Simenon secrétaire du marquis de Tracy – de la matière pour plusieurs romans
SIMENON-SIMENON: 1923-1924: ONE YEAR WITH "MONSIEUR LE MARQUIS"
Simenon works as the Marquis of Tracy’s secretary – some material for several novels
SIMENON-SIMENON: 1923-1924: UN ANNO DA "MONSIEUR LE MARQUIS"
Simenon segretario del marchese di Tracy - una materia per parecchi romanzi
En
décembre 1932, en arrivant à Paris, le "petit Sim" a trouvé une place
comme garçon de courses à la Ligue des chefs de section et des soldats
combattants, présidée par Binet-Valmer. Bien sûr, Simenon pense déjà à
passer à une étape suivante, mais, en attendant mieux… Un matin du
printemps 1923, en arrivant au bureau de la Ligue, il est prié de se
rendre auprès de Binet-Valmer, qui lui demande s'il a déjà entendu
parler du marquis de Tracy: "C'est un homme extrêmement riche,
extrêmement influent, qui appartient à la plus haute noblesse de
France.", lui explique-t-il, "Il cherche un secrétaire. Je lui ai parlé
de vous." Simenon, qui réfléchissait déjà à quitter la Ligue pour
essayer de vivre de sa plume, en publiant des contes dans les journaux,
accepte tout de même de se rendre chez le marquis. Celui-ci lui offre
quinze cents francs par mois, selon ce que le romancier raconte dans ses
souvenirs (Dictée Un homme comme un autre), et le futur secrétaire sera
logé et nourri lorsqu'il se rendra avec lui dans ses différents
châteaux. Car le marquis de Tracy va emmener son nouveau secrétaire lors
de ses déplacements, et c'est ainsi que Simenon va découvrir une
nouvelle facette de la "France profonde", celle de l'aristocratie qui
vit sur ses terres.
De ces séjours, Simenon gardera bien des
images, qu'il réutilisera par la suite dans ses romans, et tout
particulièrement dans les Maigret, puisque c'est d'après le château de
Paray-le-Frésil qu'il imaginera le château de Saint-Fiacre, et c'est sur
le régisseur de ce château, Pierre Tardivon, qu'il modèlera l'image du
père de Maigret. Mais il en gardera aussi l'impression qu'il existe une
nette différence entre les parvenus qui se sont acheté un nom, nouveaux
riches qui jouent aux hobereaux de province, et les membres de la
"véritable" aristocratie, héritière d'un long passé, où la transmission
du patrimoine terrien prime sur bien d'autres choses… Et si lui-même
prétend ne pas en avoir été influencé (" J'ai beaucoup appris, J'ai
beaucoup vu. J'ai rencontré beaucoup de gens appartenant à un monde que
je ne connaissais pas. Mais rien de tout cela n'est entré réellement
dans ma peau.", écrit-il encore dans Un homme comme un autre), il n'en a
pas moins transmis à son héros de commissaire "plébéien" une sorte de
considération pour ce monde aristocratique, dont on retrouve la trace
dans plusieurs romans: d'abord, bien entendu, dans L'affaire
Saint-Fiacre, où Maigret évoque la figure idéalisée de "Madame la
Comtesse", figure pour laquelle, malgré les vicissitudes, il garde un
certain respect, puisqu'on va la retrouver au fil des récits, jusqu'à un
roman aussi tardif que Maigret et les vieillards, dans lequel Maigret
fait un rêve où la comtesse lui vient en aide. Mais dès les premiers
romans écrits par Simenon, on trouve cette mise en avant de l'opposition
entre les aristocrates "de souche" et les nouveaux riches, puisque dans
Monsieur Gallet, décédé déjà, on trouve le personnage du "faux" Emile
Gallet, qui a vendu son nom pour un plat de lentilles… La charge contre
les parvenus se retrouve dans plusieurs romans, comme dans Maigret a
peur, La première enquête de Maigret, ou Maigret et le corps sans tête.
Et si Simenon a su si bien décrire cette aristocratie de
province, nouvelle ou ancienne, nul doute que son séjour chez le marquis
lui aura été fort utile pour emmagasiner matière et images d'un monde
inconnu jusque-là au petit journaliste fraîchement débarqué de sa Liège
natale…
Murielle Wenger
sgsff
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