Quelques réflexions à partir des comptes-rendus des journaux de l'époque
SIMENON SIMENON. ALL'INDOMANI DEL BALLO…
Alcuni pensieri a proposito dei resoconti nei giornali del tempo
SIMENON SIMENON. THE DAYS AFTER THE BALL…
Some thoughts about newspaper reports of the time
Tous s'accordent à le dire, le Bal anthropométrique fut une façon plus qu'originale d'annoncer la publication de la nouvelle collection des romans Maigret. Cependant, lorsqu'on lit les échos parus dans les journaux au lendemain du bal, on constate qu'ils mentionnent surtout la liste des invités, les excentricités qui s'y étaient déroulées, et rares étaient ceux à donner ne serait-ce que les deux titres de cette nouvelle collection… Que dut penser Fayard, lui qui avait finalement accepté d'avancer les fonds pour cette entreprise ? Que c'était de l'argent gaspillé pour rien ? Probablement attendait-il de voir si les deux romans auraient vraiment du succès en librairie, et peut-être se félicitait-il d'avoir exigé de Simenon une certaine quantité de romans d'avance pour parer à toute éventualité…
Et Simenon lui-même, quel pouvait être son état d'esprit ? On peut l'imaginer, les jours suivant le bal, se jeter avidement sur les journaux, lire fébrilement les critiques, et peut-être constater avec une certaine satisfaction qu'en tout cas on avait parlé partout de cette fête tapageuse… Mais il devait être assez honnête avec lui-même pour se rendre compte que cela ne suffisait pas encore pour asseoir le succès de son personnage.
S'il avait lu, par exemple, le journal Figaro, il devait se dire que rien n'était encore gagné. En effet, dans le compte-rendu du 23 février à propos du Bal, le journaliste évoquait le Tout-Paris, nommait quelques invités, donnait les noms de ceux qui avaient décoré la salle, et, bien qu'il précisait tout de même qu'il «s'agissait surtout de lancer deux romans policiers», il n'en mentionnait ni les titres, ni le nom de l'auteur… Est-ce la raison pour laquelle, le lendemain 24 février, paraissait un entrefilet publicitaire (c'est celui qui figure sur l'illustration de ce billet), dans lequel on précisait le but de ce bal, le patronyme du romancier et le titre de ses deux romans ? Est-ce Fayard, ou Simenon lui-même qui avait pensé à faire publier cet encart ? Nous n'en savons rien, mais il serait intéressant de pouvoir consulter la correspondance qu'ont peut-être échangée les deux hommes à ce sujet…
Quoi qu'il en soit, si Simenon a lu l'édition du Figaro qui a paru deux jours plus tard, soit le 26 février, il a dû penser qu'il avait encore du pain sur la planche. En effet, ce jour-là parut ce qui dut être une des premières critiques publiées sur les romans eux-mêmes, et le moins que l'on puisse en dire, c'est qu'elle n'était pas très positive…: «Lisez, nous a-t-on dit, ces deux romans policiers. Un lancement rare: tapage, affiches, bal anthropométrique, etc.… […] Nous préférons le bridge, mais nous [les] avons lus, et nous sommes restés sur notre appétit; ces deux rébus sont d'invention bien frêle.»
Certes, Simenon aurait encore bien du chemin à faire pour imposer son héros atypique, et ce qu'il confia par la suite à son ami Carlo Rim devait bien refléter son état d'esprit en cette période décisive; d'abord, cette question que le romancier se posait: «Est-ce que mes Maigret seraient parus comme ça sans le Bal anthropométrique ?», mais aussi la croyance en les potentialités de son commissaire, et l'espoir qui l'animait lorsqu'il noircissait rageusement les pages des romans populaires que Fayard avait exigés en garantie: «Maigret vivait en moi, je le voyais comme un personnage de chair […] Pendant que je turbinais, il était là qui fumait sa pipe, en attendant. Nous avions confiance tous les deux.»
Des années plus tard, les heures d'angoisse à trimer sur ces derniers romans populaires avaient quelque peu été effacées de la mémoire du romancier; et Simenon, dans une interview de février 1979, répondit, au journaliste qui lui demandait, à propos du Bal anthropométrique, si le succès des Maigret n'avait pas été plutôt rapide, que le «phénomène Maigret [avait] démarré en vingt-quatre heures.» Une version un peu triomphale qu'on pardonnera au romancier, parce que, après tout, il avait eu bien raison…
Murielle Wenger
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