martedì 10 luglio 2018

SIMENON SIMENON. UNE MASSE PLACIDE /1

Premières esquisses: un commissaire à la silhouette lourde et épaisse 

SIMENON SIMENON. UNA MASSA PLACIDA /1 
Primi schizzi: un commissario dalla sagoma pesante e spessa 
SIMENON SIMENON. A PLACID MASS /1 
First sketches: a Chief Inspector with a heavy and thick silhouette 

Je devenais plus gros, plus lourd que nature, avec, si je puis m'exprimer ainsi, une pesanteur étonnante." (Les mémoires de Maigret).
Que le personnage de Maigret ait évolué au fil de la saga est un fait indéniable, et qui apparaîtra évident à tout lecteur qui se donne la peine de lire les romans dans l'ordre chronologique de leur rédaction. Certes, dès les débuts ses traits essentiels sont posés: un physique massif, une force tranquille, sans parler de son humanité et de son empathie. Mais au fil du temps, son créateur a affiné la psychologie de sa créature, en même temps qu'il le dotait de quelques-uns de ses propres caractéristiques: une sensibilité aux odeurs, à la nourriture, aux jeux d'ombre et de lumière, ainsi que nombre de ses propres interrogations sur le monde, en particulier à propos de la culpabilité et de la responsabilité humaines. Plus le temps a passé, plus Simenon s'est rapproché de Maigret, alors qu'il l'avait au début imaginé comme une sorte de "tremplin" pour accéder à un nouveau palier dans la littérature, un "meneur de jeu" dont il pensait pouvoir se passer un jour… On sait ce qu'il en est: au contraire, Maigret est devenu, sinon son porte-parole, du moins le porteur de certaines de ses hantises… 
On pourrait suivre cette évolution en se concentrant sur divers thèmes. Pour le billet d'aujourd'hui, nous allons nous focaliser sur un aspect particulier, la description du physique du commissaire, et nous allons voir comment Simenon utilise cette description, et comment, petit à petit, comme l'écrit Gilles Henry (dans La véritable histoire du commissaire Maigret), on passe d'une "sorte de géant, énorme, grand et lourd", à un Maigret "beaucoup plus intériorisé". Gilles Henry dit encore que "Simenon l'affinera considérablement, conservant la taille, supprimant la lourdeur, le poids et ce côté «bovin» des débuts". 
En réalité, il ne s'est pas tellement agi de "supprimer la lourdeur et le poids" de Maigret, mais plutôt d'en faire une lourdeur plus "intérieure", c'est-à-dire une lourdeur morale. Le commissaire reste gros et corpulent, mais plus on avance dans la saga, plus les descriptions de son physique se font rares, et son côté massif et lourd est de plus en plus souvent décrit dans des circonstances particulières de l'enquête.  
Dans le roman qui ouvre la saga et où Maigret apparaît pour la première fois "officiellement", Simenon se doit d'évoquer souvent le physique du commissaire, pour poser sa silhouette telle qu'elle lui est apparue, cette "masse puissante et impassible" que le romancier décrit dans la préface de 1966 pour les éditions Rencontre. On va donc trouver, dans les deux premiers chapitres de Pietr le Letton, une accumulation de termes descriptifs: dans son bureau, Maigret se campe, "large et pesant", puis, lorsqu'il va attendre Pietr à la gare du Nord, il est là, "énorme", comme un "mur" contre lequel vient buter toute l'agitation, et il pousse sa "masse placide" au milieu de la foule. Ce terme de "masse" va apparaître souvent dans les romans qui suivent, pour décrire l'allure du commissaire, et c'est un terme bien choisi: on peut imaginer Maigret non seulement en volume, mais en masse (voir par exemple, dans Un crime en Hollande, lorsque Maigret suit Cornelius, sa silhouette est décrite, si l'on peut dire, en trois dimensions: "Maigret entrait tranquillement dans la zone lumineuse, de toute sa largeur, de tout son volume, de tout son poids."), c'est-à-dire comme quelque chose de pesant, de "rempli", comme un "bloc". Le mot "bloc" apparaît d'ailleurs à trois reprises dans le chapitre deux de Pietr le Letton. Maigret forme un bloc, "énorme et osseux", dérangeant et inassimilable, au milieu des dorures du Majestic.  
Mais déjà dans ce premier roman, Simenon montre que malgré sa solidité, le commissaire a des failles: ainsi, au chapitre 8, après avoir été blessé, et avoir découvert le meurtre de Torrence, Maigret se montre sous un autre jour: "Ce n'était plus le bloc dur, tout d'une pièce, formidable…". Une impression qu'on retrouvera aussi dans Cécile est morte, lorsque, après la découverte du cadavre de la jeune fille, le romancier dit de son personnage qu'il était "grand et fort, solide en apparence comme un roc" (nous soulignons). 
Ainsi, dès le premier roman, des jalons sont posés: Maigret est une masse compacte, aussi bien au physique qu'au mental. Cependant déjà apparaît le fait que le commissaire, malgré son physique massif, reste un être humain, et qu'il ne sera pas à l'abri des attaques… 
Dans la deuxième partie de ce billet, nous tenterons d'établir quelques comparaisons entre les romans, afin de montrer l'évolution de la description que le romancier a faite de son héros. 

Murielle Wenger

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