Quelques considérations linguistiques à propos des titres des romans Maigret
SIMENON SIMENON. TITOLI, TRADUZIONE E "FALSI AMICI"…
Alcune considerazioni linguistiche sui titoli dei romanzi Maigret
SIMENON SIMENON. TITLES, TRANSLATION AND "FALSE FRIENDS"...
Some linguistic considerations about the titles of the Maigret novels
"Je commence toujours par le titre parce j'y attache autant d'importance qu'aux noms des personnages, parce que le titre devrait donner l'ambiance du roman." C'est ce que Simenon disait dans une interview pour le journal suisse l'Illustré en octobre 1971.
Claudine Gothot-Mersch, dans son texte "Le travail de l'écrivain à la lumière des dossiers et manuscrits du Fonds Simenon", évoque cette problématique des titres. En consultant les enveloppes jaunes conservées au Fonds, elle a constaté que le romancier avait souvent noté plusieurs titres pour un même roman, hésitant entre plusieurs solutions, et on peut comprendre cela en nous référant à la phrase citée plus haut. En début de rédaction, lorsque Simenon se met en état d'écrire, il est à la recherche d'une ambiance, et celle-ci, comme il le déclare, doit se sentir dès le titre. Claudine Gothot-Mersch a pu relever que pour les manuscrits du Fonds Simenon, la moitié a changé de titre en cours de route, et c'est particulièrement vrai pour les romans Maigret.
Le titre des romans publiés par les Presses de la Cité contient à chaque fois le mot "Maigret", accompagné soit d'un verbe (Maigret hésite), soit d'un substantif qui le suit (Maigret et la jeune morte) ou le précède (Un Noël de Maigret), et ce substantif peut être un personnage (Maigret chez le ministre), un lieu (Maigret à New York), un objet (Le revolver de Maigret), un sentiment (La colère de Maigret) ou une notion plus ou moins abstraite (Une confidence de Maigret). La moitié des titres des Presses de la Cité sont formés du mot "Maigret" accompagné d'un nom de personnage, l'autre moitié se répartit à parts plus ou moins égales entre les autres formes.
Comme l'écrit Claudine Gothot-Mersch, "le contenu sémantique des titres (et particulièrement du modèle verbal) est souvent assez vague; chacun de ces titres s'appliquerait aisément à plusieurs récits de la série." Et elle note que cela a pour conséquence que Simenon, dans ses notes préparatoires, a souvent hésité entre plusieurs titres, par exemple Maigret voyage aurait pu s'intituler Maigret et la petite comtesse, tandis que Maigret s'obstine est finalement devenu Maigret et le client du samedi. La chose n'est pas anodine, car elle va avoir des implications sur la traduction de ces titres, et nous allons prendre quelques exemples pour illustrer notre propos, en nous limitant, dans le cadre de ce billet, aux langues anglaise et italienne.
Lorsqu'il s'agit de traduire le titre d'un roman, plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu: la fidélité au titre d'origine, sur le plan grammatical (autrement dit une traduction plus ou moins littérale) et sur le plan sémantique (retrouver le sens du titre d'origine): Mais le fait que le roman en question doit être reconnu comme appartenant à la série des enquêtes du commissaire, implique que souvent, dans les traductions, les titres des romans Fayard et Gallimard, qui ne contenaient pas le mot "Maigret", voient celui-ci apparaître dans le titre traduit. Ainsi, Pietr le Letton devient Maigret e il Lettone, ou Les caves du Majestic est traduit par Maigret and the Hotel Majestic.
Les titres contenant un nom de personnage, un lieu ou un objet peuvent assez aisément être traduits en "mot à mot": Maigret et la vieille dame / Maigret and the Old Lady ou Le revolver de Maigret / La rivoltella di Maigret. Mais c'est plus difficile de faire une traduction littérale lorsque les mots désignent des sentiments, des notions abstraites, ainsi qu'avec les formes verbales. Pour ces dernières, le verbe peut se changer en substantif (Maigret se trompe / Maigret's Mistake), mais là, le mal est moindre, puisqu'on y retrouve le même sens.
Lorsqu'il s'agit d'un sentiment ou d'une notion abstraite, la traduction doit tenir compte du sens, mais aussi des contraintes de la langue, et parfois le titre traduit diffère sensiblement du titre d'origine, et ne recouvre pas complètement le sens de celui-ci: Une confidence de Maigret / Maigret has Doubts; notons que ce dernier titre pourrait induire en erreur le lecteur italien, car il a peut-être en tête le titre Maigret a un dubbio, qui est une traduction – très libre – de Maigret à l'école. On a ici l'exemple de ce qu'on pourrait appeler, comme on le fait en grammaire, des "faux amis".
Ces "faux amis", on va les retrouver dans un dernier exemple. Simenon a écrit deux romans dont les titres ont un sens est très proche: Maigret se fâche et La colère de Maigret. Maigret se fâche a été traduit pour la première fois en italien sous le titre La collera di Maigret, un titre qui est évidemment devenu problématique lorsqu'il s'est agi de traduire La colère de Maigret. Celui-ci fut alors proposé sous le titre de Maigret e l'affare strip-tease. Lorsque Adelphi reprit les droits de traductions de Mondadori, Maigret se fâche fut traduit par La furia di Maigret et La colère de Maigret par Maigret perde le staffe ("Maigret perd son sang-froid"). Il n'est peut-être pas inutile de mentionner que Maigret se fâche est traduit par Maigret Gets Angry dans la nouvelle édition Penguin, et La colère de Maigret par Maigret Loses His Temper dans les éditions qui existent jusqu'ici.
Voilà qui, nous l'espérons, clarifiera les choses pour nos lecteurs qui essayent de naviguer d'une langue à l'autre sur notre blog…
Murielle Wenger
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