martedì 11 febbraio 2020

SIMENON SIMENON. UNE ANNÉE CHARNIERE

Février 1972 – février 1973 : du romancier au mémorialiste 

SIMENON SIMENON. UN ANNO CARDINE 
Febbraio 1972 - Febbraio 1973: dal romanziere al memorialista
SIMENON SIMENON. A PIVOTAL YEAR 
February 1972 - February 1973: from novelist to diarist 

Le 11 février 1972, Simenon écrivait les dernières lignes de Maigret et Monsieur Charles. Depuis des années, la machine était bien huilée : 3 à 4 romans par an, souvent avec une alternance entre les romans Maigret et les romans durs. C’est ce qui s’était passé l’année précédente, en 1971 : un Maigret en février, un roman dur en mars, un Maigret en juin et un roman dur en octobre. L’année 1972 semblait donc pouvoir démarrer selon le même principe. Pourtant, il y eut déjà un premier signe que quelque chose se grippait : depuis février, le romancier ne se remit pas au clavier pendant plus de six mois… Dans ses Mémoires intimes, Simenon explique que c’est peut-être parce que ses « soucis de ces dernières années pèsent tout à coup sur [lui] d’un poids douloureux. » Il évoque aussi ses problèmes de santé et le « harcèlement » dont Denyse le poursuivait… 
En septembre, enfin, il s’installait à son bureau, préparait l’enveloppe jaune d’un nouveau roman, y inscrivait quelques noms de personnages, leurs coordonnées, et un titre, Victor. Mais le déclic ne se produisit pas. Il essayait un premier jet, le raturait, et le lendemain, après avoir tenté en vain de reprendre le fil, il décidait de renoncer définitivement à écrire des romansComme Pierre Assouline le souligne, il n’y avait pas que les raisons de santé et les problèmes familiaux : « Ses épaules ne sont plus assez puissantes pour porter un monde. Il n’a plus la force d’être l’esclave de ses personnages. » 
Le cadre où il avait passé ses dernières années de romancier lui était devenu étranger, et la décision fut prise de quitter Epalinges : à fin octobre déjà, il s’installait dans un appartement d’un immeuble lausannois. 
Et, à peine une année après avoir terminé son dernier roman, il devint officiellement « sans profession », la mention qu’il faisait établir sur son passeport, après avoir fait rayer celle de « romancier ». Après plus de quarante d’écriture de romans sous patronyme, il ne lui avait fallu qu’une petite année pour faire le grand saut et prendre une décision définitive. Plus de romans où il décortiquait « l’homme nu », plus d’histoires où il se mettait dans la peau des autres. Dorénavant, il ne voulait plus qu’être lui-même… et se taire… Se taire ? En fait, il allait vite réaliser qu’il en était incapable. Il avait besoin de raconter. De se raconter. 
Le 13 février 1973, il fêtait ses 70 ans. Se sentait-il un vieil homme ? Un homme en tout cas qui avait beaucoup vécu, et qui éprouvait encore la nécessité de communiquer. De parler. Pour son anniversaire, il s’acheta un magnétophone et commença à dicter. Des pensées, des souvenirs, des aveux plus ou moins sordides. Des coups de colère et des émotions. Savait-il déjà que ces dictées seraient publiées un jour ? Quand il commença la première, il affirma que non. On peut le croire, et on ne sait trop ce qui le décida à faire éditer ces 21 dictées, si ce n’est, sans doute, que son besoin d’être en contact avec des lecteurs devait être plus fort que tout… 
Aujourd’hui, il existe deux positions parmi les simenoniens : ceux qui rejettent ces dictées parce qu’elles feraient comme une tache sur l’œuvre ; et ceux qui considèrent ces textes comme le troisième pan de l’œuvre simenonienne, à côté des romans Maigret et des romans durs. C’est vrai, comme l’a écrit un critique, que ces dictées n’apportent rien à la gloire de Simenon, et c’est vrai aussi, comme l’a dit un autre exégète, que Simenon a dit l’essentiel dans ses romans ; mais, avec le recul, on peut aussi trouver dans les dictées des éléments qu’on peut relier à l’œuvre et à la biographie de Simenon, et y découvrir de quoi comprendre mieux, sinon le romancier, du moins l’homme. 
En à peine douze mois, une année charnière, Simenon était passé du statut de romancier à celui de mémorialiste : il avait réussi un passage de la ligne, un de plus – et pas le dernier – dans sa longue vie mouvementée… 

Murielle Wenger 

Nessun commento:

Posta un commento

LASCIATE QUI I VOSTRI COMMENTI, LE VOSTRE IMPRESSIONI LE PRECISAZIONI ANCHE LE CRITICHE E I VOSTRI CONTRIBUTI.