A propos d'un livre consacré au courrier des lecteurs de Simenon
SIMENON SIMENON. IL ROMANZIERE E I SUOI LETTORI
A proposito di un libro sulle lettere dai lettori a Simenon
SIMENON SIMENON. THE NOVELIST AND HIS READERS
About a book that deals with the readers' letters to Simenon
Véronique Rohrbach est docteure ès lettres
de l'université de Lausanne.
Elle a consacré sa thèse à l'étude des lettres que les lecteurs adressaient à Simenon.
Elle vient de publier un livre, "Le courrier des lecteurs à Georges Simenon, L'ordinaire en partage", publié par les Presses Universitaires de Rennes.
Son livre est très intéressant, parce qu'il ouvre de nouvelles perspectives sur l'oeuvre du romancier, qui permettent de voir celle-ci sous un autre angle, différent des nombreux travaux qui ont déjà été écrits sur Simenon.
Nous avons demandé à Véronique Rohrbach de répondre à quelques questions sur son travail, et nous la remercions vivement d'avoir accepté.
M.W. Quel était le but de cette étude et pourquoi avoir choisi Simenon ?
V.R. Il s’agissait pour moi de mieux comprendre ce qu’on peut nommer la lecture «ordinaire», appelée ainsi par opposition à la lecture savante, celle que l’on étudie et que l’on enseigne à l’école et à l’université. Dans ce but, Simenon s’est révélé un cas idéal, puisqu’auteur «populaire», pratiquant un genre dit «populaire» (le roman policier) et, bien sûr, auteur à succès. Il s’est aussi révélé idéal dans la mesure où, ainsi que je l’ai découvert, il a reçu un courrier abondant de la part de ses lecteurs, attestant de la réception concrète de son œuvre.
M.W. Comment, concrètement, avez-vous mené votre étude ?
V.R. Je me suis rendue à plusieurs reprises au Fonds Simenon, à Liège, où sont conservées les archives de l’auteur. J’y ai découvert plus de 6000 lettres de lecteurs qui n’avaient jamais fait l’objet d’une étude. Pour ma recherche, j’ai examiné de près quelque 2000 lettres, couvrant une période qui va de l’après-guerre jusqu’à l’annonce par Simenon de l’arrêt de ses romans, en 1972.
M.W. Qu'est-ce que cette étude vous a apporté sur la connaissance de Simenon ?
V.R. Essentiellement ce que les lecteurs ont perçu chez lui, à savoir que l’auteur reprend bien des traits à son personnage phare, Maigret: bienveillance, empathie, attirance pour les destins brisés, les «petites gens». Ce sont des traits qui ont amené les lecteurs à écrire à Simenon pour lui confier, comme à Maigret, leurs propres soucis.
M.W. Depuis que vous avez mené cette étude, lisez-vous autrement les œuvres de Simenon (et aussi celles d'autres auteurs) ?
V.R. Je pense inévitablement à tous ces lecteurs dont j’ai lu les lettres et qui y ont puisé du réconfort, un enseignement, une inspiration pour un voyage ou se sont distraits dans un moment d’ennui – des circonstances parfois décrites avec beaucoup de précision par les épistoliers, qui s’essaient ainsi eux aussi à l’écriture.
M.W. Après avoir lu toutes ces lettres de lecteurs, arriveriez-vous à tracer un portrait de Maigret vu par les lecteurs ?
V.R. C’est pour certains lecteurs un personnage qui revêt les traits du sauveur: on espère de lui que comme dans la fiction, il vienne à bout de situations humaines compliquées, une mort mystérieuse ou un héritage problématique par exemple. Et pour la majorité des lecteurs, Maigret est un personnage attachant de par sa bonhommie et sa profonde bienveillance.
M.W. Au vu des réponses que Simenon a données à ces lettres de lecteurs, comment définiriez-vous le rapport entre le romancier et ses lecteurs ?
V.R. Simenon se pare très souvent des qualités du confident que l’on attribue habituellement au médecin ou au psychothérapeute: on fait appel à lui comme à une aide potentielle ou simplement un confident. C’est aussi un modèle pour se lancer dans la carrière d’écrivain et dans ce sens on s’adresse à lui pour lui demander des conseils ou soumettre un manuscrit.
M.W. Pourquoi, à votre avis, Simenon conservait-il avec un tel soin toutes ces lettres ?
V.R. Ce courrier avait de la valeur pour lui: ces témoignages de personnes vivant des choses difficiles à la manière de ses propres personnages peut-être le confortaient-ils dans ses choix fictionnels ?
M.W. Avez-vous pu définir quelle importance Simenon accordait à ces lettres, dans le cadre de sa création littéraire ?
V.R. C’est difficile de le savoir car à ma connaissance Simenon n’a pas évoqué publiquement le lien entre ce courrier et sa création.
M.W. Si vous deviez vous mettre dans la peau d'un lecteur, qu'auriez-vous eu envie d'écrire à Simenon ? De quoi auriez-vous eu envie de lui parler ou qu'auriez-vous eu envie de lui demander ?
V.R. J’aurais peut-être fait comme ces lectrices qui se sont plaintes du sort fait à Mme Maigret et demandé à son créateur de l’émanciper quelque peu de son foyer !
M.W. Et pour finir, l'inévitable question (!): quel est votre roman de Simenon préféré, parmi les romans durs et parmi les Maigret, et pourquoi ?
V.R. Je n’ai pas de roman préféré parmi les romans durs, que j’affectionne moins que les Maigret. Et parmi ces derniers, je dirais L’Affaire Saint-Fiacre pour l’aspect très classique de ce récit policier.
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