiés régulièrement chaque semaine jusqu'au 12 juin. Après la débâcle de juin 1940, le journal "s'exile" à Lyon, et ne reprend sa publication que le 17 juillet, son titre étant désormais "l'hebdomadaire de l'idéal et de l'intérêt français". Le feuilleton de Simenon continue d'y être publié, et il occupe dorénavant une page entière. Les bibliographies simenoniennes restent vagues sur la date de la dernière parution, mentionnant un hypothétique mois d'octobre, mais, à notre connaissance, le journal a cessé de paraître en août 1940, et le dernier numéro qu'on trouve sur le site Gallica est celui du 28 août, dans lequel le feuilleton est arrivé au milieu du chapitre 8 du roman. Il est donc probable, à moins que d'éminents chercheurs puissent nous apporter des renseignements différents sur le sujet, que les lecteurs du journal ne connurent pas la fin de l'histoire… et durent l'attendre jusqu'en 1942, quand le texte parut chez Gallimard dans le recueil intitulé Maigret revient… 

Murielle Wenger

domenica 27 marzo 2016

SIMENON SIMENON. AUGURI DA UOVO CON PIPA? - VOEUX PAR OEUF AVEC PIPE? - WISHES FROM EGG WITH PIPE?

"Ceci n'est pas une pipe"... Già questa sono degli auguri per uovo e pipa.
L'uovo simbolo delle festività pasquali. La pipa un simbolo che accumuna Simenenon e Maigret. Questa immagine oggi è realizzata con le parole. Quelle parole che ci consentono di comunicare quotidianamente con voi, nostri lettori
e visitatori e che oggi si riuniscono a formare l'immagine di un ovale... un uovo?... un volto?... E poi altre parole danno forma ad un pipa. Un agurio sicuramente "atipico", ma contiamo che chi segue questo blog ne apprezzi il significato. 

ET SI LES VOEUX DE PÂQUES ARRIVENT PAR UN "OEUF" AVEC PIPE?

"Ceci n'est pas une pipe" ... En fait, ce sont des voeux pour œuf et pipe. L'œuf symbole des vacances de Pâques. La pipe est le symbole qui unit Simenon et Maigret. Les mots réalisent aujourd'hui cette illustration. Ce sont les mêmes mots qui nous permettent de communiquer quotidiennement avec vous, lecteurs et visiteurs de Simenon-Simenon, et mots qui aujourd'hui se rassemblent pour former l'image d'un ovale ... un œuf? ... un visage? ... Et puis d'autres mots donnent forme à une pipe. Ce sont certainement des souhaits «atypiques», mais nous espérons que ceux qui suivent ce blog en apprécieront la valeur.

AND IF EASTER'S WISHES COME FROM AN "EGG" WITH PIPE?
"Ceci n'est pas une pipe" ... In fact they are wishes for egg and pipe.
The egg symbol of the Easter holidays. The pipe symbol that unites Simenon and Maigret. The words now make up the design. They are the same words that allow us to communicate daily with you readers and visitors and that today gather to form the image of an oval ... an egg? ... A face? ... And then other words give shape to a pipe. These are certainly "atypical" wishes, but we hope that those who follow this blog will appreciate the significance.

sabato 26 marzo 2016

SIMENON SIMENON. PORTRAIT DE MAIGRET SELON LES QUATRE ELEMENTS

Le texte propose un petit portrait de Maigret, dans sa façon d'être et de mener une enquête.

SIMENON SIMENON. A PORTRAIT  OF MAIGRET ACCORDING TO THE FOUR ELEMNTS 
The text proposes a little portrait of Maigret, in his way of being and leading an investigation

SIMENON SIMENON. UN RITRATTO DI MAIGRET SECONDO I QUATTRO ELEMENTI 
Si tratta di un piccolo ritratto di Maigret, nel suo modo di essere e di condurre un'inchiesta (di indagare)



 


Maigret est un homme de la terre: il a les pieds bien ancrés dans son terroir français, que ce soit l'Allier de ses origines ou les trottoirs parisiens; physiquement, il se campe, planté tel un roc, un bloc massif et inébranlable; à ses heures, il est jardinier, retrouvant le contact avec la terre nourricière; culinairement, il aime les plats roboratifs, pleins des odeurs originelles des produits, mais aussi les petits vins blancs dont il peut déceler la provenance provinciale; moralement, il use de son bon sens, cherchant des vérités derrière des faits; dans ses enquêtes, il se rend sur les lieux où ont vécu victimes, témoins ou coupables, persuadé que l'être humain est influencé par son milieu et les endroits où il passe sa vie.

Maigret est un homme de l'air: il sait que les indices matériels n'expliquent pas tout, et qu'il faut aussi déceler la part de l'inconscient chez l'être humain; dans ses enquêtes, il ne se contente pas des indices matériels, mais il utilise aussi les rêves, les rêveries et les somnolences, lorsqu'il se perd dans les volutes de fumée qui s'échappent de sa pipe; c'est un flâneur, le nez en l'air à humer les odeurs des rues et des bistrots, le regard perdu dans les couleurs de la Seine, des petits matins ou des couchers de soleil flamboyants, l'oreille à l'affût de la musique des péniches passant sous les ponts.

Maigret est un homme de l'eau: littérairement né sur un bateau ou une barge abandonnée, sur un canal hollandais ou une berge des bords de Seine, il est attiré par le monde de l'eau, que ce soit les péniches, les canaux et les fleuves, ou la mer; parfois, il se laisse aller au courant de ses ruminations, se laisse emporter par le flot de pensées informes, tout cela pour remonter à la source de la vérité. 

Maigret est un homme du feu: il a besoin de sa pipe, son brûle-gueule, plein de tabac à consumer, mais aussi de son poêle bourré de charbon; poêle et pipe sont comme des machines à feu qu'il s'agit d'alimenter pour mettre en branle réflexions et interrogatoires; gustativement, il aime l'alcool qui met le gosier en flammes, armagnac, cognac ou grog qui réchauffent le corps et l'âme. 

Murielle Wenger

venerdì 25 marzo 2016

SIMENON SIMENON. LA SFORTUNA DI NON ESSERE MAIGRET


Lognon: un poliziotto scontroso, non molto simpatico ai colleghi, ma stimato da Maigret per le sue capacità investigative. 

SIMENON SIMENON. LA MALCHANCE DE NE PAS ETRE MAIGRET
Lognon: un policier ombrageux, pas très sympathique aux yeux de ses collègues, mais estimé par Maigret, pour ses capacités d'investigation. 

SIMENON SIMENON. THE BAD LUCK OG NOT BEING MAIGRET
Lognon: an ill-tempered poiiceman, not likeable to his colleagues, but valued by Maigret for his investigative abilities

Nel panorama dei poliziotti parigini, che agiscono attorno alla figura di Maigret, più o meno distanti, ce n’è uno alquanto umorale e scostante, che non gode di grandi simpatie da parte dei propri colleghi. Si tratta dell’ispettore Lognon, variamente definito: lo sfortunato, lo scortese, lo scorbutico ecc.
C’è da dire, effettivamente, che Lognon – il quale non appartiene alla brigata diretta dal commissario Maigret –, sfortunato lo è veramente, se non altro in famiglia, dov’è dominato dalla moglie Solange, quasi sempre ammalata, brontolona e critica nei suoi confronti, qualsiasi cosa egli faccia.
A Lognon, il più delle volte, sembra di avere vicino non l’amorevole né comprensiva compagna di un tempo, ma una lagnosa e bisbetica e acida Santippe.
Come può, dunque, il nostro ispettore, soprattutto per questo motivo, non sentirsi immensamente sfortunato? E come può la sfortuna, che sembra perseguitarlo in modo incredibile, “non renderlo assai diffidente come un cane abituato a essere preso a pedate”?
Quando rincasa, dopo una lunga, estenuante giornata trascorsa nell’adempimento scrupoloso del proprio dovere, Lognon, che aspirerebbe a null’altro che a un po’ di riposo e tranquillità, deve invece accudire, proprio come una massaia infaticabile, a tutte le faccende domestiche, per la perenne indisposizione fisica – talvolta seria – di sua moglie.
Subito dopo la brillante conclusione del caso Goldfinger, il commissario Maigret, soddisfatto per aver egli stesso contribuito con molta efficacia allo smascheramento dell’assassino, si rivolge a Lognon in questi termini:
«Lei ha vinto la partita, vecchio mio, e contro gente parecchio scaltra… Se mi permette d’invitarla a cena, questa sera, da Manière…»
«Purtroppo…»
«Purtroppo, cosa?»
«Purtroppo mia moglie, signor commissario, sta di nuovo male, e quindi…»
Povero Lognon!
Si può essere più sfortunati di così?
E i colleghi che lo deridono – seppur tra di loro o tacitamente –, che gli hanno appioppato quei vari nomignoli irriguardosi, ingiusti, non conoscono affatto il dramma che l’ispettore vive ogni giorno. Se lo conoscessero, sicuramente lo apprezzerebbero meglio e di più, perché Lognon, come sa bene il commissario Maigret, “è un’ottima persona, in fondo, il più solerte e coscienzioso degli ispettori, tanto coscienzioso da apparire a volte insopportabile”. 

Paolo Secondini

giovedì 24 marzo 2016

SIMENON SIMENON. THE BLUE ROOM: THE MOVIE AND THE BOOK

How the movie does not live up to Simenon’s book.

SIMENON SIMENON. LA CHAMBRE BLEUE: LE FILM ET LE LIVRE 
Comment le film n’est pas à la hauteur du livre de Simenon. 
SIMENON SIMENON. LA CAMERA BLU: IL FILM E IL SUO LIBRO  
Perché il film non è all'altezza del romanzo di Simenon.
The release (2014) of The Blue Room movie stimulated me to read the original (1963) La Chambre bleue novel before watching the film. As a matter of fact, I recently repeated this sequence. Beyond my interest in most things Simenon, I was curious to compare the two because I’m still looking for a movie that accurately reproduces a book. Why moviemakers change things the way they do, including wholesale alterations in plots, especially the denouements, flabbergasts me. My theory? They consider themselves independent artists and, also, they know that movie studios have to produce what moviegoers want to be successful.
Simenon’s book is a thought provoking mystery about passion and murder and guilt. Its construction is clever and intricate. Flashbacks to the opening scenes and fast forwards to the criminal processes are interspersed within the chronological descriptive narrative. Reanalysis of events is the rule. The reader knows right away that crimes occurred, guesses gradually about their nature, but only learns at the end what they actually were. Within my world of Simenon, the book gets an A.
On the other hand, within my world of movies, the film gets a B+. It does a good job with the characters and plot. It meets the challenge of making the flashbacks and fast forwards understandable through dialogue and visuals alone—without the spoon-fed explanatory text that benefits novels. However, numerous inaccuracies tend to diminish the film. Too many changes stand out. A few are logical, but a lot are inexplicable.
To make the point, the title should really be The Blue Bedroom. Sexual activity in bed is fundamental to the story, and bedroom is the most common translation of chambre. (To be fair, the book’s English version made and has maintained the same inaccuracy since 1964.) What is more, the major characters get new names, like Tony becoming Julien and Andrée becoming Esther. The secret signal for the lovers, the pink-bordered white towel in the window, turns all red, which is most unfortunate since Simenon’s handling of color is a tour de force in the book. Indeed, even the blue room is barely blue! The grocery store transforms into a pharmacy, substantially converting multiple crucial plot components for the worse. Does one order fruit preserve from a drugstore? Handwritten ‘anonymous’ letters, all four of which are importantly and ironically evidential as noted by the postman in the book, take on other forms in the film, such as a glued-up collage stuck under a windshield wiper. Even if updating to modern cars and trains and farm equipment is logical and appropriate, adding digital images from smart phones to the pot is not.
In sum, the bad news is the movie’s accuracy comes up short, but the good news is the overall dramatization does not disappoint.
David P. Simmons

mercoledì 23 marzo 2016

SIMENON SIMENON. LE CHIEN JAUNE DE MARS

Anecdotes de tournage sur le film Le chien jaune

SIMENON SIMENON. IL CANE GIALLO IN MARZO
Aneddoti di riprese sul film Il cane giallo

SIMENON SIMENON. THE YELLOW DOG IN MARCH
Anecdotes about shooting The Yellow Dog movie 
Au lendemain du tumultueux Bal anthropométrique, et en attendant les retombées positives sur la vente des deux premiers romans de la collection Maigret chez Fayard, Simenon se retire "à la campagne", à Guigneville-sur-Essone, au sud de Paris, et s'installe au "château-hostellerie" La Michaudière. Comment se sent Simenon en ce mois de mars 1931 ? Déjà assuré du succès que va remporter le troisième volume, Le charretier de la Providence (une publicité, dans un journal de l'époque, annonce, le 25 mars: "Après Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien qui remportèrent un brillant succès, déchaînant l'enthousiasme des lecteurs, parait Le charretier de la Providence. Trois romans en un mois, tel est le record. Jusqu'où ira-t-il ?"), ou encore incertain d'être sur la bonne voie ? En tout cas, rien ne l'empêche de relever le défi, et il va écrire à La Michaudière les deux prochains livres de la série, Le chien jaune et La nuit du carrefour, le premier en mars 1931 et le second en avril.
L'action de Le Chien jaune est située à Concarneau, la ville où le romancier avait passé l'hiver précédent à écrire les textes qu'il devait à Fayard (nous en avons parlé sur ce blog le 2 mars dernier).Dans les descriptions des lieux que fait Simenon, on sent bien que ses souvenirs sont tout frais, et l'évocation est presque l'équivalent d'un reportage: la tempête de novembre qui secoue les bateaux dans le port, l'hôtel de l'Amiral aux vitraux verts, les rues de la ville close… Le décor est tellement partie prenante de l'action que lorsque se décidera une adaptation cinématographique du roman, le cinéaste Jean Tarride partira en repérage à Concarneau.
Le roman est sorti en librairie en avril 1931, et en octobre déjà est signé un contrat pour les droits cinématographiques; Simenon participera au travail sur le scénario et les dialogues. Jean Tarride choisit, pour interpréter le rôle de Maigret, son père Abel Tarride, comédien connu alors surtout au théâtre. Les intérieurs sont filmés en studio, mais les scènes extérieures sont tournées sur les lieux mêmes de l'action du roman.
Au mois de mars 1932, l'équipe de tournage part à Concarneau. Le journal L'Intransigeant envoie sur place un reporter, et publie un article le 12 mars, dont voici quelques extraits: "Depuis une semaine, les huit mille habitants de la ville vivent dans l'effervescence. Ils passent leur temps dehors, arpentent le port et la place du marché […]. Jean Tarride […] a installé au Grand-Hôtel son état-major. […] Après avoir rencontré quelque hostilité de la part des personnages concarnois qui se sont reconnus – caricaturés – dans le roman, toutes les libertés ont finalement été accordées aux «gens du cinéma». Derrière l'hôtel, il y a une petite ruelle […] dont l'importance est capitale dans le roman et dans le film. Pour des besoins stratégiques, il fallait qu'un bec de gaz en éclairât le coin. On en transporta un, arraché à dix mètres de là, et on le mit à l'endroit où le scénario l'exigeait. Pendant les scènes de nuit, on devait prendre l'horloge du beffroi […] à une heure du matin. On tourna cela vers dix heures du soir; l'horloge fut mise à une heure… […] Et comme la sonnerie avait été déréglée à la suite de l'opération, on entendit sonner le lendemain […] les heures les plus fantaisistes ! […] Rosine Deréan (l'actrice qui interprète Emma, ndlr) […] lorsqu'elle ne tourne pas, […] fait des réussites. […] Abel Tarride fume philosophiquement sa pipe, un indéfinissable sourire de Bouddha en suspens sur ses lèvres. […] Les clients de l'hôtel ne trouvent plus une chaise: le cinéma […] s'est emparé de la place ! Au milieu de tout ce branle-bas de combat, le magnifique berger allemand Whisky promène sa carrure d'athlète-chien. C'est lui le chien jaune. Il est doux, obéissant. […] Il regarde Rosine Deréan tenter sa quarante-quatrième réussite depuis le matin…"
Pour la petite histoire, mentionnons que le patron du Grand-Hôtel, en 1936, demandera à Simenon la permission de débaptiser son établissement pour lui donner le nom de l'Hôtel de l'Amiral, comme dans le roman, et c'est le nom qu'il porte toujours aujourd'hui…
A la fin mars, l'équipe cinématographique vient tourner les scènes d'intérieur aux studios de Billancourt. Cette fois, c'est un reporter du journal Paris-Soir qui se rend sur place: "Parmi les «spots» et les sunlights, on distingue une vaste salle de café de province. Les «intérieurs» de l'hôtel de l'Amiral à
Concarneau ont été hâtivement dressés. […] Au pied d'un escalier, Robert Lepers (qui interprète le rôle de l'inspecteur, ndlr) se penche avec sollicitude sur un nid de paille. On m'explique: Whisky, le chien jaune, a été blessé par les paysans et Deréan et Lepers le soignent ! Ah ! oui; mais où est Whisky ! Il n'est plus au studio, il dort ! […] Abel Tarride questionne: "J'entre avec ma pipe ou sans ma pipe ?"…
Le film sortira en juillet 1932, et n'aura pas le succès escompté, pas plus que celui de La nuit du carrefour, dont nous reparlerons bientôt… 

Murielle Wenger