martedì 13 marzo 2018

SIMENON SIMENON. UNE ENQUETE SUR UNE ENQUETE

Quelques questions à propos du roman "Maigret se fâche" 

SIMENON SIMENON. UN'INCHIESTA SU UN'INCHIESTA 
Alcune domande a proposito del romanzo "La furia di Maigret" 
SIMENON SIMENON. AN INVESTIGATION INTO AN INVESTIGATION 
Some questions about the novel "Maigret Gets Angry"

Il y a plus de 80 ans aujourd'hui que Simenon faisait paraître ses premiers romans Maigret chez Fayard, et plus de 40 ans qu'il cessait sa production romanesque, avant de se consacrer à des récits autobiographiques. Depuis lors, simenoniens, érudits et amateurs, ont bâti un empire d'études et d'analyses en tout genre sur le romancier. On s'est rendu sur ses lieux de vie, on a fouillé les documents, et, à part la publication de sa volumineuse correspondance, on pourrait croire que depuis tout ce temps, tout a été dit et découvert sur l'œuvre. Mais le continent simenonien est loin d'être complètement exploré, et il reste quelques mystères éditoriaux non résolus, et donc, bien des os à ronger pour les chercheurs de tout poil… 
On sait que c'est surtout pour les romans écrits avant guerre qu'il y a encore plusieurs inconnues, parce qu'à cette époque, Simenon n'avait pas inauguré le système perfectionné qui fut le sien par la suite, avec datation précise des périodes de rédaction (les fameux calendriers marqués de croix rouges et bleues). Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur le cas de Maigret se fâche 
Toutes les bio-bibliographies les plus actuelles mentionnent une rédaction de ce roman en août 1945, lorsque Simenon, en attente du départ vers les Amériques, passe quelques jours sur les lieux qui ont vu la naissance de plusieurs romans de la saga maigretienne, soit Morsang et ses environs. C'est Claude Menguy – et à sa suite Michel Carly, qui s'appuie sur les découvertes de ce dernier – qui propose cette date et ce lieu de rédaction, corroborés par ce que Simenon écrit dans ses Mémoires intimes: "J'ai rencontré Pierre Lazareff […]. Il a quitté Prouvost, avec qui il dirigeait France-Soir et il est maintenant à la tête d'un nouveau journal: Libération, pour lequel il me demande un roman. Il reste un mois avant le départ, et nous allons près de Morsang, où l'Ostrogoth a été longtemps amarré. J'écris en hâte le roman pour Lazareff avec qui j'ai débuté à Paris."  
Notons que le mémorialiste ne précise pas le titre du roman en question, mais les simenoniens, par recoupement, ont admis qu'il ne pouvait s'agir que de Maigret se fâche, qui paraîtra en effet dans le journal France-Soir (et non dans Libération…), que Pierre Lazareff a rejoint en septembre 1944, quand ce journal s'appelait encore Défense de la France (fondé en juillet 1941, il prend en novembre 1944 le titre de France-Soir, en gardant en sous-titre Défense de la France).  
Ceci dit, il reste quand même un mystère non élucidé. D'après Simenon, Lazareff lui a demandé un texte pour son journal, et ce texte aurait été écrit en août 1945. En admettant que ce texte ait été remis à Lazareff avant le départ du romancier pour l'Amérique (qui a lieu en octobre), pourquoi diable ce roman ne paraît-il qu'en mars 1946, soit plus de six mois plus tard ? Faut-il évoquer un retard dû aux convulsions de la fin de la guerre ? Nous n'avons évidemment pas la réponse, et probablement nous manque-t-il des informations qu'on pourrait trouver dans la correspondance du romancier 
Mais il y a encore mieux: Pierre Assouline, dans sa biographie, écrit que Lazareff a signé avec Simenon un contrat de "trois ans en vertu duquel son journal a l'exclusivité de ses Maigret pour la presse." On peut admettre que ce contrat ait été signé vers 1945. Or, en y regardant de plus près, on constate que, des trois romans Maigret qui paraissent en pré-originale dans des journaux de ces années-là, seul Maigret se fâche est publié par France-SoirMaigret à New York paraît en feuilleton dans le journal L'Aurore dès juin 1946, et Les vacances de Maigret dans Ici Paris Hebdo dès février 1948… Un mystère de plus à ajouter… 
Enfin, un dernier point retiendra notre attention pour ce billet d'aujourd'hui. Le site des archives en ligne de la Bibliothèque Nationale de France (gallica.bnf.fr) propose les numéros de France-Soir correspondant aux dates où Maigret se fâche paraît en feuilleton. Ce qui nous a permis de constater, en comparant le texte du feuilleton et le texte du roman paru aux Presses de la Cité, quelques divergences. Certaines portent sur des détails (un mot changé, une différence dans la ponctuation), d'autres sur des éléments plus importants, dont le fait que le texte du feuilleton est plus court que celui du roman; en effet, on trouve dans celui-ci des paragraphes entiers qui manquent dans la version du journal. Est-ce le texte original écrit par Simenon qui a été raccourci pour des raisons d'économie de place dans le journal ? Ou est-ce le romancier lui-même qui a revu son texte après coup, en le complétant et en le corrigeant avant de le donner à Sven Nielsen pour en faire un volume avec La pipe de Maigret, premier de la série à paraître aux Presses de la Cité ? La réponse est d'autant plus difficile à trouver que le manuscrit a disparu… 
En outre, nous avons pu constater que le texte paru en feuilleton (en 38 livraisons) n'est pas, contrairement au roman, chapitré. Dans le roman, on trouve huit chapitres titrés, tandis que chaque livraison du feuilleton porte elle-même un titrecertains des titres du feuilleton ont été réutilisés pour les titres des chapitres du roman (nous faisons appel ici aux collectionneurs, car les numéros des 29 et 30 mars ne sont pas en ligne sur Gallica, et nous aimerions bien connaître les deux titres manquants). Et ainsi apparaît le dernier mystère qui entoure Maigret se fâche: qui a proposé les titres du feuilleton ? Est-ce Simenon lui-même ? Qui a proposé les titres du roman ? Et ceux-ci existaient-ils déjà sur le manuscrit ? 
Décidément, l'œuvre simenonienne est loin d'avoir livré tous ses secrets… 

Murielle Wenger  

Nessun commento:

Posta un commento

LASCIATE QUI I VOSTRI COMMENTI, LE VOSTRE IMPRESSIONI LE PRECISAZIONI ANCHE LE CRITICHE E I VOSTRI CONTRIBUTI.