La définition donnée par le romancier dans ses interviews et ses écrits
SIMENON SIMENON. COSA È UN «RAMMENDATORE DI DESTINI»?
La definizione data dal romanziere nelle sue interviste e scritti
SIMENON SIMENON. WHAT IS A "MENDER OF DESTINIES"?
Maigret, le «raccommodeur de destinées». Cette formule, inventée par Simenon et répétée à l'envi par les critiques, à quoi correspond-elle vraiment? Maigret raccommode-t-il véritablement les destinées de ceux qu'il croise au cours de ses enquêtes ? Des questions auxquelles nous allons essayer de répondre en deux temps, dans ce billet-ci puis dans un prochain billet.
Simenon s'est souvent exprimé sur ce thème dans les interviews qu'il a données, et dans ses écrits autobiographiques. Ainsi, en 1955, explique-t-il à André Parinaud: «Je disais un jour que je considérais Maigret comme un «raccommodeur de destinées». C'est un peu ma passion. Je vois des gens qui ne sont pas tout à fait à leur place. Je voudrais leur donner le coup de pouce qui les rende plus heureux.». Dans Quand j'étais vieux, Simenon écrit, en 1961: «j'ai, depuis longtemps, depuis presque toujours, l'angoisse de la vie ratée, ce qui me faisait inventer et décrire […] le métier de «redresseur de destinées», sorte de Maigret médecin, psychiatre, etc., sorte de Dieu le Père consultant, en somme, et je ne me doutais pas que la profession allait bientôt exister, remplaçant le confesseur: le psychanalyste.»
Ce «redresseur» ou «raccommodeur» de destinées, tel que le romancier le décrit, est une sorte de consultant à qui l'on vient demander conseil, auprès de qui l'on vient se confesser, dans le but de changer quelque chose de faux ou de raté dans sa vie, afin que celle-ci, «redressée» ou «raccommodée», reprenne un chemin qui soit plus en adéquation avec sa destinée. On l'admettra, le programme est ambitieux, et Simenon lui-même se rendait bien compte des limites de cette ambition. Dans sa dictée Vent du nord, vent du sud, il déclare: «Si ma mémoire est exacte, Maigret a dit un jour […]: «– Mon rêve aurait été de devenir un raccommodeur de destinées.» Peut-on vraiment raccommoder le destin d'un homme, ou même l'influencer dans un sens ou dans un autre ?», et dans ses Mémoires intimes: «N'ai-je pas fait rêver Maigret à un métier qui n'existe pas, hélas, celui de «raccommodeur de destinées» ?»
Alors, Maigret a-t-il vraiment agi comme un raccommodeur de destinées dans les romans ? Tout d'abord, notons que, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la formule «raccommodeur de destinées» apparaît très peu dans la saga. On la trouve pour la première fois dans La Première Enquête de Maigret, dans le chapitre intitulé «La première ambition de Maigret», qui explicite la vocation du commissaire. On y revient dans Les Mémoires de Maigret, lorsque celui-ci dit – et c'est tout aussi bien Simenon qui s'exprime à travers lui: «Fallait-il admettre qu'il n'y eût pas quelque part un homme plus intelligent ou plus averti que les autres […] capable de dire […]: «– Vous faites fausse route. En agissant ainsi, vous allez fatalement à la catastrophe. Votre vraie place est ici et non là.» Je crois que c'est cela: j'avais l'obscur sentiment que trop de gens n'étaient pas à leur place». Et encore dans Maigret et le corps sans tête: «Lorsqu'il était jeune et qu'il rêvait de l'avenir, n'avait-il pas imaginé une profession idéale qui, malheureusement, n'existe pas dans la vie réelle ? […] Curieusement, d'ailleurs, dans sa carrière de policier, il lui était arrivé assez souvent de remettre à leur place des gens que les hasards de la vie avaient aiguillés dans une mauvaise direction.» Et enfin, dans Un échec de Maigret: «N'avait-il pas dit une fois qu'il aurait voulu être «raccommodeur de destinées», tant il éprouvait le désir de remettre les gens à leur vraie place».
Si être un raccommodeur de destinées signifie que l'on vient vous consulter pour vous demander votre avis ou un conseil, alors on peut dire que Maigret a bien joué ce rôle: combien de fois ne l'a-t-on pas vu recevoir dans son bureau des visiteurs qui voyaient en lui un dernier recours, quelqu'un à qui on pouvait confier ses difficultés, voire demander à les résoudre, ou encore, celui à qui l'on venait confesser l'envie de commettre un crime. Pensons à Marton dans Les Scrupules de Maigret, ou Planchon dans Maigret et le client du samedi, parmi les exemples les plus frappants. Mais il se fait que, en réalité, d'être venu soumettre ses problèmes au commissaire n'a pas pour autant empêché l'irréparable de se produire. Et donc, le rôle de Maigret s'est réduit à être celui du confesseur, et non celui du redresseur de destin qui aurait permis au confessé de retrouver son vrai chemin…
Dans le prochain billet sur ce thème, nous tâcherons de voir s'il se trouve cependant des cas où Maigret a réellement réussi à réparer une destinée mal partie.
Murielle Wenger
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