martedì 17 luglio 2018

SIMENON SIMENON. UNE MASSE PLACIDE /2

La force morale du commissaire: du physique au psychologique 

SIMENON SIMENON. UNA MASSA PLACIDA /2 
La forza morale del commissario: dal fisico al psicologico 
SIMENON SIMENON. A PLACID MASS /2 
The moral strength of the Chief Inspector: from the physical to the psychological 


Il faut noter que les termes décrivant la stature épaisse du commissaire apparaissent surtout dans les romans de la période Fayard et Gallimard, ainsi que dans les premiers des Presses de la Cité, et qu'un tournant se dessine très vite: ainsi, dans L'amie de Madame Maigret, on trouve cette formule à propos de Maigret: "il paraissait vraiment […] un gros homme qui essaie honnêtement de comprendre". On est très loin, à ce moment-là, des descriptions "pachydermiques" que l'on trouvait dans les premiers romans de la saga (voir Le pendu de Saint-Pholien). Si Maigret est encore qualifié de "gros" dans L'amie de Madame Maigret, on sent déjà, dans la formule utilisée par Simenon, que d'autres aspects du personnage vont prendre le dessus: son empathie devient de plus en plus importante, et la masse corporelle s'efface, si l'on peut dire, derrière la puissance morale.  
Alors que l'on trouve, dans quasiment chacun des romans Fayard et Gallimard, au moins une allusion à la corpulence de Maigret, celles-ci deviennent rares dès après Les mémoires de Maigret. Et ces notations sur le poids physique du commissaire, lorsqu'elles apparaissent, sont liées à un trait psychologique: la masse du commissaire se présente le plus souvent dorénavant comme une caractéristique mentale. Ainsi, dans Maigret tend un piège, lorsque le commissaire rejoint Lapointe devant chez les Moncin, il apparaît à l'inspecteur "plus massif et plus lourd que d'habitude". Ce n'est plus tellement ici une question de poids qui doit impressionner ou de bloc inassimilable par l'environnement, mais c'est une lourdeur psychologique: Maigret se fait lourd parce qu'il doit affronter des difficultés dans son enquête. Dans La colère de Maigret, le commissaire retrouve en quelque sorte l'aspect effrayant qu'il avait dans Le pendu de Saint-Pholien (voir le chapitre 7), mais ici il s'agit de sa réaction face à l'accusation dont il est victime: apprenant, par la bouche du petit garagiste Mauran, qu'on peut l'avoir soupçonné d'être corruptible, Maigret se transforme en une "masse solide", "imposante", son visage ressemble "à un bloc de pierre", et Mauran en ressent "une sorte de panique". Dans La patience de Maigret, lorsque le commissaire se rend avec Janvier en voiture chez Palmari (où il sait déjà qu'il va probablement trouver le cadavre de Claes), Maigret devient un "monolithe presque effrayant", un "bloc impassible". Alors que dans Pietr le Letton, il était décrit comme restant "en dehors du mouvement", comme une sorte d'observateur aux aguets, dans la scène de La patience de Maigret, le commissaire "ne voyait certainement rien autour de lui, n'entendait rien": il est au concentré en lui-même, et toute cette masse concentrée est le reflet de sa concentration psychologique, qui lui donne l'intuition de ce qui s'est passé. A noter qu'à la fin de ce roman, après avoir découvert la vérité sur le meurtre de Palmari, ayant dépassé le paroxysme de sa concentration, il est dit de lui que son "corps massif était vide"; autrement dit, on a bien affaire ici à une description psychologique. On peut trouver un bon exemple de ce changement de point de vue sur le commissaire dans la comparaison entre deux romans, sur l'image du "commissaire à la fenêtre". Dans Monsieur Gallet, décédé, au chapitre 11, lorsque le faux Saint-Hilaire explique ce qui s'est passé, l'accent est mis sur le contraste que son attitude forme avec celle de Maigret, de laquelle émane "une telle impression de puissance tranquille, confiante". Simenon use alors d'une image parlante: il dit que Maigret qu'il "était énorme. Quand il passait sous l'ampoule électrique, il la frôlait de la tête et ses épaules suffisaient à remplir le rectangle de la fenêtre, comme les seigneurs du Moyen Age, aux manches bouffantes, touchent le cadre des tableaux anciens." Ici, on a affaire à une description de Maigret dans laquelle l'importance est mise sur son aspect physique plus que sur son aspect moral (même si sa force morale est sous-jacente dans la description). Au chapitre 6 de Maigret et le marchand de vin, Maigret, qui se trouve dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, se plante devant la fenêtre, d'où il aperçoit Pigou sur le trottoir. Le regard de Mme Maigret découvre alors "le large dos de son mari qui, rigoureusement immobile, comme tendu, paraissait plus large encore." Cette largeur physique se double ici d'une tension morale, et, symptomatiquement, lorsque Pigou s'éloigne, le narrateur note que la "masse du commissaire perdit de sa rigidité. Il resta encore un moment devant la fenêtre, comme pour reprendre son aspect habituel". Les mots choisis sont clairs: "l'aspect habituel" du commissaire, dans ces romans tardifs, n'est plus celui du bloc inébranlable des premiers romans de la saga, et la masse qu'il représente n'est rigide que sous l'effet de circonstances mettant en jeu des aspects psychologiques.  
L'impression de puissance physique donnée par Maigret dans les débuts de la saga perd de son importance au profit d'une force morale, mais une force morale qui est parfois remise en cause, car Simenon n'a pas voulu faire de Maigret un surhomme, mais au contraire un personnage pétri d'humanité, avec ses failles et ses faiblesses… 

Murielle Wenger 

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