SIMENON SIMENON. 21 APRIL 1932: THE PREMIERE OF THE FILM "THE NIGHT AT CROSSROAD"
The text briefly recounts the film's genesis and evokes the reactions to its first screening
SIMENON SIMENON. 21 APRILE 1932: LA PRIMA DEL FILM "LA NOTTE DELL'INCROCIO"
Si parla della genesi del film e delle reazioni dopo la prima proiezione
En août 1931, après être passé par Deauville pour une séance de dédicaces, Simenon est allé amarrer son bateau l'Ostrogoth à Ouistreham, où il va rester jusqu'en octobre, le temps d'écrire La danseuse du Gai-Moulin et La guinguette à deux sous. Un beau jour, il voit une Bugatti s'arrêter devant son bateau. C'est Jean Renoir qui en descend: il vient de lire La nuit du carrefour, il est enthousiasmé et veut absolument en acheter les droits au romancier, pour en faire un film. Comme l'écrit Simenon dans une de ses Dictées: "On n'en était qu'aux premiers Maigret publiés. (9 avaient déjà paru, ndlr). Personne ne m'avait proposé de les adapter pour le cinéma. Mon cœur battait très fort. […] Pour être adapté par Jean Renoir, que j'admirais […], je lui aurais donné volontiers les droits pour rien. […] Sans les demander, j'avais reçu des droits très substantiels: cinquante mille francs", ce qui représenterait près de 3 millions d'euros actuels. Simenon se lie d'amitié avec Jean Renoir, avec qui il va travailler sur l'adaptation pour le film, alors que le romancier s'est installé dans une villa d'Antibes au cours de l'hiver suivant.
Le journal Paris-Soir, dans sa rubrique cinématographique du 17 janvier 1932, évoque le début de tournage du film, et les communiqués publicitaires se multiplient dans la presse dès le mois de mars. Le film est annoncé pour la première quinzaine d'avril. Le 16 avril (et non le 14 comme on le trouve parfois indiqué par erreur; prue e à l'appui: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76396365/f6), Paris-Soir publie un texte de Simenon, qui raconte ses impressions après le premier visionnement du film, et en particulier son émotion en découvrant Pierre Renoir dans le rôle de Maigret.
Le 21 avril a lieu la première au théâtre Pigalle. Comme le dit Pierre Assouline, "la dimension poétique du film échappe au public." On ne saura peut-être jamais ce qui s'est vraiment passé: selon les uns, il manque des pages dans le script du scénario, et personne ne s'en est aperçu pendant le tournage; selon les autres, deux bobines du film ont été égarées; pour d'autres encore, dont Simenon, toutes les scènes n'ont pu être tournées par la faute des producteurs qui n'ont pas avancé les ressources financières promises… Mais ce que le film perd en clarté, il le gagne en poésie, et encore aujourd'hui, certains le considèrent comme la meilleure adaptation qui ait été faite d'un roman Maigret… C'est sûrement avec ce film que s'est répandu le "mythe de l'atmosphère" de Simenon, avec les images de ce carrefour noyé "dans un océan de brouillard, de pluie et de boue", comme l'écrit Renoir lui-même (cité par Assouline). Soit dit en passant, si le film se passe sous la pluie et dans la nuit, le roman, lui, s'il connaît des scènes nocturnes, baigne en réalité dans une claire atmosphère d'un avril printanier et plein de chants d'oiseaux…
Un dernier point à noter: alors qu'il est dit, dans la plupart des textes consacrés à ce film, que ce fut un échec commercial, et que l'accueil de la critique fut plutôt sévère, en réalité on peut trouver plusieurs articles positifs dans la presse de l'époque. Toujours en remontant aux sources (dans l'incontournable site des archives de la bibliothèque nationale française), j'ai découvert plusieurs de ces articles, dont voici quelques extraits:
"Ce film qui vaut surtout par l'atmosphère, le rythme, l'action rapide, a été parfaitement réalisé. Il présentait de nombreuses difficultés qui ont été surmontées grâce au talent du metteur en scène et au jeu excellent des artistes." (Ric et Rac, 23 avril); "[on] nous a présenté un film policier particulièrement réussi, au scénario animé, à la réalisation et à la photographie de bonne qualité, et à l'interprétation d'une remarquable sobriété." (Hebdo-film, 23 avril)
Et pour les critiques plus réticents, la plupart soulignaient quand même le travail des interprètes principaux: Pierre Renoir en Maigret: "[il] possède une physionomie impénétrable où luisent deux yeux interrogateurs, son jeu mesuré assure beaucoup de puissance à sa composition" (Le Journal, 22 avril), et Winna Winfred en Else: "séduisante et énigmatique danoise qui apporte tant de vérité et de passion contenue dans ses attitudes" (ibid.)
En conclusion, il vaut la peine de revoir ce film pour se faire sa propre opinion, d'autant qu'on le trouve dorénavant en DVD !