Contexte d'écriture et micro-analyse du roman "Maigret tend un piège"
SIMENON SIMENON. SEI MESI A MOUGINS: LA TRAPPOLA DI MAIGRET
Contesto di scrittura e micro-analisi del romanzo "La trappola di Maigret"
SIMENON SIMENON. SIX MONTHS AT MOUGINS: MAIGRET'S TRAP
Writing context and micro-analysis of the novel "Maigret Sets a Trap"
En mars 1955, Simenon a quitté définitivement l'Amérique. Il veut retrouver la vieille Europe, mais il ne sait pas encore où il va poser ses valises. En attendant d'avoir choisi un lieu propice à l'épanouissement de sa famille et de sa création littéraire, il fait halte dans un hôtel de Cannes. Il est à la recherche d'une villa, d'un nouveau nid, mais où le découvrir ? La Côte d'Azur lui semble, dans un premier temps, un endroit adéquat: on y trouve un climat agréable, de bons médecins, et, ce qui ne gâte rien, pléthore de cabarets de strip-tease… Il vise Cannes, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Au mois d'avril, il loue une villa à Mougins, La Gatounière, sur une colline couverte de pins et d'oliviers. La maison lui plaît, surtout parce qu'on y jouit d'une belle vue, mais elle n'est pas assez grande pour qu'il y puisse y installer un bureau. Il va donc travailler dans une petite annexe, blanchie à la chaux. Durant les six mois qu'il va passer sur place (hormis les quelques semaines en été pendant lesquelles il sillonnera la France à la recherche de ses souvenirs, de Sancerre à Porquerolles, en passant par La Rochelle et les Sables d'Olonne), il écrira trois romans. D'abord La boule noire, roman dans lequel il règle, en quelque sorte, quelques comptes avec une certaine Amérique; puis Maigret tend un piège, et enfin Les complices, un roman où se mêlent de façon étrange le drame et la sexualité.
Mais attardons-nous un peu davantage sur Maigret tend un piège. Avec ce roman, Simenon inaugure une nouvelle voie, sur un thème qui deviendra très présent dans les romans plus tardifs de la saga, ceux écrits dès son installation en Suisse: le thème de la responsabilité des criminels. Dans Maigret tend un piège, il ne s'agit pour l'instant que de faire le portrait d'un psychopathe, avant que d'autres romans ne parlent de la folie (Les scrupules de Maigret, Maigret hésite) puis de la responsabilité des criminels et du fonctionnement de la justice (Une confidence de Maigret, Maigret aux Assises). Sans que l'on ne puisse à proprement parler d'une rupture, entre les romans Maigret écrits en Amérique et ceux du retour en Europe, on sent tout de même une sorte d'évolution dans la rédaction de ceux-ci: les Maigret s'éloignent de plus en plus du genre policier, au sens classique du terme (si tant est qu'ils en aient jamais vraiment fait partie…), pour se rapprocher des thématiques des romans durs. De plus en plus, Simenon va confier à son héros commissaire ses propres interrogations et questionnements sur le monde, et Maigret tend un piège est en quelque sorte un précurseur sur cette voie.
On avait déjà senti, dans Maigret a peur, écrit en 1953, quelque chose de cette évolution: pour la première fois, Simenon plaçait dans le titre même du roman un indice de la faillibilité du policier, loin d'être tout-puissant, et rempli de doutes sur son métier; ce roman Maigret a peur évoquait aussi ce thème de la folie, qui hante, il est vrai, toute l'œuvre simenonienne. Pour ne parler que des Maigret, on évoquera, déjà au temps des romans de la période Fayard, Mme Martin dans L'ombre chinoise, un personnage aux confins de la folie. Sur cette longue voie qui mène jusqu'aux romans de la dernière partie de la saga maigretienne, Maigret tend un piège est comme une étape: un portrait terrible d'un tueur en série, mais qui garde, grâce à la présence de Maigret et sa tentative de comprendre, une part d'humanité. Si ni le commissaire, ni son créateur, ne cherchent à excuser les agissements de Moncin, il faut bien reconnaître que ce tueur est présenté par Simenon davantage en victime qu'en coupable: victime d'une mère et d'une épouse possessives, ce Marcel qui n'a jamais pu grandir n'a d'autres ressources pour s'affirmer, et affirmer son orgueil, que le meurtre… Et finalement, le plus terrifiant, dans ce roman, n'est-il pas le comportement des deux femmes: Mme Moncin mère, qui a étouffé son enfant, en a fait sa chose, et Yvonne Moncin, que l'amour égoïste pour son mari va pousser elle-même à commettre l'irréparable…
Après six mois passés à Mougins, Simenon, qui est toujours en quête de son nouveau nid, fait une prochaine escale, dans une villa de Cannes, où, à peine installé, il explore à nouveau le thème amour-jalousie-drame-mort, dans En cas de malheur. Et le prochain roman Maigret nous montrera, une fois de plus, de par son titre même, les limites humaines de son personnage: ce sera Un échec de Maigret…
Murielle Wenger
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