Quelques anecdotes à propos du roman "Liberty Bar"
SIMENON SIMENON. CINQUE PASSI PER UN BAR
Alcuni aneddoti sul romanzo "Liberty Bar"
SIMENON SIMENON. FIVE STEPS FOR A BAR
Some anecdotes about the novel "Liberty Bar"
Au printemps 1932, Simenon s'installe à Marsilly, dans le domaine de La Richardière. Au mois de mai, le premier roman qu'il y rédige est Liberty Bar. On pourrait dire de ce roman qu'il clôt en quelque sorte un cycle rédactionnel. En effet, peu après, le romancier va partir explorer l'Afrique, et ce n'est qu'à son retour, en automne, qu'il reprendra l'écriture de romans, sans le commissaire. Puis nouveau départ pour un tour d'Europe, et quand il revient à Marsilly au printemps 1933, il retrouve Maigret; mais cet intervalle de découvertes lui a fait prendre une certaine distance par rapport à son personnage, et il a décidé de franchir une nouvelle étape: c'est en effet dans L'écluse no 1, rédigé en avril 1933, qu'est abordé le thème de la retraite proche du commissaire. Du point de vue éditorial, on peut aussi remarquer que Liberty Bar est le dernier roman de la collection Maigret à être publié sous couverture photographique, en juillet 1932. Un mois auparavant avait été édité Le passager du Polarlys, et suivront encore, toujours sous couverture photographique, trois recueils de nouvelles policières (Les 13 coupables, Les 13 énigmes, Les 13 mystères), des nouvelles écrites bien auparavant, et que Fayard a dû vouloir publier en recueil pour pouvoir continuer cette série photographique. Un signe clair qu'on allait vers un tournant, puisque Simenon allait convaincre Fayard de publier ensuite une série de romans sans Maigret et sans énigme policière, sous une couverture illustrée d'un dessin et non plus d'une photographie.
On peut donc dire que Liberty Bar marque une étape du point de vue rédactionnel et éditorial, mais il se trouve que ce roman a aussi notifié d'autres étapes. D'abord, c'est le premier roman de la saga dans lequel Maigret est amené à enquêter au bord de la Méditerranée. Jusque-là, les lecteurs avaient été habitués à voir le commissaire patauger plutôt dans les brumes et les crachins du Nord, même si le romancier lui avait déjà fait amorcer une descente vers le sud dans Le fou de Bergerac. Comme nous l'avons déjà évoqué dans un précédent billet, celui du 14 mai 2016, le fait que Simenon envoie Maigret à Antibes n'est pas dû au hasard, puisque aussi bien le romancier, avant d'arriver à Marsilly, avait passé l'hiver 1931-1932 sur la Côte d'Azur. Et donc rien d'étonnant à ce qu'il fasse découvrir à son héros les sensations vacancières du climat méridional…
On pourra aussi noter que c'est une des premières fois, dans ce roman, que Simenon montre Maigret tentant de s'identifier, de se mettre dans la peau d'une victime, une "technique" qu'il développera souvent dans la suite de la saga. Dans un article paru dans Les Cahiers de Radio-Paris le 15 octobre 1932, intitulé Le roman policier, le critique René Lalou notait ceci: "Simenon a inventé un détective, le commissaire Maigret, dont le génie consiste à s'imprégner de ces atmosphères, à changer l'envoûtement en familiarité pour découvrir les secrets qui s'y cachaient. Dans […] Liberty Bar, Maigret ne commence à voir clair dans l'assassinat de William Brown que lorsqu'il a trouvé ce bar de Jaja où le passé se reconstitue en lui, par une sorte d'osmose."
Outre la description de l'atmosphère méditerranéenne ("Il y a rendu d'une façon étonnante le ciel et l'odeur de la Côte d'Azur", disait Claude Aveline dans une interview des Nouvelles Littéraires en octobre 1932), il faut retenir de ce roman la truculence des personnages, en particulier des protagonistes féminines, et, comme une bonne part de l'intrigue se passe entre les murs du bar de Jaja, en une sorte de "huis clos", il n'y a finalement rien d'étonnant à ce que ce roman ait aussi été le premier à être adapté au théâtre. C'est en effet en octobre 1955 qu'était créée la pièce inspirée du roman. Frédéric Valmain en avait signé l'adaptation, et il interprétait aussi le rôle de Harry Brown. Le rôle du commissaire avait été confié à Jean Morel. Dans la revue Paris-Théâtre, qui publia le texte de la pièce à l'occasion de sa création, Simenon écrivit une brève préface, intitulée "Maigret vient au théâtre", dans laquelle il disait: "Il existe, dans la vie des enfants, un certain nombre d'étapes qui ne manquent pas d'émouvoir les parents […]. En vingt-cinq ans, Maigret m'aura donné autant d'émotions et, demain, il m'en donnera une nouvelle en montant pour la première fois sur les planches." Après avoir énuméré les acteurs qui avaient interprété le commissaire au cinéma et sur les ondes, Simenon ajoutait: "il lui restait à affronter les feux de la rampe sous l'aspect, cette fois, de Jean Morel, qui a sa carrure et sa démarche. Comment mon brave vieux commissaire va-t-il se comporter et quel accueil va-t-il recevoir ? […] J'attendrai, non sans émotion, que les journaux me disent, le lendemain, comment il s'en sera tiré."
Enfin, on peut signaler une dernière étape marquée par ce roman. Sept ans avant la diffusion, à la télévision française, du premier épisode de la série des "Enquêtes du commissaire Maigret", avec Jean Richard, Liberty Bar avait déjà connu les honneurs du petit écran. En effet, en 1960, c'est Louis Arbessier qui enfilait le pardessus de Maigret pour une adaptation du roman, dans une réalisation signée Jean-Marie Coldefy. Les extérieurs furent tournés à Cannes, donc en partie sur les lieux mêmes de l'action du roman. Coldefy, qui connaissait bien l'univers de Simenon (il avait réalisé en 1958 le documentaire "A la recherche de Maigret", dans lequel Simenon apparaissait en personne), déclara qu'il avait choisi d'adapter Liberty Bar parce que "l'opposition de ce sombre drame et du décor ensoleillé où il se situe, ainsi que le milieu renfermé du «Liberty Bar», constituent des éléments propres à restituer l'incomparable atmosphère créée par le célèbre romancier".
Murielle Wenger
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