Quelques réflexions à propos des images de Maigret
SIMENON SIMENON. UNA RICCA ICONOGRAFIA
Alcuni riflessioni a proposito degli immagini di Maigret
SIMENON SIMENON. A RICH ICONOGRAPHY
Some thoughts about Maigret's pictures
"Ai-je bu un, deux, ou même trois petits genièvres colorés de quelques gouttes de bitter ? Toujours est-il qu'après une heure, un peu somnolent, je commençais à voir se dessiner la masse puissante et impassible d'un monsieur qui, me sembla-t-il, ferait un commissaire acceptable. Pendant le reste de la journée, j'ajoutai au personnage quelques accessoires : une pipe, un chapeau melon, un épais pardessus à col de velours."
C'est ainsi que Simenon relate la création légendaire de son héros dans le texte "La naissance de Maigret", écrit en 1966 et paru en préface du premier volume des Œuvres complètes publiées par les éditions Rencontre. Cette silhouette qui apparaît au romancier, celle d'un personnage à peine esquissé par quelques détails reconnaissables, Simenon aura le génie de la garder quasi telle quelle tout au long des 75 romans de la saga maigretienne. Quelques touches supplémentaires sur le physique du commissaire seront ajoutées, mais suffisamment vagues pour que chaque lecteur puisse s'en faire sa propre représentation. Une sorte de plasticité qui a permis à des acteurs aux physiques très différents de se couler dans le pardessus de Maigret et d'y être crédibles.
En effet, on en sait peu sur l'aspect physique de Maigret: plutôt brun (dans Pietr le Letton, il est dit que ses cheveux sont "d'un châtain sombre où se distinguaient à peine quelques fils blancs autour des tempes"), le visage correspondant au reste du physique (un visage qualifié, dans les textes, de charnu, lourd, épais, ou large), le commissaire n'a guère d'autres traits distinctifs. Même le port de la moustache reste un sujet discuté !
Cette silhouette dessinée à grands traits, engoncée dans un manteau, d'où dépasse le tuyau d'une pipe, permet aussi toute une iconographie, et on imagine volontiers cette masse énorme, noire, vue de dos. Nombre de couvertures de romans reprendront cette image, mais on la trouvera aussi déclinée sur des affiches ou des encarts publicitaires. Bientôt, à côté des adaptations au cinéma, qui vont donner un visage au commissaire (ou plutôt des visages, car les acteurs des premiers films ont une allure fort différente, c'est le moins que l'on puisse dire: voir Pierre Renoir, Harry Baur ou Abel Tarride), vont apparaître les premières illustrations dans les journaux. En effet, si les parutions originales des romans chez Fayard ne contenaient pas d'illustration autre que celle de la couverture, c'est dans les journaux où sont publiés des préoriginales des nouvelles, ou des romans en feuilletons, qu'on trouvera les premiers dessins représentant Maigret, chaque illustrateur y allant de sa propre patte, représentant le commissaire selon son propre style.
Pour les romans en traduction, on s'inspirera aussi des acteurs ayant interprété le commissaire, tels Gabin, ou Gino Cervi pour les deux séries dessinées par Ferenc Pinter. Souvent encore on verra des images d'un commissaire qui ressemble à son créateur. Le rapprochement était facile: imperméable, chapeau et pipe, sont des attributs non seulement de Maigret, mais de Simenon sur nombre de photographies pour lesquelles il a complaisamment posé. On connaît l'anecdote à propos de la série de timbres émise par la Poste française en 1996: la série "héros de romans policiers" comprenait Rocambole, Arsène Lupin, Rouletabille, Fantômas, Nestor Burma et Maigret. Pour illustrer ce dernier, le dessinateur Marc Taraskoff s'est inspiré de la célèbre photographie sur laquelle Simenon posait devant l'entrée du Quai des Orfèvres, lors de son voyage de 1952. Ce qui fait qu'en réalité, ce n'est pas Maigret le héros policier qui se trouve sur le timbre, mais Simenon lui-même… Une confusion dont le romancier s'est souvent fait complice…
A côté de ces illustrations pour les journaux et les supports divers, on peut mentionner aussi les bandes dessinées (nous renvoyons au billet récent signé de Philippe Proost), qui, chacune, nous montrent un Maigret différent. Et même, un dessinateur comme Jacques Blondeau ne l'a pas toujours représenté sous le même aspect dans les bandes qu'il a illustrées. Preuve que Maigret reste insaisissable, et c'est tant mieux, car c'est ce qui explique peut-être aussi sa longévité auprès des lecteurs: l'image du commissaire n'est pas figée, et elle reste toujours à réinventer…
Murielle Wenger
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