martedì 21 agosto 2018

SIMENON SIMENON. D'AVRAINVILLE A SAMOIS: LES DIMANCHES DES MINISTRES

Quelques hypothèses à propos du roman "Maigret chez le ministre" 

SIMENON SIMENON. DA AVRAINVILLE A SAMOIS: LE DOMENICHE DEI MINISTRI 
Alcune ipotesi a proposito del romanzo "Maigret e il ministro" 
SIMENON SIMENON. FROM AVRAINVILLE TO SAMOIS: THE MINISTERS' SUNDAYS 
Some hypotheses about the novel Maigret and the Minister 
Dans ce curieux roman, sans meurtre ni victime, qu'est Maigret chez le ministre, le commissaire est amené à enquêter sur une affaire politique, et on sait combien il a horreur de cela. Quelles peuvent bien être les raisons qui ont poussé le romancier à plonger son héros dans cette intrigue politico-financière, dans cette histoire de magouilles et de lutte d'influence ?  
Il n'est pas si simple de répondre. Si l'on s'en tient à la seule histoire interne de la saga, on peut voir dans ce roman une volonté de la part de Simenon d'expliciter certains faits de la biographie de son personnage, tels que l'exil à Luçon qui y est évoqué, en référence à La maison du juge, ou de menus détails sur les parents de Maigret. On peut y voir encore la volonté du romancier de s'intéresser à une sphère sociale qu'il a peu explorée jusque là dans ses romans (Maigret chez le ministre a été écrit en 1954, Le Président sera rédigé en 1957), lui qui écrivait dans ses Mémoires intimes: "ne fallait-il pas que je cherche l'homme partout, à tous les étages de la fameuse échelle ?". Raison pour laquelle il chercha à côtoyer toutes sortes de mondes plus ou moins fermés, celui de l'aristocratie, mais aussi celui de la finance et de la politique.  
S'il découvrit l'aristocratie en devenant secrétaire du marquis de Tracy, un peu plus tard, il fréquenta les sphères du journalisme et de la politique, en particulier lorsqu'il devint un commensal d'Eugène Merle, qui l'invita à plusieurs reprises dans sa propriété d'Avrainville. Laissons le mémorialiste nous raconter cela lui-même (dans sa dictée Un homme comme un autre): "Merle, comme la plupart des propriétaires de journaux, avait acheté un château à cinquante kilomètres de Paris. Il y tenait table ouverte tous les dimanches. […] Chez lui, on rencontrait, dans une atmosphère de familiarité qui m'étonnait, des ministres, des banquiers, des hommes d'affaires plus ou moins véreux, des écrivains et parfois des journalistes. […] Ces gens discutaient librement de leurs petites affaires, qui étaient souvent de très grosses affaires, et qui, presque toutes, frisaient l'illégalité. […] C'était l'envers du décor. […] On apprenait que le propriétaire d'un grand quotidien faisait et défaisait les ministres à son gré. […] J'étais stupéfait d'entendre ces personnages haut placés discuter des affaires tout court avec un naturel et un sans-gêne incroyable. Et je ne parle pas des petites combinaisons qui s'échafaudaient dans les coins, à l'heure du café.". Et Simenon de conclure: "Au fond, je suis reconnaissant à Merle de m'avoir montré de près, au naturel, ceux qui nous gouvernent et dont nous dépendons. Cela m'a éloigné d'une certaine classe sociale, d'un certain monde, où je me sens aussi mal à l'aise que Maigret." Une bonne expérience que Simenon a donc retenue, et qui lui a permis de poser un autre regard sur le monde de la politique et de la finance. 
A côté de ces "dimanches d'Avrainville", de cet univers des magouilles et du chantage dont Simenon avait appris les dessous, le romancier allait connaître d'autres dimanches, lorsqu'il serait invité par un de ses éditeurs, Jules Tallandier, qui possédait une propriété à SamoisNous n'avons pas retrouvé, dans les textes autobiographiques de Simenon, d'allusion aux invitations de Tallandier, et nous nous inspirons donc de ce que Pierre Assouline et Michel Carly en ont dit. A côté des charmes de Morsang et de ses guinguettes, Samois offrait un tableau différent au jeune romancier, qui, comme l'écrit Carly, "touche du doigt la belle vie", "ébloui par le charme, subjugué par la richesse" des propriétés alignées sur les bords de Seine. Il retranscrira cet éblouissement dans un roman sous pseudonyme, qui est en même temps un proto-Maigret, La femme rousse. Simenon fera plus tard un discret hommage aux invitations de Tallandier, dans L'écluse no 1. En effet, Maigret va passer le dimanche dans la maison de campagne de Ducrau, qui se trouve précisément à Samois, et à gauche de celle-ci se trouve une propriété "qui appartient à un grand éditeur." 
A Samois, Simenon a-t-il aussi croisé des gens du monde de la politique ? On peut se poser la question, car, si nous revenons aux premières lignes de ce billet, lorsque nous avons évoqué Maigret chez le ministre, nous trouvons dans ce roman une allusion aux "dimanches de Samois", où l'entrepreneur Nicoud invitait "tout ce qui compte dans le monde des lettres, des arts, de la politique". A moins que Simenon ait fait un amalgame, comme le permet la licence fictionnelle, entre les "dimanches d'Avrainville"de Merle et les "dimanches de Samois" de Tallandier… 
Quoi qu'il en soit, le romancier a utilisé cette image pour nous montrer les dessous de la politique, et toutes ces affaires qui se traitent en sous-main. Et si nous n'avons toujours pas répondu à la question de la raison pour laquelle Simenon a décidé de plonger son héros au milieu de cette sombre histoire, nous avançons une hypothèse, qui en vaut bien une autre: d'après la chronobiographie établie par Pierre Deligny, Simenon aurait été pressenti, en été 1954, pour le prix Nobel de littérature, qui lui échappa une nouvelle fois (et ce ne serait pas la dernière…). Est-ce donc un hasard si c'est justement au mois d'août de cette année 1954 que Simenon écrit Maigret chez le ministre, dans lequel il dénonce les affaires de magouilles et de dessous de table ? Une sorte de réaction de dépit et de revanche par un romancier déçu ?... 

Murielle Wenger 

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