Quelques informations sur Doringe
SIMENON SIMENON. LA CORRETTRICE E IL SUO ROMANZIERE
Alcune informazioni su Doringe
SIMENON SIMENON. THE PROOFREADER AND HER NOVELIST
"Depuis quinze ans qu'il est mon meilleur, mon plus sûr, mon plus cher ami, j'ai appris à connaître Georges Simenon avec tous ses défauts […], avec toutes ses qualités […], avec toutes ses caractéristiques apparemment contradictoires, effectivement complémentaires."
"Doringe […] a l'âge de ma mère et pourtant, c'est mon amie. Très intelligente, très cultivée, très avertie de tout, et d'un goût très sûr, elle a un tel sens de l'amitié qu'elle y mêle de la jalousie."
Nous avons souvent évoqué sur ce blog les femmes qui ont compté dans la vie de Simenon: sa mère, sa première femme Tigy, sa seconde épouse Denise, Teresa la compagne de ses vieux jours, sans oublier sa fille Marie-Jo et sa fidèle Boule, auxquelles on pourrait ajouter sa secrétaire Joyce Aitken. Mais il est aussi une autre femme qui a tenu une place dans les affections de Georges, et dont on parle moins, parce que les renseignements que l'on possède sur elle sont parcimonieux et assez difficiles à trouver. Il s'agit de celle qui signait "Doringe".
Pour l'essentiel, on peut se référer à la biographie d'Assouline, qui évoque à quelques reprises cette "correctrice attitrée" de Simenon. Une autre source de renseignements est la brochure éditée par Les Amis de Georges Simenon en 2015, "Premières lectures de Georges Simenon", qui rassemble les textes que Doringe a consacrés à Simenon. C'est de cette brochure que sont extraites les deux citations du début de ce billet. La première provient d'un article de Doringe sur Simenon, publié en 1946 dans le journal Le Face à main, et la seconde est reprise d'une lettre de Simenon, citée dans l'Autodictionnaire Simenon d'Assouline. Pour compléter mes renseignements, je me suis servie aussi des archives de la Bibliothèque Nationale de France (gallica.bnf.fr), où j'ai trouvé quelques informations supplémentaires dans des journaux anciens.
Que sait-on de cette Doringe ? Tout d'abord, il faut apporter une correction: il est parfois mentionné que son prénom était Françoise, alors qu'en réalité elle s'appelait Henriette… D'une vingtaine d'années plus âgée que Simenon, il semble, d'après l'extrait de l'article cité plus haut, qu'elle ait connu Simenon dans les années 1930. Depuis quand est-elle la correctrice de Simenon ? Je l'ignore, mais, ce qui est sûr, c'est que son nom va être associé à celui de Simenon dès que le romancier publie ses premiers romans aux Presses de la Cité, puisque c'est là qu'apparaissent, en quatrième de couverture, des textes de présentation des ouvrages, signés souvent D. et parfois Doringe. Ces textes sont rassemblés dans la brochure mentionnée ci-dessus, et, pour les romans Maigret, on les trouve aussi ici: www.enquetes-de-maigret.com/doringe.htm.
Belge d'origine, Doringe a été professeur d'anglais, puis "journaliste tous terrains", comme l'écrit Assouline: elle était en particulier chroniqueuse de cinéma, et elle a interviewé, entre autres, Jean Gabin; en 1912, elle avait fondé un hebdomadaire, la Tribune des bêtes, un journal qui défendait la cause des animaux. La même année, elle avait épousé un journaliste, André Blot. Mais elle a été aussi traductrice de romanciers américains, Slaughter en particulier. D'après Assouline, Simenon jugeait son amitié un peu envahissante, mais indispensable. Leurs échanges épistolaires portent souvent sur le style du romancier. Comme l'écrit encore le biographe, Doringe est "la seule personne avec laquelle il accepte de discuter du bien-fondé de ses choix, qu'il s'agisse de grammaire, de syntaxe ou encore d'orthographe." Simenon a sa propre vision de son style, et il n'est pas toujours d'accord avec les corrections proposées par Doringe, mais il ne peut se passer d'elle. Et Assouline de raconter cette émouvante anecdote: en 1964, alors qu'elle souffre d'un cancer généralisé, Doringe tient à finir la correction du dernier manuscrit de Simenon, Maigret se défend. Elle est alitée, n'a plus de force. Alors elle fait venir le curé, non pour se confesser, mais pour qu'il l'aide à terminer la correction du texte…
On aimerait en savoir plus sur la vie de cette femme au caractère bien trempé, et peut-être se trouvera-t-il un jour quelqu'un pour faire quelques recherches supplémentaires. En attendant, nous verrions bien la publication de sa correspondance avec Simenon. Pas par indiscrétion, mais parce que, comme la correspondance de Simenon avec ses éditeurs, elle éclairerait certainement le personnage et la personnalité du romancier…
Murielle Wenger
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