A propos de l'affaire Mestorino, souvent évoquée dans les romans de la saga
SIMENON SIMENON. UN FAMOSO INTERROGATORIO…
A proposito del caso Mestorino, spesso menzionato nei romanzi della serie
SIMENON SIMENON. A FAMOUS INTERROGATION…
About the Mestorino case, often mentioned in the Maigret novels
«Pourquoi, ce soir-là, pensait-il au plus long, au plus dur de tous ces interrogatoires, devenu presque classique dans les annales de la Police judiciaire, celui de Mestorino, qui n'avait pas duré moins de vingt-six heures ?» (Maigret à New York)
L'affaire Mestorino est évoquée à plusieurs reprises dans la saga maigretienne, mais ce que le romancier en a surtout retenu est ce fameux et très long interrogatoire qui mobilisa un grand nombre de policiers. Ce qui donne de la force à cette évocation, c'est que cette affaire et cet interrogatoire ont réellement existé, et qu'ils ne sont pas nés de l'imagination de Simenon.
C'est le commissaire Guillaume – l'un des modèles de Maigret – qui mena l'interrogatoire final de Mestorino. Guillaume, dans ses mémoires, publiées sous le titre Mes grandes enquêtes criminelles, raconte lui-même l'affaire Mestorino. Son récit nous servira de base pour retracer cette affaire en quelques lignes.
Le mercredi 29 février 1928, on découvrait, dans une forêt d'Ile-de-France, un corps humain ficelé dans un sac et carbonisé. On identifia le cadavre comme celui de Gaston Truphème, un courtier en bijoux, dont une parente avait signalé la disparition deux jours auparavant. Elle avait indiqué qu'au moment de son départ, Truphème avait sur lui pour cent trente mille francs de bijoux, ainsi qu'une traite de trente mille francs au nom de Charles Mestorino. Interrogé, celui-ci affirma qu'il avait payé la traite à Truphème le lundi matin.
Après l'enterrement de Truphème, Mestorino fut convoqué à la PJ en tant que témoin au sujet de l'assassinat. Manifestant beaucoup de chagrin suite au décès de son ami, Mestorino expliqua aux policiers que Truphème avait eu un rendez-vous le lundi avec des individus mystérieux, et qu'il s'était peut-être agi d'un guet-apens. Les policiers avaient laissé Mestorino partir, mais Guillaume n'était pas satisfait: «Il y avait tout dans la déposition de Mestorino: le pathétique, l'émotion, la tristesse, tout sauf la sincérité.» Guillaume continua son enquête, interrogea nombre de témoins, et découvrit que Mestorino connaissait des difficultés financières. Le commissaire décida de le convoquer à nouveau à son bureau.
On était le 14 mars. Guillaume était assisté, entre autres, de l'inspecteur Février et de son secrétaire Massu. Les policiers réussirent d'abord à faire admettre à Mestorino qu'il avait menti au sujet de la traite payée à Truphème: il affirma qu'il avait proposé à son ami de lui régler son dû le lundi soir, mais comme Truphème n'était pas revenu, il avait gardé l'argent. Mais cela ne suffisait pas à Guillaume, qui était persuadé que Mestorino avait assassiné Truphème. Le harcèlement continua, et, à un moment donné, se passa la scène que Simenon a raconté plusieurs fois dans ses romans; Guillaume écrit: «Tandis que [Mestorino] essayait de nous braver, la peur atroce qui lui tordait les entrailles venait de le trahir. Ce désordre pathologique était – si l'on peut dire – la signature du crime. On le conduisit aux lavabos.» Mais Mestorino continua à nier, puis, poussé à bout, il finit par avouer: Truphème était passé à son bureau le matin, et Mestorino lui avait demandé de revenir l'après-midi. Mais quand il était revenu, comme Mestorino ne pouvait pas le payer; une bagarre avait suivi, et Truphème en était mort. Mestorino fut condamné au bagne, où il mourut en 1930.
Simenon a-t-il eu des détails sur l'affaire de la bouche même de Guillaume ? C'est possible, dans la mesure où c'est dans ces années-là que le romancier fit la connaissance du commissaire, à l'invitation de Xavier Guichard, après la parution des premiers Maigret. En tout cas, lorsqu'en 1934, le romancier écrivit une série de reportages pour le journal Paris-Soir, intitulés En marge de l'affaire Stavisky: les coulisses de la police, il en consacra un à cette histoire: Un interrogatoire «à la chansonnette» ou comment le commissaire Guillaume fit avouer Mestorino. Il y détaillait la technique de l'interrogatoire, et la scène où Mestorino s'oubliait dans son pantalon ne manquait pas non plus.
Dans cet article, Simenon écrit que l'interrogatoire a duré dix-huit heures. Cette information de première main, si l'on peut dire, et très proche temporellement des événements, est plus véridique que les plus de vingt-quatre heures qui sont évoquées souvent dans la saga. Mais donner à cet interrogatoire une durée plus longue devait sans doute frapper davantage l'esprit des lecteurs…
Quant à Maigret, on le voit penser plusieurs fois à cet interrogatoire lors de ses enquêtes, car, bien entendu, d'après Simenon, le commissaire avait aussi été de la partie, quoi qu'il eût tenu à rétablir une certaine vérité dans ses Mémoires: «je pourrais me mettre sur les rangs, moi aussi, car une affaire de ce genre requiert la collaboration de tous les services. Quant à l'interrogatoire final, ce fameux interrogatoire de vingt-huit [sic!] heures qu'on cite aujourd'hui en exemple, nous avons été, non quatre, mais six au moins à nous relayer, à reprendre les questions une à une, de toutes les façons imaginables, gagnant chaque fois un petit bout de terrain. Bien malin, dans ces conditions, celui qui dirait lequel d'entre nous, à un moment donné, a poussé le déclic qui a amené les aveux.»
Murielle Wenger
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