A propos de la retraite du commissaire et de sa maison des bords de Loire
SIMENON SIMENON. SIMENON E MAIGRET A MEUNG
A proposito del pensionamento del commissario e della sua casa nella valle della Loira
SIMENON SIMENON. SIMENON AND MAIGRET AT MEUNG
About the Chief Inspector's retirement and his house in the Loire Valley
Au printemps 1933, Simenon était prêt à franchir une nouvelle étape en littérature. Fayard avait déjà publié dix-sept de ses romans Maigret, et quatre romans sans le commissaire. Le romancier venait de rentrer de longs voyages, qui l'avaient mené de l'Afrique aux confins de l'Europe. Il lorgnait aussi du côté d'un nouvel éditeur, et il sentait qu'il avait besoin de quitter cette étiquette d'auteur de romans policiers qui lui collait si bien au clavier… Maigret commençait à devenir encombrant, et Simenon songeait à s'en débarrasser… Mais comment ?...
Une solution aurait été de le faire mourir de sa belle mort; une arrestation qui se terminait dans un bain de sang, ou un accident au cours d'une filature, et le tour était joué: le commissaire Jules Maigret rejoignait le tableau des policiers morts dans l'exercice de leur fonction, et les visiteurs de la salle d'attente de la PJ verraient sa photographie parmi les autres visages de ces héros…
Oui, mais ce n'était peut-être pas si facile de se séparer de Maigret. D'abord, le romancier était-il si assuré que cela de pouvoir se passer de son meneur de jeu ? Et qu'est-ce qui prouvait que les romans plus "littéraires" qu'il voulait écrire seraient tout autant appréciés des lecteurs ? Et puis, après tout, il l'aimait bien, ce commissaire bourru qui lui avait apporté la gloire… et de solides ressources financières… Alors, une autre solution était de l'envoyer simplement à la retraite. On prenait quelques années d'avance sur le programme, et Maigret allait s'établir sur les bords de la Loire pour taquiner le goujon et cultiver des tomates…
Au chapitre 5 de L'écluse no 1, on apprend que Maigret, "bien qu'encore loin de la limite d'âge, a demandé et obtenu sa mise à la retraite". C'est donc là qu'apparaît pour la première fois ce thème de la retraite du commissaire, qui a acheté à cette fin une "bicoque [sur les] bords de la Loire", qui se trouve "entre Meung et Tours". Dans le roman suivant, Maigret, la maison est située expressément à Meung, et c'est là qu'elle sera définitivement fixée pour la suite de la saga. On apprendra des détails sur cette maison dans les romans où Maigret est à la retraite, et dans ceux où celle-ci est évoquée comme une perspective plus ou moins proche.
Pourquoi la Loire comme lieu de retraite ? Ou pourquoi pas, après tout… Le fleuve ligérien remplaçait les méandres de la Seine, et on cultivait dans la région quelques bons crus qui rappelaient les petits vins blancs dégustés sur le zinc… Maigret devrait donc sans doute s'y sentir bien, assez bien pour ne pas trop regretter ses ambiances parisiennes.
Mais pourquoi précisément Meung-sur-Loire, dont on ne sait d'ailleurs pas avec certitude si Simenon lui-même y était allé. Il connaissait la région, pour y avoir séjourné au temps où il était secrétaire du marquis de Tracy. Le romancier aurait donc tout aussi bien pu fixer la maison de retraite de son commissaire à Sancerre ou dans n'importe quelle autre bourgade environnante… Michel Lemoine, dans son texte Simenon, La Loire et les fictions, paru dans les Cahiers Simenon no 12, note que la ville de Meung est extrêmement peu décrite dans la saga maigretienne: on y voit seulement la maison "campagnarde" de Maigret, le café où l'ex-commissaire va jouer aux cartes, et les rives du fleuve où il va pêcher. Comme Lemoine le remarque avec finesse, "le romancier a singulièrement épuré la ville en dehors de ce qui concerne les occupations du héros et il aurait tout aussi bien pu l'appeler Maigret-sur-Loire" !
Un dernier détail reste à mentionner: Meung-sur-Loire, ou du moins la maison de retraite qu'il y a imaginée pour son commissaire, semble avoir été pour Simenon une sorte d'endroit idéal, rêvé, pour sa propre retraite, comme l'a souligné Lemoine dans l'article déjà cité. Dans son texte autobiographique Quand j'étais vieux, le romancier évoque à plusieurs reprises ses propres aspirations à la retraite, se comparant à Maigret, et il se prend à "rêver à sa petite maison de Meung-sur-Loire, à ses fraisiers, à ses pommes en espalier, à ses poules sur le tas de fumier et à la pêche à la ligne." Rappelons aussi le rêve que Simenon décrit dans sa dictée Un homme comme un autre, rêve dans lequel il découvre l'image d'un paisible retraité, "Maigret, dans son jardin de Meung-sur-Loire". Et enfin, notons que si Les mémoires de Maigret étaient fictivement datés de Meung-sur-Loire, la lettre que Simenon écrit à Maigret pour son cinquantième anniversaire (http://www.trussel.com/maig/simletf.htm), en 1979, porte pour adresse "M. et Mme Maigret, Retraités, F - Meung-sur-Loire". Ou quand réalité et fiction se mêlent pour ne former plus qu'une seule légende…
Murielle Wenger
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