Quelques réflexions à propos des premiers Maigret de la collection Fayard
SIMENON SIMENON. UN LETTONE A MAGGIO, DA DELFZIJL A MORSANG
Alcune riflessioni a proposito dei primi Maigret della collezione Fayard
SIMENON SIMENON. A LATVIAN IN MAY, FROM DELFZIJL TO MORSANG
Tout ce qui tourne autour des premiers romans Maigret écrits par Simenon, et de Pietr le Letton en particulier, est un sujet dont nous avons souvent parlé sur ce blog. Mais ce n'est peut-être pas sans raison: dans l'exploration de la biographie simenonienne, ces années au tournant de 1930 sont sans doute parmi les plus fascinantes; ce sont celles où le jeune Sim est en train de jouer son va-tout, où il est au début du chemin qui le mène vers la renommée, et qu'il a devant lui des obstacles nombreux à franchir, mais qu'il a aussi la détermination pour le faire, avec l'élan de la jeunesse qui ne craint rien et qui croit en ses propres potentialités…
Ce qui est fascinant, c'est ce "combat" que mène le jeune romancier pour forcer, en quelque sorte, les portes des instances littéraires; mais il est capable de le faire en se donnant quelques règles de base, pour mettre les chances de son côté; conscient qu'il doit apprendre son métier, il aborde le continent de la littérature méthodiquement, si l'on peut dire: il peaufine son art en apprenant les "trucs du métier" par l'écriture de romans populaires, puis, une fois cette étape maîtrisée, il escalade la marche suivante, en décidant de créer un personnage, un meneur de jeu, qui lui donne le prétexte de pouvoir pénétrer tous les milieux et toutes les situations afin de les décrire au plus juste… Mais il a en même temps une sorte de prescience géniale; au courant de ce qui fait en matière de littérature policière à son époque, et après avoir tenté une certaine copie du genre (voir le personnage de Yves Jarry, qui emprunte beaucoup à Arsène Lupin), il imagine un personnage original, à l'opposé de ce qui se faisait jusque-là: au lieu de l'aventurier dandy, un fonctionnaire tout ce qu'il y a de plus banal; au lieu du détective cérébral, maniéré et célébrant ses propres dons de déduction, un "simple flic", aux manières bourrues, qui se contente de dire qu'il ne sait rien, et qui n'explicite pas très volontiers ses "méthodes". Simenon s'est-il rendu compte alors qu'il ouvrait ainsi la voie, avec Maigret, à toute une nouvelle littérature policière, dans laquelle le héros ne serait plus une sorte de superman, mais un policier du quotidien, aimant la bonne chère et menant une vie familière et familiale ?
Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître au jeune Sim, devant les réticences de ses éditeurs d'alors, une certaine ténacité pour poursuivre dans la voie où il s'était lancé, surtout que, comme on dit, ce n'était pas gagné d'avance… Une fois passées les premières retombées médiatiques du Bal anthropométrique, on ne peut qu'être frappé par ce que Jean-Christophe Camus, dans son ouvrage Les Années parisiennes. 1923-1931. Simenon avant Simenon, appelle si justement "le lourd silence de la critique littéraire" de l'année 1931 à propos des romans de Simenon. Il y a bien eu des papiers sur Le pendu de Saint-Pholien et Monsieur Gallet décédé, mais pour les romans parus ensuite, les articles dans les journaux de l'époque se font beaucoup plus rares. En réalité, la critique ne "décollera" vraiment qu'en 1932, lorsque sortiront les premières adaptations cinématographiques, et c'est à ce moment-là seulement qu'on commencera à trouver davantage d'articles littéraires sur ces premiers romans.
En attendant, revenons au mois de mai 1931. En librairie sont déjà sortis, dans la nouvelle collection Maigret chez Fayard, outre les deux romans cités plus hauts, Le charretier de la Providence et Le chien jaune. Comme nous l'avons noté, peu d'articles dans la presse de l'époque ont signalé ces publications, et Simenon est peut-être en train de se demander si le soufflé n'est pas déjà retombé… A moins qu'il n'ait la sagesse de laisser le temps au temps, et, pour prouver qu'il a eu raison, et que Fayard avait tort, ne soit motivé à continuer sur sa lancée pour écrire de nouvelles aventures à son héros… C'est sans doute cette deuxième hypothèse qu'il faut privilégier; preuve en est le fait que, en ce mois de mai, Simenon va rédiger deux nouvelles enquêtes de Maigret. D'abord La tête d'un homme, un roman aux accents dostoïevskiens, après le paysage breton du Chien jaune et les ambiances rurales et agitées de La nuit du carrefour.
Le chien jaune paraît en avril, mais, lorsqu'il s'agit de choisir un texte à paraître en mai, ce n'est pas La nuit du carrefour qui est pris en compte. Qui, du romancier ou de l'éditeur, s'est souvenu d'un texte, écrit bien auparavant, et qui avait connu une première parution en feuilleton ? Est-ce Fayard qui s'est dit qu'après tout, on pouvait ressortir des cartons ce Pietr le Letton qu'il n'avait jugé digne d'être publié que dans une revue ? Ou est-ce Simenon qui, cette fois, s'est permis de remettre en avant ce premier roman, estimant qu'il ne démériterait pas dans la nouvelle collection ?
Quel que soit le motif, c'est Pietr le Letton qui paraît en ce mois de mai, et La nuit du carrefour sera publié en juin. Quant au romancier, peut-être pour retrouver encore mieux l'inspiration, il s'embarque à nouveau sur l'Ostrogoth, berceau de Maigret, et va s'amarrer à Morsang, qui a peut-être vu l'écriture d'une partie au moins de Pietr le Letton. Simenon y rédige alors, toujours en mai, une nouvelle enquête du commissaire, et, de façon toute symbolique, il envoie son héros enquêter sur les lieux même de sa naissance "officielle", puisque c'est à Delfzijl que Maigret mène son investigation sur Un crime en Hollande… Une sorte de retour aux sources, qui, dans l'esprit de Simenon, devait peut-être lui porter chance et aider à son succès…
Murielle Wenger
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