mercoledì 14 febbraio 2018

SIMENON SIMENON. LES AMOUREUX DE LA PLACE DES VOSGES

Un petit conte pour la Saint-Valentin 

SIMENON SIMENON. GLI INNAMORATI DI PLACE DES VOSGES 
Un piccolo racconto per San Valentino 
SIMENON SIMENON.THE LOVERS ON PLACE DES VOSGES 
A little tale for Valentine's Day


L'avantage, avec cet appartement au deuxième étage, c'était les fenêtres qui donnaient sur la place. Non seulement il était réveillé par le chant matinal des oiseaux, et par le murmure des fontaines, mais la vue lui permettait de découvrir les petits secrets du jardin. Il y avait le vieux monsieur, qui arrivait par le bout de la rue, et qui s'installait toujours sur le même banc. Il avait compris lorsqu'il avait vu que sur le banc juste à côté, une jeune bonne, à la flamboyante chevelure rousse, venait s'asseoir pour surveiller les deux enfants du docteur, celui qui habitait en dessous de chez lui. Et puis, il y avait la concierge du 31, une vieille femme acariâtre, qui retrouvait la concierge du 42, avec laquelle elle échangeait pendant des heures les potins du quartier. 
Depuis le printemps dernier, probablement en mars, il ne se souvenait pas de la date exacte, il y avait les amoureux. Ce n'était pas le premier couple qu'il voyait sur un des bancs, mais celui-ci avait quelque chose de particulier, qui l'avait attiré. Il en avait tant observé, de ces amoureux qui se bécotaient pendant des heures ! Avec amusement, il détaillait leurs petites manies, ceux qui riaient aux éclats (provoquant les regards courroucés des deux concierges), ceux qui avaient l'air de se cacher, comme en fraude. Mais ceux du mois de mars (c'est ainsi qu'il les avait surnommés), c'était autre chose.  
La première fois qu'il les avait remarqués, c'était le garçon qui était arrivé le premier. Mince dans son sévère costume, mais les joues déjà pleines et qui promettaient un avenir plus enveloppé à sa silhouette, le jeune homme était resté debout, tirant de temps en temps sa montre de sa poche. Peu après, une jeune fille était entrée par la grille. Blonde et potelée, elle avait eu un adorable sourire en découvrant le jeune homme anxieux, qui ne l'avait pas encore aperçue. Quand enfin elle était arrivée près de lui, il avait eu un petit sursaut, puis, gauche et maladroit, il lui avait pris la main pour la conduire jusqu'au banc. Il avait gardé sa main dans la sienne, ils ne s'étaient presque pas parlé, mais ils avaient échangé de longs regards pendant une bonne demi-heure. Puis la jeune fille s'était levée, et après un dernier sourire, elle s'était dirigée vers la sortie, pendant que lui restait là, à la suivre des yeux, avant de finir par s'ébrouer, avec l'air de sortir d'un rêve. 
Depuis ses fenêtres, il avait suivi leur manège, qui avait duré des semaines. Ils se contentaient de se prendre la main, de se regarder longuement, et d'échanger quelques paroles. Un matin, intrigué, il était sorti et avait traversé lui-même la place, et il avait manœuvré en sorte de pouvoir s'approcher discrètement des amoureux.  
"- Vous comprenez, ce que je veux, c'est pouvoir entrer rapidement dans la Grande Maison. Avec le salaire d'un inspecteur, j'aurai de quoi entretenir une famille." C'est le garçon qui avait parlé, en rougissant un peu. Mais la jeune fille avait fait semblant de ne pas s'en apercevoir, et en souriant, elle avait répondu: "- De toute manière, un inspecteur doit gagner aussi bien sa vie qu'un employé des Ponts et Chaussées." 
Il n'avait pas vraiment compris le sens de leurs paroles, mais il avait retenu le ton de profonde tendresse qui semblait émaner de leur conversation. Il en avait été un peu envieux… 
Les amoureux étaient revenus, pendant des semaines et des semaines, et ils devaient bien être les seuls, parmi tous les couples qu'il avait pu observer, à ne pas s'être embrassés une seule fois. Et puis, un jour, c'était en mai, alors qu'un tiède soleil baignait les frondaisons, elle était arrivée la première. Elle portait une robe couleur de ciel, et un joli chapeau blanc qui ombrageait son sourire mutin. Le jeune homme avait franchi la grille quelques minutes plus tard, un bouquet de lilas à la main. Ils s'étaient assis, comme gênés, ou plutôt comme deux enfants qui attendent impatiemment une surprise, et qui n'osent pas encore se réjouir.  
N'y tenant plus, il avait ouvert la fenêtre, pour ne rien perdre de la scène, car il sentait, à l'attitude des amoureux, que quelque chose de particulier allait se passer. Le garçon avait tendu son bouquet à la jeune fille, qui l'avait pris en souriant, et l'avait serré contre son cœur. Il l'avait longuement regardée, puis, très lentement, il avait pris son visage entre ses mains, et l'avait rapproché du sien. Et, tandis qu'elle continuait à tenir son bouquet de lilas sur son sein, il avait pris ses lèvres, et longtemps ils étaient restés ainsi, bouche à bouche, comme si le monde n'existait plus autour d'eux. 
Lui, à sa fenêtre, en avait eu comme un vertige. Ne pouvant détacher ses yeux du couple toujours enlacé, il avait ressenti une nostalgie comme jamais il n'aurait imaginé pouvoir en éprouver. Et quand les amoureux s'étaient éloignés, main dans la main, serrés l'un contre l'autre, il était resté longtemps à sa fenêtre, tandis que le crépuscule envahissait la place. 
Les années avaient passé, et il avait presque oublié cette histoire. Un soir, il dînait boulevard Richard-Lenoir chez ses amis. Et ce n'est qu'au moment où Louise racontait comment Jules l'avait embrassée pour la première fois, qu'il retrouva, dans le sourire attendri qu'elle eut alors, la jeune fille blonde du couple des amoureux de la place des Vosges… 

Murielle Wenger 

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