Un autre texte à propos des révisions de Simenon, et un exemple pris dans un roman
SIMENON SIMENON. ERRORI DI CONGRUENZA: I TESTIMONI DELL'ACCUSA…
Un altro testo a proposito delle revisioni di Simenon, ed un esempio preso da un romanzo
SIMENON SIMENON. MISTAKES IN CONSISTENCY: WITNESSES FOR THE PROSECUTION…
Another text about Simenon's revisions and an example in a novel
Amis simenoniens, les plus anciens fidèles lecteurs parmi vous se souviennent peut-être qu'en octobre 2014, nous avions parlé des
"fautes de congruence" (ce que Maurizio avait appelé des "bloopers")
qu'on trouve dans les romans de Simenon. Maurizio a récemment écrit deux
billets à propos du travail de révision que Simenon faisait sur ses
manuscrits, et il a surtout évoqué le thème du style (les fameux "mots-matière") et celui des erreurs d'orthographe et des fautes de frappe. Comme il a moins abordé le thème de la congruence, j'ai eu envie de revenir un peu sur le sujet…
Simenon a souvent expliqué son travail de révision dans les interviews qu'il a donnés, en disant combien ce travail lui était pénible, mais aussi qu'il s'y pliait parce qu'il le considérait comme nécessaire: il procédait à ce qu'il appelait la "toilette"
du texte, supprimant tout ce qu'il trouvait superflu: les effets de
langage et de style, les "trop belles phrases", etc. Souvent, la
révision s'en tenait là, et il ne revenait pas sur le fond; comme il le disait à Carvel Collins, un de ses interviewers, qui lui demandait: "Il
ne s'agit pas de revoir la trame de l'intrigue ? – Oh! Je ne touche
jamais à rien de ce genre. Parfois j'ai changé les noms en cours de
rédaction […] alors, en révisant, je rétablis les choses." Ce qui, nous l'avions déjà évoqué dans un billet de janvier 2015, n'a pas empêché qu'un certain nombre d'erreurs sur ces noms soit resté dans les versions définitives.
Ce thème de la révision, Simenon en parle aussi à plusieurs reprises dans ses Dictées. Par exemple, dans La main dans la main: "Lorsque je revoyais mes romans, autrefois, je le faisais dans une certaine tension d'esprit, car il y avait une ligne à suivre et j'avais à rester autant que possible dans la peau de mes personnages. Je ne les revoyais d'ailleurs qu'une seule fois. Je
ne les ai jamais relus depuis. Je serais peut-être confus de toutes les
erreurs que j'ai pu laisser passer, car je travaillais très vite, pour
me débarrasser de cette tâche qui ne m'intéressait pas, et plusieurs de
mes romans ont été revus en deux jours seulement."
Cette rapidité de révision est confirmée par une étude menée par Claudine Gothot-Mersch, Le travail de l'écrivain à la lumière des dossiers et manuscrits du Fonds Simenon, publiée dans le livre Lire Simenon,
paru aux éditions Labor en 1980. En comparant les documents conservés
au Fonds, manuscrits, enveloppes jaunes, calendriers de rédaction et
révision, dossiers divers, la chercheuse est arrivée à la conclusion
qu'à mesure que le temps de rédaction d'un roman raccourcit, le temps de
révision diminue en parallèle: "à
partir de 1966 tous les romans, policiers ou non, sont bouclés en 7
jours. A partir de 1969, c'est la révision du texte qui gagne en
rapidité: 2 ou 3 jours, alors qu'auparavant la période de révision,
souvent de 4 jours, peut en prendre parfois jusqu'à 9 ou 10."
Il pourrait être intéressant de savoir si
les erreurs restées dans les textes (typographiques ou de congruence)
augmentent à mesure que diminue le temps de révision, ou s'il n'y a pas
de corrélation entre les deux faits.
Une étude à mener peut-être un jour… En attendant, nous nous
contenterons de donner un exemple de ces erreurs de congruence,
particulièrement frappant, que nous avons choisi dans Maigret et les témoins récalcitrants,
un roman où l'auteur semble multiplier à plaisir ces erreurs, et, soit
dit en passant, un roman auquel il a consacré quatre jours de révision…
Au chapitre 1, Maigret, alors qu'il arrive au bureau, apprend qu'un cambrioleur, surnommé le Chanoine, a été arrêté par Lapointe. Le
commissaire l'interroge, puis charge Lapointe de le conduire au Dépôt.
Or, au chapitre 4, lorsque Maigret revient au bureau, après être allé
chez les Lachaume, il fait venir Lucas et lui demande comment cela s'est
passé avec le Chanoine, comme si c'était
le brigadier qui l'avait conduit au Dépôt… On pourrait admettre, à la
rigueur, que Lucas a fait le travail à la place de Lapointe, celui-ci
étant trop fatigué après sa nuit blanche… Quelques pages plus loin, Maigret demande à
Torrence de se renseigner sur la voiture des Lachaume, et un peu plus
tard, le commissaire reçoit un coup de téléphone de Janvier qui lui
donne les renseignements demandés. Or Janvier a été chargé peu avant de téléphoner au docteur Paul puis de monter au laboratoire: il ne peut donc en principe pas être allé à Ivry…
Autre incongruence: Maigret, un peu plus tôt, a téléphoné au
commissariat d'Ivry pour leur demander l'adresse de Véronique Lachaume,
et c'est Janvier (alias Torrence...) qui lui donne cette adresse lors du coup de téléphone évoqué plus haut…
Sans compter que ce pauvre Torrence a aussi été chargé de découvrir le
nom de jeune fille de la femme de Léonard, et que Maigret lui coupe
l'herbe sous le pied en se renseignant auprès du notaire de la famille…
Est-ce l'ambiance déprimante de la biscuiterie décrépite et l'humeur morose du commissaire qui lui font mener cette enquête de façon un peu brouillonne ?...
Murielle Wenger
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